

Visite d’une adresse qui sent bon l’immortelle et la myrte, qui évoque les flots bleus et les montagnes escarpées : A Casaluna.
Discrètement établi au coeur du 1er arrondissement, rue de Beaujolais, au numéro 6 exactement, à deux pas du Palis Royal. Un quartier discret, tout aussi discret que la façade du restaurant qui se fond dans les bâtiments de la rue.


La nuit tombe sur Paris. Poussons la porte. Une vaste salle voutée. Pierres apparentes et bois clair. Règne une atmosphère qui mixe harmonieusement sobriété et convivialité, rusticité de la Corse profonde et élégance de Paris. Nous sommes pris par les douces musiques corses, et par la lumière tamisée qui donne belle mine aux convives. Nous sommes dans les anciennes écuries qui auraient accueilli les chevaux et les gardes du Cardinal de Richelieu. Si les pierres pouvaient parler, elles raconteraient des histoires de palefreniers, de laquais et de carrosses.
Authenticité dans le décor, les tables sont en bois de châtaignier de la Castagniccia, région du nord de la Corse, montagneuse, boisée, plantée de forêts de… châtaigniers, la pierre patrimoniale qui est posée sur le sol et protège les radiateurs, vient de Saint Florent. Une ambiance rassurante, naturelle, au plus proche des valeurs et des ressources de l’île, un peu inspirée de Murtoli. Brute et sauvage, élégante sans fioriture ni ostentation inutiles. A Casaluna est comme un instantané de la Corse, une carte postale sépia d’auberges corses…
Authenticité dans l’accueil. Deux frères complices, le frères Costantini, qui aiment leur ile de beauté et en famille partagent le bonheur et la fierté de défendre un terroir, une cuisine identitaire et rendent chaque jour hommage à l’ile singulière. Depuis 15 ans, les frères célèbrent la Corse et sa cuisine. Résonnent les paroles envoûtantes du Dio vi Salvi, Regina, chant religieux, qui traduit le culte à la Vierge, devenu hymne national de la République corse insurgée, et depuis cette prière dit l’émotion à chaque manifestation, à chaque enterrement, à chaque procession, à chaque dévotion.
Authenticité dans la cuisine inspirée des parfums et des couleurs, des saveurs et des producteurs, de l’histoire de cette montagne sur la mer. Ainsi défile une cuisine de la terre et de la mer, entre terre et mer qui se répondent, s’assemblent dans le respect du terroir d’une ile entre le ciel et l’eau, faite de montagnes et de mer, ce qui permet aux chefs locaux ou de la diaspora, de jongler avec les saveurs de la mer et de la terre. Les plats peuvent ainsi allier les richesses maritimes aux herbes aromatiques de l’intérieur des terres.
UNE CUISINE. Riche de tradition, métissée, elle sait se réinventer sans rien perdre de son identité. Elle est généreuse et amoureuse, elle est nourriture et art de vivre, déclaration d’amour à une terre sauvage, elle évoque la famille et les amis, les repas interminables autour de grandes tablées secouées de rire et de sourires, de tendresse et d’amour, agitées de mots forts et chantants, où chacun prend le temps de partager, de se confier, de se souvenir et de… manger.
Voyage, voyage au coeur de l’Ile de Beauté avec un menu, relativement court, qui met en majesté les produits et la cuisine chaleureuse, sincère, passionnée, respectueuse-tueuse, identitaire, revisitée avec parcimonie et originalité créative sans abimer l’histoire et les traditions.
Embarquement immédiat. Le voyage commence avec trois époustouflantes mises en bouche, sublimes et divines petites coupes qui ont demandé des temps de recherches, d’essais et de mise au point. « Tapenade givrée – Huile d’olive à tartiner – Maram d’oursin ». C’est coloré, ludique et furieusement étonnant. Entrée en scène du pain, le fameux pain chaud à la farine de châtaigne, San Pacraziu, pain feuilleté enroulé que le chef a créé avec son grand ami Cédric Grolet. Le pain chaud joue avec le froid d’un « beurre » d’huile, car on Corse nous ‘avons pas pas de beurre mais de l’huile d’olive et des idées. Le chef a donc créé un givré d’huile d’olive, délicieux. Il déboule avec une tapenade elle aussi totalement givrée et un inoubliable tarama d’oursins qui met la mer en bouche, les vagues qui tapent sur les Iles Sanguinaires… Des mises en bouche qui ont l’accent, l’accent corse.
L’air d’une berceuse traditionnelle corse « O ciucciarella » murmure des mots d’amour. La terre et la mer débarquent sur la table en toute simplicité et en mille saveurs. Les plats arrivent un peu en fleurs, un peu en herbes de l’ile, beaucoup avec du coeur, de la fraicheur, de la couleur.
Fleurs et agrumes épanouies excitent un loup. « Effiloché de loup » Le poisson arrive à pas feutrés avec des fleurs d’immortelle, plante endémique de l’ile, purée de citron. Une assiette qui réveille, acidulée, colorée, fraiche si fraiche. En toute simplicité.
Suit La tomate en déclinaison, elle se présente confite, en granité, s’accompagne de fromage de brebis et d’olive, se fait eau de tomate.
C’est au tour de défiler de la Salade de pois chiche, tomate, cédrat, et nepita au parfum mentholé qui embaume la montagne et le maquis corses. La puissante plante aromatique aux mille vertus réveille les pois chiche, apporte à cette salade une note sauvage, piquante à souhait.
Voilà la Pourtague de la Manara et les agrumes qui font danser la Daurade. Elle évoque les soirées sur la plage. Une croûte parfumée, moelleuse, douce de pourtague est délicatement posée sur le poisson, elle voisine avec un acidulé condiment d’agrumes qui fouette le poisson en croûte.
Le chef s’est attaqué au trompe-l’oeil, il est le premier à créer un fromage transformé. Un fromage qui vient des bergeries corses, un brocciu, se fait crémeux et aérien, se marie à la noix, au poivre et aux fruits pour enchanter le moment.
La touche sucrée ? La voilà. Jean Costantini révise les fameux fruits givrés qui désaltèrent sur les plages de Bonifacio depuis toujours. Ainsi le cédrat, la clementine jouent les givrés, totalement givrés. Nous goûtons un somptueux et subtil Pomelo givré, rempli d’une déduction de son propre jus, de sorbet, de zestes parfumés, tout cela sans le moindre gramme de sucre ajouté. Le fruit, le goût. La Nature, naturellement, tout simplement. Immanquable Chocolat/Cédrat.
La carte des vins, exclusivement corse, est un véritable voyage œnologique, présentant des crus souvent rares, issus de petites productions. Chaque verre accompagne avec justesse les plats, témoignant d’une belle connaissance du terroir. Le rouge de Patrimonio, et pour finir en beauté les liqueurs de l’ile… Pour une plongée dans la beauté irrésistible de Kallistê, en légèreté. Une escapade sur l’île avec de goût exquis de fraicheur, d’insouciance, de vacances et d’envie de revenir entre mer et montagnes, vergers et châtaigneraies Calanques et Capo di feno.
UN CHEF – JEAN COSTANTINI – Depuis l’enfance, un seul rêve l’anime : devenir cuisinier. De maisons étoilées en brigades prestigieuses, il va apprendre et faire des rencontres, la plus importante celle avec Alain Ducasse, qui deviendra son mentor et une source d’inspiration constante. D’ailleurs, le chef multi-étoilé dine régulièrement ici, à la même table, à l même table. Dans le cadre qu’il a totalement repense de A Casaluna, Jean Costantini offre une véritable immersion dans une Corse brute et authentique. Aujourd’hui, A Casaluna est un véritable laboratoire culinaire, où ses créations audacieuses redéfinissent les codes de la gastronomie. Sa cuisine, à la fois simple et résolument moderne, reflète son héritage et sa vision singulière.
NOUS AVONS AIME – le mélange de tradition et de modernité, de classique respecté et d’audace créative. La mise en scène d’un héritage culinaire, d’une histoire et d’une culture. La vision d’une famille de la diaspora qui a su et sait entretenir les liens avec l’ile, respecter les traditions insulaires et cette vision de la vie qui n’appartient qu’à cette montagne au milieu de la mer. Nous avons adoré comment, en faisant simple, le chef donne quelques heures de bonheur, de soleil, de nature.
Nous avons aimé les coquillages et poissons, légumes et fruits, qui dansent dans les assiettes à tour de rôle. La créativité explose, l’originalité est joliment mise en scène dans des assiettes. Sans complexe, mais avec grand respect, le chef ose. Il a des idées, il les réalise pour une cuisine singulière qui travaille les détails et les surprises. Il s’amuse c’est évident, il joue avec les produits, les textures, les températures et sublime le naturel. Sans relâche, avec passion évidente, goût de la perfection et envie d’aller plus loin dans le travail des produits endémiques et emblématiques de sa terre natale. Mention spéciale pour le pain !
Jean Costantini n’est pas seulement un chef, il est un ambassadeur de la cuisine corse d’hier et d’aujourd’hui, un passeur de goûts. Ses recettes mêlent des pincées de tradition, un grain de folie, et surtout… beaucoup d’amour. Viva Corsica !
Nous avons aimé le bonheur en famille, le terroir en majesté,
UNE ADRESSE – A Casaluna – 6 rue de Beaujolais – 75001 Paris