Loin, très loin des critères du guide Michelin, le Fifty Best est une compilation de grands chefs, une compression de cuisines opposées, un peu un fourre-tout, tel un sac à main on y trouve l’indispensable comme l’inutile.
Mais le classement est devenu un incontournable outil de marketing pour les chefs, être classé dans le Fifty Best se revendique, s’affiche, l’assurance de voir son restaurant souvent complet est essentiel pour ces chefs qui jouent à fond le classement, c’est donc du business à l’état pur.
Si l’on analyse les 7 chefs qui ont décroché la première place on constate qu’à chaque fois leurs premières places correspondaient à des tendances culinaires, que F&S vous dévoilent.
2002 – El Bulli – Ferran Adrià – ESPAGNE
EXTRAVAGANCE
2002, le premier classement voit le jour, sans aucun doute la cuisine de Ferran Adria fait déjà courir le monde entier, il est un des éléments déclencheurs du mouvement Fifty Best. La gastronomie se mondialise, Adrià bouscule les codes que ce soit dans l’assiette, mais aussi dans le service grâce à Juli Soler. L’Espagne fait sa révolution culinaire ! Adrià quant à lui est déjà considéré comme un artiste, tel Dali ou Picasso, sa décontraction étonne et bouleverse les codes établis de la grande gastronomie.
2003 et 2004 – Thomas Keller – The French Laundry – USA
BUSINESS
Sa réputation n’est plus à faire, à cette époque là il est considéré comme le meilleur restaurant des États-Unis, situé au coeur des vignobles de la Napa Valley, les gastronomes les plus influents au monde passent chez lui. Thomas Keller installé au coeur de là où se développe internet, le chef est un bon communiquant, il a compris l’importance des lobbies et des réseaux sociaux. Mais depuis sa vénération au Fifty Best, le chef n’a cessé de chuter dans le classement pour se retrouver maintenant dans la liste des 100.
2005 – Fat Duck – Heston Blumenthal – UK
MOLÉCULAIRE
Il débarque dans la banlieue de Londres avec sa cuisine moléculaire, il étonne, dérange parfois, mais sa cuisine fait un tabac dans les pays anglo-saxons. Lui aussi décomplexe l’univers des chefs, il crée une cuisine où l’innovation n’a aucune limite, les Anglais l’adorent, l’Australie sera une de ses destinations préférées, il y développera plusieurs affaires. Quelques accrocs dans son parcours » moléculaire » terniront un peu son image.
2006 – 2007 – 2008 – 2009 – El Bulli – Ferran Adrià – ESPAGNE
AVANT-GARDE
À fond la créativité ! … le chef crée son centre de recherche à Barcelone, la cuisine devient de la haute technologie, sa créativité n’a que peu de limite. Et alors même si il réfute faire de la cuisine moléculaire, le chef s’aventure dans univers pas encore exploité. Il aura ses périodes, comme les grands peintres ( les gelées, le cru, le Japon, … ), ses livres encyclopédies sont édités en plusieurs langues et s’arrachent comme des petits pains. Le chef instaure le menu unique pour tout le monde, plus d’une trentaine de préparations toutes aussi étonnantes les unes que les autres. Des chefs partout dans le monde suivent et reproduisent ses créations.
2010 – 2011 – 2012 – Noma – Rene Redzepi – DANEMARK
CUISINE NORDIQUE
Il est passé par les cuisines d’ Adrià, il a bien compris que son format de restauration est le bon pour se faire un nom, il marchera donc sur ses traces, à une différence près ( et elle a son importance ), c’est qu’il donnera une vraie identité à sa cuisine. Naîtra donc la tendance scandinave, LA CUISINE NORDIQUE, avec une cuisine naturelle faite de produits 100% locaux du nord de l’Europe… ainsi, le mot Locavore, inconnu jusque là du public, fera son apparition, plus qu’une tendance ce sera une révolution FOOD. cette tendance s’impose même au Bocuse d’Or où plusieurs pays scandinaves décrochent les trophées.
2013 – Joan Roca – El Celler De Can Roca – ESPAGNE
UNE TRIBU
Ferran Adrià se retire, Joan Roca ne sera pas le suiveur, il impose son empreinte avec une cuisine jouant d’inspiration locale mais aussi internationale. Le chef s’impose par un atout majeur, la famille, mais aussi l’accueil, la gentillesse, un esprit, une atmosphère… On ne parle pas d’un chef mais de trois frères, d’une histoire familiale, une saga. La cuisine des Roca joue beaucoup sur le détail, le choc des saveurs, l’originalité réfléchie.
2014 – Noma – Rene Redzepi – DANEMARK
LOCAVORE
Noma revient à la première place après un incident de parcours… le chef a pris une leçon, il repart plus fort qu’avant avec une équipe soudée, et une communication rodée et efficace. Plus que jamais il revendique son terroir, ses produits, ses différences, il impose son MAD comme une référence de la préservation de ce qu’il appelle la culture alimentaire, il y réunit les fermiers, les producteurs, les cueilleurs ramasseurs, les chefs, des universitaires … Le chef innove en créant son premier Pop-Up restaurant, il déménage plusieurs mois avec ses équipes pour proposer sa cuisine locavore au Japon, après être allé chercher les produits locaux les plus incroyables.
2015 – Joan Roca – El Celler De Can Roca – ESPAGNE
CUISINE EN MOUVEMENT – MODERNISME
Joan Roca remporte à nouveau le palmarès, le monde entier court à Girona, pour goûter la cuisine évolutive de la famille Roca. Le rayonnement devient international, les trois frères font chaque année au mois d’août une tournée mondiale pour représenter leur cuisine, ils acquièrent une incroyable renommée et deviennent des Ambassadeurs de la cuisine gastronomique.
2016 – Massimo Bottura – Osteria Francescana – ITALIE
LE SHOW CULINAIRE
L’italien raffle le premier prix en 2016 contre toute attente, son restaurant navigue entre show culinaire et l’à-peu-près, le chef est hyper médiatisé, sa présence auprès des populations défavorisées lors de l’Exposition Universelle de Milan lui offre une renommée inattendue. Son engagement à lutter contre le gaspillage est aussi un de ses combat. Mais sa cuisine ne fait pas l’unanimité, il est souvent décrié pour le trop d’hestétique et le peu de saveurs de sa cuisine. Un choix 2016 peu convainquant.
2017 – Daniel Humm – Eleven Madison Park – USA
TERROIR – GRAND SERVICE
Daniel Humm et son associé Will Guidara ont su mettre en avant deux choix stratégique pour atteindre le succès – capter et utiliser les produits du terroir de la région de New York et offrir un service aux petits soins, qui révèle un sens du show très américain. La cuisine retrouve le sens du classique français dans l’assiette, mais aussi dans le travail en salle. Le » parfait » est ici une philosophie.
Voir les commentaires (1)
Les 525 victimes d'empoisonnement sont donc "quelques accrocs dans son parcours moléculaire" ??? Après deux empoisonnements chez ces apprenti-sorciers, je peux vous assurer que ça n'a rien de drôle.
Vous-voulez prendre des risques en cuisine ? Alors prenez-les pour vous et vos familles sans rendre malade les clients !