Simone est un conducteur hors pair. S’il n’avait pas été cuisinier, il aurait été coureur automobile. Parfois je me cramponne, mais tant que nous n’aurons pas atteint les petites routes, les virages en épingle à cheveux seront rares. Une suite ininterrompue d’autoroutes nous mènera de Paris au cœur de l’Italie. Bien que j’aie toute la banquette arrière pour moi seule, je dormirai peu. Je suis trop enivrée par ce long road-trip et son romantisme absolu : quatorze heures de route presque non-stop, vingt minutes par-ci, par-là sur les aires de stationnement pour grignoter de la junk food, boire du café et répondre aux appels de la nature. Sortie du tunnel du Mont-Blanc à 2 heures du mat’ à tout berzingue. Traversée du Val d’Aoste sans voir le paysage : je devine les imposantes montagnes qui nous dominent de part et d’autre, des villages illuminés, tous coiffés d’une forteresse, nous sourient au passage. Un dernier arrêt carburant-pipi-café ; je stationne devant une vitrine de souvenirs remplie d’objets nacrés à l’effigie du pape François. Au cas où j’en douterais, on est bien en Italie. On arrivera à Spoleto vers 6 heures. Deux heures de sommeil nous sont autorisées : dès 8 heures, il faut se relever pour assister à un cavage de truffes.
Et ainsi de suite. Ces quelques jours de rodéo dans le nord de l’Italie resteront pour moi un souvenir enchanté, tout en amitié et en découverte. En cuisine et en vins sublimes, aussi. Nous passerons de la truffe à la porchetta, de l’Ombrie à la Toscane, puis à l’Émilie-Romagne, ses jambons, ses culatelli, son vinaigre balsamique. Son parmesan, dont nous irons voir la fabrication artisanale dans une campagne encore enneigée.
Fin de reportage en Lombardie. À Bergame, nous irons dîner chez Da Vittorio avec l’équipe des vins Ca’ del Bosco. Nous irons admirer le fromage storico ribelle en Valtelline et terminerons le séjour dans la famille de Simone, près du lac de Garde. Là, je découvrirai le secret de Simone : il n’y en a pas. Il y a juste une famille débordant d’amour et de courage, experte en autosuffisance alimentaire — le père de Simone fait son vin, sa grappa, ses salumi ; sa maman fait ses coulis, ses confitures de raisin ; sa grand-mère adorée, Nonna Igina, élève ses poules, ses lapins, et confectionne à la main ses tortelli aux herbes. Simone et sa famille, une collection d’âmes fortes et belles, inoubliables. Et puis nous repartirons vers Paris comme nous sommes venus : à fond la caisse.
Simone et Nicolas Chatenier, président du jury. Le principe des dîners Collet est bien connu maintenant : un dîner est confectionné à l’espace Gaggenau pour le jury du prix Collet et quelques invités.
Simone et Agathe Masson, de La Martinière, chargée avec Laure Aline de l’édition du livre.
Simone s’entretient avec Olivier Charriaud, directeur général des Champagnes Collet, et Nicolas Chatenier.
Avec Simone sont venus les cuisiniers du George, tous originaires de différentes régions d’Italie. Pour écrire les recettes régionales, j’ai questionné toute l’équipe. Et en avant pour l’antipasto !
Ce sera un vitello tonnato façon Simone : veau cuit à basse température, crème tonnato, bille d’eau de câpre. Il est accompagné d’un velouté de potiron (non photographié). L’accord s’est fait impeccablement avec le champagne Collet Brut Art-Déco pour le premier et le champagne Collet meunier vieilles vignes collection privée pour le second.
Voici le plat qui a ensorcelé toute la salle, jury et autres : agnolotti de veau braisé, crème de cèpes et truffe blanche. Une pure merveille de finesse, d’équilibre et de goût, joliment accompagné par les notes rôties du champagne Collet brut vintage collection privée 2008. Trois agnolotti sur l’assiette. On demande si, on ne sait jamais, il n’y aurait pas de rab. Il n’y en a pas.
Parce qu’il faut passer au risotto. Vous ne pensiez tout de même pas qu’on allait l’apporter et le réchauffer ? C’est du sur-mesure, du fait-minute.
Et le voilà bientôt dans les assiettes, ce risotto de calmar au champagne Collet brut. Les grains, tendres et entiers, tiennent en suspension dans un jus riche et savoureux fait de fumet de poisson et de champagne. Coiffant tout cela, de délicates petites pistes sautées l’espace d’un instant et un shiso pourpre qui est exactement l’herbe qu’il fallait. Champagne Collet brut avec ça, évidemment.
Le bar de ligne en cartoccio est cuit dans une papillote qui contient des palourdes, quelques petites tomates olivettes, des olives taggiasche, du citron et un jus divin que nous lampons jusqu’à la dernière goutte. Ce plat soyeux s’allie avec grâce au champagne Collet Esprit Couture.
Nocciola e limone : sur un socle de biscuit et de glace noisette, dans une assiette chemisée de poudre de noisette, la mousse de noisette du Piémont renferme un cœur de citron confit. Généreux, surprenant et voluptueux. L’accord, une fois n’est pas coutume, ne marche pas très bien (champagne Collet rosé dry collection privée). Mais il n’est pas facile d’associer un champagne à ce type de dessert.
Ainsi, nous avons goûté et, pour beaucoup, découvert cette cuisine généreuse, lumineuse et dédiée à la saveur jusqu’à la moindre goutte. Merci, Simone, de t’y mettre tout entier. Au cas où l’on observerait que, corédactrice du livre et autrice de cette chronique, je suis ici juge et partie, je réponds : et comment ! Comme si ça changeait quoi que ce soit à la réalité de ce que je vous raconte. Et d’ailleurs, c’est encore pire que ça : Simone est un ami. Juge, partie et inconditionnelle de ce chef sincère, solaire et modeste, qui aime la vie et aime les gens qui aiment la vie. Et il conduit cette Porsche Turbo comme un dieu. À votre santé et au tunnel du Mont-Blanc !
Simone Zanoni, Mon Italie. Éditions de La Martinière, sortie 11 octobre 2018, 45 €, photographies de Jean-Claude Amiel.
À la petite cuillère
Textes et photos : Sophie Brissaud