La genèse – Le Refugee Food Festival, c’est l’histoire de Marine Mandrila et Louis Martin, tous deux partis courir le monde à la rencontre de ses habitants au travers de leur identité culinaire. 18 pays traversés à partager les traditions et fourneaux de leurs hôtes, bien souvent croisés sur les marchés, dans la conviction viscérale que la cuisine cimente les peuples. Ils en feront une série documentaire ainsi qu’un livre de recettes. A leur retour, désemparés par les discours misérabilistes voire anxiogènes qui circulent autour des réfugiés, ils décident de mener plus loin leur projet en demandant à des restaurateurs s ‘ils seraient prêts à confier leurs cuisines à des chefs expatriés. D’adresses gastronomiques aux cantines de quartiers, 11 lieux parisiens s’engageront dans l’aventure en 2016, 13 villes européennes leur emboitant le pas l’année suivante, pour s’étendre en 2018 aux USA et à Cape Town, grâce à l’initiative de citoyens bénévoles s’appuyant sur un « kit méthodologique » crée pour l’occasion et au soutien du HRC, qui leur fournit expertise et cadre législatif.
Chaque fois ce sont des réfugiés statutaires, cuisiniers de métier ou non, mais ayant tous fait le choix de s’insérer dans leur pays d’accueil via la cuisine, qui bénéficient d’un accompagnement dans leur projet, qu ‘il soit d’intégrer une brigade ou d’ouvrir leur propre établissement, comme tout récemment Nabil Attar à Orléans. Le Refugee Food Festival se veut véritable tremplin professionnel.
L’Ami Stéphane Jégo
Engagé depuis toujours, au sein même de son restaurant L’Ami Jean, dans l’insertion de personnes au parcours heurté et atypique, Stéphane Jégo ne pouvait que rencontrer ce couple hors du commun. Loin du conte de fées, ces cuisiniers ou chefs d’entreprise en devenir avaient parfois une tout autre vie dans leur pays : Nabil était dans la finance, Magda dentiste, et ils se heurtent aux codes et à la réalité d’une culture dont ils ont tout à apprendre. « On ne leur donne pas une bouteille d’eau parce qu’ils ont soif, explique Stéphane Jégo. On leur donne une pelle pour qu’ils creusent leur puit, sans cesser de les accompagner, 24h/24 » et surtout en les encourageant à ne rien renier d’eux-mêmes .
Ce soir-là, au cours du service chez L’Ami Jean, grâce à Stéphane et Magda, j’aurai le bonheur de plonger au cœur de cette complicité franco-géorgienne, là où les aubergines se parent d’épices aux doux parfums de fenugrec et piment rouge, où le boudin s’agrémente de noix, pendant que la soupe prend le temps de suer pour ne pas se diluer d’eau, et où le veau se parfume divinement d’estragon. Magda me narre son pays les yeux plein de délice, pendant que Stéphane dresse avec application une carte totalement revisitée pour l’occasion.
Cette semaine de services à quatre mains ouvre l’accompagnement de 2 à 6 mois de Magda à La Résidence, au sein de Ground Control, cet ancien hangar de la SNCF du 12ème arrondissement, devenu lieu pluri-cutlurel et éphémère abritant rencontres, expositions, ateliers et autres stands aux saveurs du monde.
« l’Abbé Pierre de la cuisine »
L’Ami Stéphane peut vous sembler bourru… bien loin s’en faut. Il a la pudeur de qui connait l’âpreté de la vie, et la générosité au bord des yeux. Lorsque je lui demande si sa démarche est citoyenne, il me répond avec tendresse « simple question d’humanité ».
Ci-dessus – Préparation du « pralie » d’épinards par Magda
Pluma de cochon ibérique mariné à la géorgienne et grillé
Pralie d’épinards « fxali », aubergines grillées, féta, grenade et pluma de cochon ibérique mariné et grillé
Dressage du boudin noir à la géorgienne
Boudin noir à la géorgienne confit, dos de morue fraîche en température douce
Veau de lait blanc du pays basque, végétal, croque du jardinier Eric Roy « chakapouli »
avec sa cuisine ouverte sur la salle le chef est toujours en partage avec les clients
Le mythique riz au lait de l’Ami Jean, revisité aux noix caramélisées et autres saveurs gourmandes
Max et Mario en salle, Brahim à l’entretien.
Copyright – Julie Limont