Junghyun Park : entre héritage coréen et audace culinaire

Le regard fixe, la voix mesurée, Junghyun Park impose d’emblée une présence magnétique. Derrière les cuisines ouvertes de ses restaurants Atomix et Atoboy, à New York, il incarne une gastronomie coréenne en pleine mutation, à la croisée des traditions familiales et des techniques contemporaines. “La cuisine raconte ce que nous avons été, mais aussi ce que nous voulons devenir.” Dans cet échange, il partage sa réflexion sur le métier de chef : une quête d’authenticité et de sens, nourrie par l’ambition de porter la cuisine coréenne sur la scène internationale.

Une vocation forgée dans les cuisines familiales

“Je n’ai jamais décidé de devenir chef. J’ai toujours été dans une cuisine !” Ces mots de Junghyun Park résonnent avec une évidence presque naturelle : pour lui, la gastronomie n’est pas une révélation tardive, mais une composante naturelle de sa vie. Enfant en Corée du Sud, il préparait les repas pour son frère aîné pendant que ses parents travaillaient. “C’était mon refuge, un espace où je me sentais utile et à ma place !” Mais au-delà de cette fonction pratique, la cuisine familiale avait une dimension profondément collective. Les grandes fêtes, moments privilégiés de partage intergénérationnel, laissent encore leur empreinte dans ses souvenirs : “Lors des vacances, toute la famille cuisinait ensemble. C’était à la fois joyeux et solennel. C’est là que j’ai compris la valeur du geste !”

À 15 ans, poussé par cet ancrage familial, il demande à ses parents de l’inscrire dans une école hôtelière. Ce choix, mû par une curiosité insatiable, marque le début d’un parcours international qui l’emmènera d’Europe en Australie, avant de s’installer à New York. “Chaque étape de mon parcours m’a enrichi et m’a permis d’élargir mon vocabulaire culinaire tout en restant fidèle à mes racines.”

Une création sans limite au rythme des saisons

“Les ingrédients sont les véritables chefs d’orchestre. Leur qualité, leur texture mais aussi la saison vient définir ce que nous devons faire.” Pour Junghyun Park, chaque plat naît d’un dialogue subtil avec le produit. Il n’existe pas de recettes immuables dans ses cuisines : la création repose sur une sensibilité aiguë et une précision millimétrée. “Une seconde de trop et l’équilibre du plat est rompu. C’est cette tension entre le contrôle et l’instinct qui rend la cuisine si captivante !”

Mais sa démarche va bien au-delà de la technique. Junghyun Park s’interroge sur l’évolution de la gastronomie coréenne, qu’il considère comme une entité vivante. “Le piment, qui est aujourd’hui indissociable du kimchi mais il n’est arrivé en Corée qu’il y a 500 ans ! Cela montre que notre cuisine s’est toujours transformée !” À travers ses plats, il s’efforce de réconcilier passé et futur, en puisant dans les traditions tout en intégrant des techniques modernes ! “Nous ne faisons pas revivre le passé. Nous imaginons ce que pourrait être le futur de la cuisine coréenne !”

Sincérité et transmission : le devoir d’un chef

“Être chef, ce n’est pas seulement suivre une recette. C’est comprendre, sentir, écouter les ingrédients !” Cette approche, Junghyun Park la transmet avec exigence à ses équipes. Il les pousse à observer, goûter et adapter chaque préparation à la nature des produits. “Si une carotte est sucrée, inutile d’ajouter du sucre. Si une tomate est acide, le vinaigre est superflu. Tout dépend de ce que nous avons sous les yeux !”

Mais la transmission ne se limite pas aux gestes. Elle implique de partager une vision, de stimuler une curiosité constante. “La curiosité, c’est ce qui distingue un bon cuisinier d’un simple technicien !” Junghyun Park voit dans la cuisine un art vivant, où chaque génération doit apporter sa pierre tout en respectant les fondations. “Mon rôle est de préparer mes équipes à penser par elles-mêmes, à explorer sans peur et à trouver leur propre voie !”

Une cuisine coréenne en pleine mutation

“Quand nous avons ouvert Atomix, nous n’avions pas de mission spécifique, si ce n’est celle de bien cuisiner.” Et pourtant, avec une étoile Michelin et une place au classement des World’s 50 Best Restaurants, Atomix est aujourd’hui l’un des porte-étendards de la gastronomie coréenne contemporaine. Pour Junghyun Park, cette reconnaissance est une opportunité de montrer que sa cuisine peut rivaliser avec les plus grandes traditions mondiales. “Nous voulons prouver que la cuisine coréenne peut s’adapter, évoluer, sans jamais perdre son identité.”

Malgré ce succès, il reste humble et concentré sur l’essentiel : la connexion humaine ! “La cuisine, c’est avant tout une manière de rassembler. Elle célèbre le bonheur et la convivialité et c’est cela qui me motive chaque jour !” Entre la Corée, berceau de son inspiration et New York son laboratoire d’idées, Junghyun Park s’inscrit dans un mouvement qui dépasse les frontières. “La cuisine, est un voyage sans fin et c’est ce qui la rend si belle !”

Dans le calme d’une salle désormais vide, les mots de Junghyun Park résonnent comme une évidence : “Cuisiner, c’est dialoguer avec le monde, c’est transmettre des émotions et construire des ponts !” Avec Atomix et Atoboy, il ne se contente pas de proposer des plats. Il raconte une histoire, celle d’un chef profondément enraciné dans ses traditions mais animé par le désir de les projeter vers un avenir global. Entre sincérité et innovation, sa vision incarne une gastronomie en perpétuelle évolution. “Créer, transmettre et connecter : voilà ce que signifie cuisiner.” Une philosophie simple mais puissante, à l’image de l’homme qui la porte.

Propos recueillis par Guillaume Erblang / Food&Sens dans le cadre du festival Gastromasa

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