Arrivé en Haute-Saône il y a plus de 50 ans, Jean-Michel Turin achète le Château de Vauchoux en 1968 et en fait, au fil des années, un temple de la cuisine classique. Amoureux des bons produits avant tout, il milite pour une gastronomie intemporelle. « Moi j’ai jamais fait de grandes écoles. Comme dit mon copain Guillaume Gomez, chef de l’Elysée : « nous, c’est Bac -5 ». Le produit nature, brut. On va pas vous expliquer pendant une demi-heure ce que vous allez manger, sinon quand vous avez compris, c’est froid et vous mangez plus ! » disait-il en novembre 2019, invité de France Bleu pendant la Sainte-Catherine à Vesoul.
Jean-Michel Turin, l’anti-topinambour – Son amour de la simplicité, il le déclare avec un franc-parler naturel qui fait aussi sa renommée. Comme lorsqu’il évoque à notre micro, en 2019, la mode des « légumes oubliés », qui font alors leur grand retour dans les cuisines des chefs. « On parle de « légumes oubliés » : moi je dis toujours : oublions-les, ces légumes ! On a des trucs merveilleux, des bonnes pommes de terre, du bon chou-fleur… Bah, faisons avec ça ! Retournons pas au topinambour, qui coûte trois fois le prix d’une pomme de terre ! Oublions ces légumes oubliés.«
« La passion est essentielle, mais le travail fait la différence » – Une cuisine traditionnelle, mais exigeante : Jean-Michel Turin était aussi un bourreau de travail, sur le pont tous les matins aux aurores. « J’ai une formule affichée partout en cuisine : la passion est essentielle, mais le travail fait la différence », confiait-il en mars 2018 à France Bleu.
« On ne parle pas d’horaires, on parle de la passion du travail et du travail bien fait. » Et à plus de 70 ans, cette passion était intacte, même si le poids des années commençait à se faire ressentir : « Honnêtement, c’est un challenge tous les jours. Il faut être bon le midi, le soir. Il faut l’excellence. Et c’est vrai que le matin, quand on vieillit, on est des bons diesels : il faut que ça chauffe. Mais une fois que c’est chaud, ça part et ça s’arrête plus », disait-il encore l’an dernier.
De Gaulle, Aznavour, Gréco à sa table – Jean-Michel Turin décroche sa première étoile au Guide Michelin en 1980, et ne la perdra qu’une seule fois en 40 années. Au cours de sa carrière, il voit se succéder au Château de Vauchoux plusieurs personnalités, dont il dresse un inventaire non exhaustif dans un « livre d’or » sur Facebook : Charles de Gaulle, François Mitterrand, Jacques Chirac ; Charles Aznavour en 1992, Annie Girardot en 1997, mais aussi Patrick Sébastien un soir de nouvel-an, Alain Bashung, Juliette Gréco, ou encore Michel Sardou, avec qui il partage sa passion des voitures de collection.
Tout au long de son parcours, il s’appuie sur une personne : son épouse, à qui il doit sa réussite, selon lui. « Mon épouse, c’est elle qui a 52% de réussite et moi 48%. C’est le côté « ‘épouse qui reçoit », lorsqu’on est bien reçu avec un bel accueil, on a le sourire, on a la pêche« .
« Un grand bonhomme de la grande cuisine française »
Ce matin, les personnalités de Haute-Saône et d’ailleurs lui rendent un hommage unanime. « C’était un homme foncièrement bon et altruiste, un grand bonhomme de la grande cuisine française« , salue à notre micro son confrère Jean-Paul Jeunet, ancien chef doublement étoilé à Arbois, dans le Jura.