Dans une atmosphère empreinte de respect et d’émotion, que le chef Michel Trama, ami de Michel Guérard, a pris la parole lors de la cérémonie de Gala annuel du guide Gault&Millau qui se tenait à Paris ce soir pour rendre un hommage poignant à celui qu’il considérait comme son maître et père spirituel. À travers ses mots, il retrace avec sensibilité et admiration le parcours d’un homme qui a marqué sa vie et celle de la gastronomie française. Plus qu’un simple chef, Michel Guérard est décrit comme un visionnaire, un créateur, et un mentor dont les valeurs et les enseignements continueront de résonner au-delà de son départ. Dans son discours, Michel Trama partage souvenirs, anecdotes et gratitude, rappelant l’héritage unique laissé par cet immense cuisinier.
C’est sur scène devant un parterre de chefs et aux côtés des chefs Marc Veyrat et Guy Savoy que Michel Trama la voix tremblante d’émotion a prononcé ses quelques mots pour rendre hommage à son ami.
Voici son discours :
« Michel Guérard était un fondateur et un créateur. Tout jeune, je ne voulais pas cuisiner, car j’étais plongeur sous-marin. En m’installant à Puymirol avec Maryse mon épouse, j’ai eu le plaisir de rencontrer celui qui deviendrait mon maître, par la passion et l’amour que nous partagions pour ce métier, mon père spirituel. Nous nous appelions deux à trois fois par semaine, simplement pour la joie de nous parler. Je l’appelais “maître”. Il me répondait « Mon cher Michel ». Quand il venait nous voir, avec Christine, à Puymirol, c’était une fête. Michel Guérard portait en lui le secret du cuisinier heureux. Il savait transmettre, avec des mots et des gestes, une émotion qui façonnait l’âme et le palais. Il racontait les tartes de sa grand-mère : une simple pâte, quelques fruits, un peu de beurre, un peu de sucre, et au four. Le résultat était magnifique. Le produit était sacré pour lui.
Son éthique professionnelle et son code sensoriel ne l’ont jamais quitté, et c’est là que se trouvait la base de sa philosophie culinaire. Michel était toujours disponible, positif, réconfortant, enthousiaste. Il se réjouissait du bonheur des autres et partageait le sien avec une générosité spontanée, venue tout droit du cœur. Il était bienveillant, mais aussi malicieux. Si vous voyez ce que je veux dire. Michel Guérard était réservé et demeurait le héros du pot-au-feu de Anières. À Eugénie-les-Bains, avec Christine, son épouse et complice, il a défini, par son intelligence, les principes d’une gastronomie culturelle, portée par les territoires et les saisons, et par les femmes et les hommes dévoués à cette cause.
Une cuisine de lieu, de moment, avec du goût. Rien que du goût, disait-il, pour son sacerdoce. Avec Michel, j’ai appris qu’une bonne cuisine raconte toujours un paysage. Je garde au fond de mon âme, pour toujours, avec tous ceux qui l’ont aimé, ce qu’il avait de plus précieux et ce qui le faisait vibrer : son panache. Il est parti rejoindre sa muse. Mais que nous manque-t-il aujourd’hui ? »