La cérémonie était prévue à Cognac – ce qui avait soulevé de vives réactions – mais c’était sans compter sur une crise fulgurante qui décide du calendrier, chamboule à sa guise les agendas. C’est avec vue sur Paris, en direct du Jules Verne, deuxième étage de la Tour Eiffel que la pluie d’étoiles va tomber. Le tournage de la vidéo est déjà en boite depuis dimanche. Dans la plus totale discrétion, dans le plus grand secret quelques chefs – deux et trois étoiles ceux qui ont été avertis de leur promotion – ont pris l’ascenseur qui mène au plus près du ciel étoilé et se sont retrouvés devant les caméras. Mais c’est aujourd’hui lundi que la liste des élus – ou pas – est officiellement présentée.
Beaucoup se posent la question de l‘opportunité de cette édition, dans une année galère marquée par la Covid, estampillée Covid sans avoir rien demandé. Fallait-il ou pas maintenir ce classement qui depuis toujours fonctionne avec des codes, des visites anonymes, une charte non soumise aux bon vouloir d’un virus qui se fiche totalement des guides, restaurants, de nous tous finalement, et n’a permis aux restaurants de garder leur table ouverte que sept mois pour certains, beaucoup moins pour d’autres, avec des contraintes et des mesures perturbant la bonne marche ? Et il ne faut pas oublier les trop nombreuses fermetures qui déséquilibrent toutes les listes. « Les critères d’évaluation sont les mêmes partout dans le monde et depuis toujours« , précise Gwendal Poullennec. « Ils n’ont pas été modifiés au vu du contexte inédit et rude pour les restaurateurs, dont de nombreux se battent pour leur survie. »
Gwendal Poullennec justifie et assume cette proclamation 2021 comme un signe de soutien et non comme un jugement. « C’est une décision importante pour soutenir la profession malgré le contexte et peut-être en raison même du contexte. Il était nécessaire de maintenir cette annonce » déclare le directeur du guide Gwendal Poullennec. Le Michelin est toujours aux côtés des chefs et cette édition témoigne du souci du guide de ne pas oublier les chefs, de les soutenir dans leur combat quotidien, dans le courage qu’il déploie jour après jour pour maintenir, se maintenir. Soutien aussi à tous ces producteurs de l’ombre sans qui la cuisine des étoilés ne pourrait pas être ce qu’elle est, exceptionnelle. Des producteurs engagés, responsables, soucieux de l’environnement comme les chefs qu’ils fournissent. C’est ainsi qu’au milieu de la rivière d’étoiles dorées, glissent des étoiles vertes, récompenses des établissements particulièrement engagés dans une approche durable de la gastronomie, une feuille verte comme celle qu’affichent L’Arpège d’Alain Passard, le Mirazur de Mauro Colagreco ou David Toutain et le Septime. Ils sont une trentaine à être récompensés, aux côtés de ceux qui se sont faits remarquer et décrochent un des leur prix spéciaux, Jeune chef, service, sommellerie et pâtisserie.
Et ce classement ? Certains perdent, décrochent, dévissent, comme à chaque édition. Certains sont rétrogradés parce qu’ils ont changé de cuisine, d’autres parce qu’ils ont vendus ou ont fermé. Pour Gwendal Poullennec, ce n’est pas la faute du contexte, les inspecteurs se sont mobilisés, se sont montrés « agiles et mobiles », ont annulé leurs vacances pour visiter le plus grand nombre et juger. Il ne faut pas changer la valeur des étoiles, « Ce qui fait sens pour les clients des restaurants, c’est de garder la vraie valeur des étoiles, nous avons fait autant de repas que les années précédentes pendant les plus de 200 jours d’ouverture en mobilisant nos inspecteurs internationaux en renfort ». « Tous les établissements qui ont conservé leur étoile cette année ou qui en ont gagné sont des tables qui le méritent pleinement« , souligne Gwendal Poullennec
57 établissements vont entendre les trompettes de la renommée car ils décrochent leur première étoile ou une étoile supplémentaire. Qui sont ces élus ? Les une étoile sont plus nombreux. Le Guide maintient les macarons de tous les chefs triplement étoilés, 29, dont les triplement étoilés de 2020, édition qui avait sacré Christopher Coutanceau, Kei Kobayashi et Glenn Viel de L’Oustau de Baumanière aux Baux-de-Provence. Ils peuvent respirer sans angoisse comme les chefs qui ont changé de concept, ont fermé, ont vendu (Alexandre Bourdas au SaQuaNa ou Guy Martin au Grand Véfour ou Thierry Drapeau, Thibault Sombardier, Restaurant Antoine, Edouard Loubet, Bastide de Capelongue…).
Quelques minutes avant midi – C’est le grand moment. Rendez-vous sur écran. Manque la fièvre de l’impatience, les sourires entendus de ceux qui savent, les regards interrogateurs de ceux qui ne savent pas encore, ne sont pas dans les petits papiers du guide, les petits fours et le champagne, les accolades et les photographes, la presse et les attachés de presse, tout ce monde de la gastronomie, toutes ces vestes blanches… Gwendal Poullennec est là en Monsieur Loyal. Depuis ce sacré covid au fil des présentations en live des éditions 2021 du guide, il a pris de l’assurance et se pose en présentateur, bonus il est là en direct, en vrai pour commenter, annoncer, féliciter et ce n’est pas son hologramme qui sourit et se glisse entre deux rideaux rouges pour les photos traditionnelles.
Pour l’accompagner, Sophie Menut-Yovanovitch, restauratrice il y a longtemps, journaliste, auteur culinaire, animatrice, chroniqueuse (Les Maternelles, France 5), on la retrouve dans la presse féminine, et sur des plateaux de télé, rédactrice en chef du magazine Cuisine et Vins de France.
Midi sonne à toutes les églises, attention, mesdames et messieurs, ça av commencer, tous les portables bouillonnent, tous les écrans sont allumés, « il est l’heure, Monseigneur ». Musique d’ambiance, vue sur la tour Eiffel, vue sur Paris. A tout seigneur, tout honneur, les premières images défilent, décompte des secondes sur cadran Babcpain, partenaire du guide. On prend l’ascenseur avec Sylvie Menut. Frédéric Anton est là, en son restaurant, le temps de souhaiter la bienvenue. La cérémonie qui récompense des chefs et cheffes combatifs, des brigades engagées, des passionnés peut commencer. Gwendal Poullennec rappel que le contact n’a jamais été perdu entre Michelin et les chefs, chefs et clients, clients et Michelin qui a lancé une application à télécharger pour « découvrir, vivre des émotions, réserver, partager avec sa communauté, près de chez soi et dans le monde entier ».
La cérémonie commence par LES PRIX SPÉCIAUX créés pour récompenser tous les métiers du restaurant, de la salle à la cuisine.
Prix « Passion dessert » – le prix sucré parrainé par Valrhona, remis par Denis Courtade, directeur du restaurant Alain Ducasse au Plaza Athénée ***, récompense 11 artistes de la pâtisserie, du dessert ce dernier moment à table, dernier souvenir d’un repas. 11 pâtissiers rejoignent la Promotion Passion Dessert, une promotion qui permet de refléter la montée en force d’un métier essentiel aux expériences de bonnes tables. Parmi ces 11 professionnels, on retrouve entre autres Anne Coruble, cheffe pâtissière de L’Oiseau Blanc Peninsula à Paris (Une Etoile MICHELIN), Simon Pacary de La Table de Franck Putelat à Carcassonne (Deux Etoiles MICHELIN), Maëlle Bruguera au restaurant Le Art – Château de la Gaude à Aix-en-Provence (Une Etoile MICHELIN) ou encore Max Martin chef pâtissier chez Yoann Conte à Veyrier-du-Lac (Deux Etoiles MICHELIN).
Le Prix de l’Accueil et du Service est attribué cette année à Delphine Alemany, du restaurant La Closerie* à Ansouis ainsi qu’à Marion Denieul de la Maison Tiegezh* à Guer. Le prix est remis par Denis Courtade qui conseille à toutes celles et ceux engagés dans la profession mais stoppés par la crise de « vivre le métier comme une vocation, de garder la foi »
Le Prix de la Sommellerie créé pour recomposer celles et ceux, toujours plus nombreux et plus jeunes engagés dans une profession en pleine évolution, qui dans un restaurant permettent de découvrir un vigneron, un terroir. Il est attribué à Vanessa Massé, sommelière du restaurant Pure & V * à Nice. Généreuse en conseils avisés pour décliner une carte des vins exclusivement composée de vins nature, Vanessa Massé fait en salle la démonstration d’une grande expérience, notamment acquise à l’international, et d’un caractère bien trempé !
Moment attendu – PRIX DU JEUNE CHEF
2 lauréats, 2 jeunes talents qui se sont vu offrir le prix par Blancpain. Coline Faulquier, 31 ans, dont le restaurant Signature à Marseille obtient par ailleurs sa première Etoile, ne cesse de concevoir des assiettes créatives, fines, exécutées avec des produits magnifiquement sélectionnés. A la tête de MoSuKe à Paris, qui décroche également une Etoile MICHELIN, Mory Sacko, 28 ans, affirme déjà un style de cuisine très abouti qui mêle des influences africaines à un tropisme pour le Japon, le tout sur fond de bases techniques françaises. Il a ouvert son restaurant en septembre seulement et vit une grande aventure intense.
UNE ÉTOILE
On sait que ce prix est remis habituellement à des chefs étoilés On devine donc que les 2 jeunes chefs, ont décroché une étoile. Oui, ils sont dans la longue liste des 54 promus (on calcule il reste 3 places pour les deux et trois étoiles…). Quelques noms parmi les 54 nouvelles 54 nouvelles adresses dont la qualité de la cuisine a touché les inspecteurs. En région Provence-Alpes-Côte d’Azur, 12 nouvelles tables étoilées. Parmi celles-ci, La Mère Germaine à Châteauneuf-du-Pape où le couple de cuisinier-pâtissière formé par Camille Lacome et Agathe Richou propose des assiettes savoureuses. Au restaurant L’Or Bleu, à Théoule-sur-Mer, la cuisine élégante du chef Alain Montigny, Meilleur Ouvrier de France 2004, a particulièrement séduit nos inspectrices et inspecteurs. En Auvergne-Rhône-Alpes, 10 nouveaux restaurants sont également distingués d’une Etoile dont l’Auberge du Pont dirigée par le chef Rodolphe Regnauld mettent en avant les meilleurs produits de la région mitonnés dans des alliances terre-mer bien senties. En Occitanie, 4 nouvelles tables, le Reflet d’Obione, à Montpellier, orchestré par le chef Laurent Cherchi qui propose des assiettes goûteuses et pointues, ou encore Duende à Nîmes emmené par Nicolas Fontaine sous la houlette de Pierre Gagnaire. En Centre-Val de Loire 4 nouveaux établissements, dont L’Auberge Pom’Poire, à Azay-le-Rideau. A Saint-Maximin, Le Verbois est une adresse de famille que le chef Guillaume Guibet, benjamin de cette promotion étoilée, 25 ans, vient de reprendre à la suite de ses parents que l’on retrouve néanmoins toujours en salle.
Du grand Est au grand Ouest, les gourmets apprécieront la cuisine généreuse de Guillaume Scheer aux Plaisirs Gourmands à Schiltigheim tandis que les amateurs de saveurs iodées et typiquement bretonnes se régaleront au Moulin de Rosmadec à Pont-Aven dirigé par le chef Sébastien Martinez. La diversité des styles de cuisine prédomine cette sélection A Arès, le restaurant ONA ouvert par la cheffe autodidacte (et ancienne archéologue !) Claire Valléeprésente une cuisine végane. Au Miraflores, Carlos Camino apporte une touche péruvienne à la scène gastronomique lyonnaise. Antonio Salvatore décline des saveurs italiennes à La Table d’Antonio Salvatore au Rampoldi à Monaco. A Paris, Enrique Casarrubias a fait de Oxte une parfaite ambassade des saveurs mexicaines tandis qu’Assaf Granit retraduit celles de son Israël natal et du bassin méditerranéen chez Shabour. Une table d’altitude décroche aussi une étoile. A Tignes, à 3 032 mètres, Le Panoramic et la cuisine de Clément Bouvier tutoie elle aussi les sommets !
LES ÉTOILES VERTES
Et voilà les étoiles vertes – 33 établissements – Parmi eux, Scratch Restaurant à Bourg-en-Bresse (distingué d’une Assiette MICHELIN) où Andréas Baehr et ses équipes jouent la carte de la transparence avec leurs convives : ici, les déchets alimentaires sont réduits au maximum, les produits sont de proximité ou issus de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche durables et responsables. Même les produits ménagers se veulent les plus naturels possible. Au Riche (Assiette MICHELIN) à Alès, Sébastien Rath décline la même philosophie locavore puisque la quasi-totalité des produits provient de circuits de proximité situés à moins de 50 kilomètres du restaurant. A Rhinau, Alexis Albrecht tire profit de ses 60 ares de potagers – qui rendent la maison autonome à 80% – et de ses relations avec les producteurs et fermiers locaux pour proposer Au Vieux Couvent (Une Etoile MICHELIN) une cuisine respectueuse des écosystèmes locaux.
LES DEUX ÉTOILES
Et les nouveaux 2 étoiles sont… 2 ! des artisans d’excellence qui valorisent leur terroir, ils sont là en direct pour partager surprise, émotion et joie – Marsan, restaurant de la cheffe Hélène Darroze, et La Merise, du chef Cédric Deckert, décrochent une deuxième Etoile –
Au Marsan, Hélène Darroze se rapproche de ses origines landaises et célèbre les produits du Sud-Ouest. Celle qui est dans le cénacle fermé des femmes cheffes étoilées conseille à toutes celles qui choisissent la cuisine comme métier « Vivez votre passion comme une femme, avec générosité, passion, ne cherchez pas à la vivre comme un homme« .
En Alsace, à Laubach, dans son restaurant La Merise, le chef Cédric Deckert, ancien second de Jean-Georges Klein à L’Arnsbourg et épaulé au service par sa femme Christelle, imagine des assiettes au classicisme des plus alléchants qui retranscrivent la tradition, le terroir et les produits de L’Alsace.
Entre en scène, Alexandre Mazzia pour témoigner de ses émotions lorsqu’il a décroché deux étoiles pour son restaurant AM à Marseille, il y a deux ans. Un chef comme un capitaine qui mène son équipage avec passion, « envouté » comme le qualifie son second Marco, l’indissociable des récompenses pour Alexandre.
Le chef qui excelle dans une cuisine de l’instant nous nous en doutons, vous vous en doutez n’est pas là que pour témoigner, il est là pour recevoir sa troisième étoile qui récompense une cuisine faite « d’énergie, de concentration, de minutie et de régularité ». L’émotion est à son comble, tous les chefs triplement étoilés applaudissent à distance, devant leur écran.
LE TROIS ÉTOILES
« AM par Alexandre Mazzia est distingué de trois Étoiles – Niché en plein cœur du 8ème arrondissement de Marseille, le restaurant AM par Alexandre Mazzia ne cesse de fasciner et d’émouvoir les papilles de nos inspectrices et inspecteurs. La cuisine unique et métissée du chef éponyme, véritable symphonie de saveurs qui mélange des produits d’ici et du bout du monde, se voit récompenser d’une troisième Etoile. Chez AM par Alexandre Mazzia, les gourmets sont invités à vivre un voyage culinaire sans nul autre pareil : le menu, organisé en grandes séquences, elles-mêmes déclinées en plusieurs petites assiettes, laisse découvrir au fil de l’eau une identité culinaire matinée des souvenirs d’une enfance passée au Congo et des réminiscences d’un parcours de vie bouillonnant. Cuisine de l’instant et de l’éphémère, celle d’Alexandre Mazzia se compose au quotidien, se déguste sans repère et se donne à voir depuis les fourneaux ouverts sur la salle. Ici, s’active une équipe de passionnés et de jeunes talents qui s’exécutent dans une cadence de métronome et dans un silence que seul le bruit des casseroles et des cuissons vient perturber ».
Entrent deux hommes, deux Pierre, Pierre Hermé & Pierre Gagnaire, émus , heureux de voir le « petit » récompensé. Alexandre Mazzia est furieusement heureux, le Breton de Marseille au parcours atypique, confie à Gwendal Poullennec : « Grâce à vous, à tous les inspecteurs, je suis fier de dire aujourd’hui, je suis un cuisiner ».
La sélection 2021 du Guide MICHELIN France en quelques chiffres – 30 restaurants***, dont 1 nouveau, AM, chef Alexandre Mazzia – 2 nouveaux ** – 54 nouveaux * – 33 étoiles vertes – Retrouvez dès aujourd’hui l’ensemble de la sélection 2021 sur la nouvelle application gratuite du Guide MICHELIN (disponible sur IOS et très prochainement sur Android)
Rappel en 2020 – 3 nouveaux trois étoiles, une grande maison qui dévisse – L’Auberge du Pont de Collonges – 11 nouveaux 2 étoiles – 49 nouveaux 1 étoile –