« David Gallienne a remporté la saison et un chèque de 56 410 euros mais Adrien Cachot a hérité d’un statut d’idole jamais égalé en dix ans d’émission. » explique la journaliste, qui conclue son article par » Adrien Cachot, anti-héros dans un monde de « Oui chef ! « « …
Le chef s’est fait très discret depuis quelques mois, alors une envie de prendre du recul dans cette hyper médiatisation d’après Top Chef, ou tout simplement un projet dans les tuyaux ? … L’avenir nous le dira bientôt …
Découvrez son portrait, son histoire, son parcours, son ADN … en cliquant ICI
EXTRAIT –
N’en déplaise à ceux qui prophétisent la mort de la télévision, c’est quand on croit y avoir tout vu qu’un grain de sable vient gripper la machine. Celui-ci a débarqué dans l’émission Top Chef d’un pas nonchalant et s’est tranquillement installé derrière son plan de travail, qu’il a ensuite quitté en invoquant une « envie de pisser » devant quatre jurés médusés par cet ovni de 30 ans. Pour un show télévisé qui s’épanouit traditionnellement dans les cris (de joie quand une raviole de gelée de yuzu-sauce gribiche en trois façons est sélectionnée) et les larmes (de rage quand une paella réinterprétée en soufflé retombe trop vite), l’entrée en scène d’Adrien Cachot est sacrément gonflée. Sa sérénité à la limite de la désinvolture, ses choix culinaires dont l’audace confine au sabotage ont fait de lui un anti-héros unanimement célébré par les réseaux sociaux et ont donné à la compétition une intensité bienvenue dans la morne vacuité de nos existences sous quarantaine.
Ce premier jour de tournage, il a tout de suite séduit Paul Pairet. Nouveau juré de l’émission, ce chef trois étoiles n’a pas oublié la première assiette du jeune cuisinier : un vol-au-vent déconstruit avec « une brioche feuilletée exceptionnelle, et c’est très rare d’avoir quelque chose d’exceptionnel sur une première épreuve », précise-t-il de Shanghai où se trouve Ultraviolet, son établissement classé parmi les cinquante meilleurs restaurants du monde. « Ma première impression, poursuit-il, c’est qu’il était différent, en décalage avec l’esprit compétiteur de l’émission. » Le revoici six mois plus tard, toujours relax, toujours décoiffé, m’assurant que « rien n’a changé » depuis la diffusion de la compétition : « Je circule toujours en Vélib, j’ai toujours zéro euro sur mon compte… » Nos rencontres à la terrasse des cafés, elles, sont désormais interrompues par des « Excusez-moi… Vous êtes bien Adrien ? Adrien de Top Chef ? On peut faire une photo ? » Il le sait, malgré son univers ultra-codifié et son montage digne d’un blockbuster, Top Chef n’est pas qu’un divertissement regardé par trois millions de téléspectateurs chaque mercredi soir ; c’est un rouleau compresseur culturel (onze saisons, six émissions dérivées, vingt-cinq adaptations dans le monde) qui façonne une certaine idée de la gastronomie en même temps qu’il la popularise partout en France. En dix ans, l’émission a déjà filmé 149 candidats faisant goûter des milliers d’assiettes tièdes à une myriade de chefs multi-étoilés. Elle a enfanté des stars de la cuisine et des cuisiniers amis des stars, 17 étoiles Michelin, des empires de la restauration. Elle a profondément modelé la scène culinaire nationale. Aucun cuisinier français ne l’ignore et ceux-ci y participent généralement pour deux raisons : l’attrait de la célébrité ou la nécessité d’obtenir un prêt bancaire pour ouvrir un restaurant.
À cet égard, la dégaine placide d’Adrien Cachot fut déroutante. C’est qu’aucune épreuve parmi les plus difficiles de Top Chef n’a égalé celles qu’il avait déjà traversées dans la vie. Depuis trois ans, il cuisinait tout seul chez Détour, « un lieu un peu pourri » du IXe arrondissement de Paris, seize couverts, quatre feux, un four sans joint, pas de machine à plonge. Trois ans qu’il se levait à 6 h 30 pour passer quarante minutes sur l’horrible ligne 13 du métro « à se faire insulter trois fois par trajet » avant de rejoindre le restaurant, attendre ses commandes, cuisiner jusqu’à 15 heures puis faire la vaisselle, le nettoyage et tout recommencer à 16 heures jusqu’au soir. Emie, sa compagne, était seule en salle. Le restaurant avait beau afficher systématiquement complet et être adoubé par la critique, le couple se maintenait tout juste à flot sur le plan financier. « C’est dur de t’en sortir quand t’es un pauvre, assène Adrien. Tu ne vas nulle part. Les gens ne te respectent pas, ne te connaissent pas, tu es livré en dernier, t’as les moins beaux produits… Donc, pour moi, Top Chef, c’était une question d’avenir. Je ne voulais pas rester le petit pauvre qui n’a jamais rien. »
L’histoire qu’il me raconte est semée de galères et de rejets. Elle démarre dès la maternelle, quand on prédit à ses parents qu’« il ne fera jamais rien à haut niveau ». Enfant rêveur, il grandit dans une banlieue HLM de Bordeaux, s’exprime dans le tag et les petites combines, décroche à l’école, fait disparaître les courriers alarmistes du collège envoyés à la maison… La troisième sonne la fin de la récré. Le cursus général n’est plus une option. Il est refusé en compta, en couture… Il envisage le lycée hôtelier de Talence, se retrouve deux-centième sur liste d’attente. On lui propose la chaudronnerie en ultime voie de garage. Ses parents sont effondrés. « Tout a toujours été dur pour tout : ma mère est handicapée, mes cousins ont des maladies orphelines, depuis tout petit j’ai vu mes parents galérer au boulot… » se remémore-t-il en me décrivant pêle-mêle l’arrivée des factures, le téléphone qui ne sonne que pour annoncer de nouveaux problèmes, son père travaillant avec acharnement dans son entreprise de dératisation… « C’était compliqué de le laisser dans un système scolaire, me raconte ce dernier. Heureusement, j’avais des amis qui connaissaient Nicolas Magie, un chef étoilé de la région chez qui on a pu le faire entrer en stage pour l’été. »
Pour lire la suite de l’article cliquez ICI