C’est le site Atabula qui a lancé le premier l’information ce vendredi 15 avril en fin de matinée, information aussitôt relayée par les réseaux sociaux, puis par la presse nationale dans l’après-midi. Il faut dire que c’est contre toute attente que cet établissement flambant neuf appartenant à Bernard Magrez une des plus grosses fortunes du monde du vin du Bordelais, allait rompre le partenariat avec le chef Joël Robuchon, d’autant qu’une longue amitié lie les deux hommes d’affaires et que d’autres projets sont en cours, notamment l’ouverture prochaine d’une pâtisserie à Bordeaux.
A l’appel de Bernard Magrez, 80 ans, entrepreneur et propriétaire d’une quarantaine de domaines viticoles, Joël Robuchon, 71 ans, avait ouvert La Grande Maison le 9 décembre 2014, les deux hommes affichant sans détour l’ambition d’obtenir trois étoiles au Guide Michelin.
Cette affaire va à coup sûr susciter d’énormes questions pour l’avenir de la restauration haut de gamme et remettre en cause la course aux étoiles dans cet univers de la gastronomie de luxe qui ne résiste pas aux remous de la crise et ne s’équilibre plus.
C’est par un communiqué de presse que Bernard Magrez et Joël Robuchon s’expriment tour à tour : » Dans un contexte économique difficile avec un ralentissement du tourisme lié aux attentats de 2015, « La Grande Maison » a décidé de changer de cap et d’adapter sa formule. Joël Robuchon reste l’ambassadeur des vins Bernard Magrez à travers le monde « .
Joël Robuchon : » souhaite rendre hommage à son ami Bernard Magrez et remercier toute l’équipe du restaurant, pour le formidable travail accompli depuis l’ouverture. »
Bernard Magrez : » Nous restons bons amis, moi-même et Joël Robuchon choisirons ensemble le prochain chef, tandis que nous continuerons à travailler ensemble dans le domaine du vin avec les vins Magrez dont Joël sera l’ambassadeur sur les cartes de tous ses restaurants dans le monde. «
2 millions de pertes annoncés en l’espace de 18 mois, c’est donc face à un vrai gouffre financier que se trouve confronté le propriétaire de La Grande Maison. Quel restaurateur aujourd’hui pourrait supporter ceci financièrement ? … certainement aucun restaurateur indépendant et encore moins un chef qui se bat dans ses cuisines pour tenir ses marges.
Aujourd’hui plus aucun groupe financier français, ni aucun mécène français ne peut accepter cette situation à moins d’inconscience. Il y a encore quelques années de nombreuses grosses fortunes ont considéré la restauration ou l’hôtellerie de charme comme une » danseuse » que l’on se payait pour le plaisir, pour épater, mais tout ceci est révolu, en ces temps difficiles au moins l’équilibre financier est requis.
Il est parfois rassurant vu les difficultés économiques actuelles de constater que tout le monde est logé à la même enseigne ( même si la perte annoncée ne fera pas un trou dans la fortune du propriétaire borderais ), et pour les restaurateurs indépendants de voir au combien les millions investis par des hommes d’affaires ne font pas des miracles, et les étoiles non plus ! Qui en province va pouvoir longtemps continuer à vendre ses menus au-delà de 250 ou 300 euros hors boissons ? … ils sont de moins en moins nombreux et risquent de devenir des chefs d’oeuvres en périls.
Le marché de la restauration haut de gamme a changé, obtenir les trois étoiles à tout prix pour ensuite penser rentabiliser sa restauration est un pari risqué, périlleux même. Seuls les palaces parisiens et quelques exceptions d’établissement situés sur des destinations prestigieuses vont pouvoir résister au poids de la fiscalité et au coup du travail en France.
A l’avenir, sur les 40 couverts de La Grande Maison, seuls une quinzaine relèveront de la haute gastronomie. Les 25 autres seront dédiés à une cuisine plus modeste avec des menus de 40 à 60 euros, a indiqué Bernard Magrez. Conclusion de cette aventure commune : « Il n’existe vraisemblablement pas à Bordeaux le potentiel financier et économique pour un restaurant haut de gamme, tel qu’un trois étoiles. » Joël Robuchon, lui, s’est refusé à tout commentaire indique la presse.
Constat donc, il est inutile de vouloir créer une attente haut de gamme quand le potentiel n’existe pas, la gastronomie répond aussi à une équation économique inéluctable.
Voir les commentaires (1)
Ecrire qu' "Il n’existe vraisemblablement pas à Bordeaux le potentiel financier et économique pour un restaurant haut de gamme, tel qu’un trois étoiles" est d'une absurdité rare, surtout à Bordeaux.
Les Bordelais seraient donc des miséreux avec une culture gastronomique nulle.
Je pense à "l'équation économique" de Fonjoncouse (153 habitants...) où Gilles Gougeon a obtenu 3 étoiles (pas la première année) à force de travail, de talent et de patience et sait les conserver sans être à la solde d'un groupe financier, et ce n'est pas un cas unique en France.
Je pense qu'il faut chercher l'erreur ailleurs; aujourd'hui les amateurs de belles tables sont exigeants au niveau des prestations et afficher des noms ronflants n'est plus suffisant pour les séduire, au plus, ils se laissent appâter une fois, pas deux.
Il faut être lucide et savoir tirer profit de ses erreurs, mais persister dans l'erreur en trouvant de faux prétextes n'a jamais été profitable.