Deux événements à Paris : le Jardin du Clarence ; premier dîner du prix Collet

Elles ont eu lieu, chacune à son bout des Champs-Élysées, à quelques jours d’intervalle : l’ouverture du Jardin, le pop-up estival du Clarence,et l’inauguration du prix Collet du livre de chef. Food & Sens y était, à la petite cuillère.

Christophe Pelé.

LE CLARENCE OUVRE SON JARDIN PENDANT TOUT LE MOIS DE JUIN

Le fameux restaurant-hôtel particulier de l’avenue Franklin-D.-Roosevelt aménage dans sa cour un discret restaurant éphémère et estival bercé par le murmure d’une fontaine. Du 1er au 30 juin, le chef Christophe Pelé, aidé de Giuliano Sperandio, vous y sert une cuisine fraîche et conviviale, faite de petits plats à partager, de belles pièces de viande ou de poisson et de desserts de saison. Le tout arrosé de crus sortis d’une des plus belles caves au monde… Profitez de ce mois de juin, qui s’annonce chaud, pour goûter la douceur de ce jardin clos.

Le Jardin – 31, avenue Franklin-D.-Roosevelt, Paris VIIIe. Tél. : 01 82 82 10 10. Menu unique à partir de 70€, avec autres suggestions quotidiennes hors menu. Ouvert du mercredi au samedi au déjeuner et du mardi au samedi au dîner. Sous réserve de conditions météo…

Quelques avant-goûts du Jardin : ciabatta et prosciutto (ci-dessus), barbajouans et tartelettes aux fraises des bois (délicieuses). Une cuisine opulente, savoureuse, généreuse et pas prétentieuse pour un sou.

 

DÎNER INAUGURAL DU PRIX COLLET 2018 À L’ESPACE GAGGENAU

Quelques jours plus tard, le lundi 28 mai 2018, se tenait à l’espace Gaggenau, 7, rue de Tilsitt, le dîner qui inaugurait la sixième édition du prix des champagnes Collet des livres de chef. Le chef à l’honneur était ce soir-là Christopher Coutanceau — deux étoiles à La Rochelle — dont le livre vient de sortir aux éditions Glénat.

Cuisinier pêcheur, comme il se définit, défenseur de la pêche durable, ce passionné choisit tous les matins à la criée les plus beaux produits de la pêche. Il s’investit fortement dans la défense de la faune et de la flore marines. Il collabore avec les associations L’Œillet des Dunes et Bloom, qui vient d’obtenir l’interdiction de la pêche au chalut en grand fond. Soucieux de sensibiliser le public aux espèces menacées et aux dangers de la surpêche, il sort de sa carte les poissons en saison de reproduction.

Les photos du livre sont dues à Philippe Vaurès-Santamaria.

Jusqu’à la fin de l’année dernière, les dîners du prix Collet avaient lieu à Table Ronde, rue de Saintonge. Et puis, un soir, le plafond avait failli nous tomber sur la tête et nous avions fait retraite chez Guillaume Sanchez, vous vous en souvenez. Mais dorénavant, c’est le splendide espace Gaggenau qui hébergera les dîners Collet.

C’est là qu’officient ce soir Christopher et sa garde rapprochée : de gauche à droite, Vincent Schmit (second), Victor Pennameac’h et Benoît Godillon, chef pâtissier.

Christopher Coutanceau et Nicolas Brossard.

À ce dîner sont conviés les membres du jury et quelques invités. C’est un honneur d’en faire partie, car ces événements donnent accès au meilleur du savoir-faire d’un chef. Et ce soir, comme il fallait s’y attendre, Christopher et ses hommes ont mis le paquet. Très belle occasion de découvrir la cuisine d’un chef qui excelle, depuis qu’il a racheté l’affaire de son père avec son associé Nicolas Brossard, à apprivoiser la mer.

Rarement les produits marins ont été autant travaillés, étudiés, explorés, poussés dans leurs retranchements sans cesser d’être eux-mêmes. À chaque fois, le chef sublime leur goût, le prolonge, le magnifie. On peut parler d’umami à tous les étages ; ce n’est ni un effet de mode ni un procédé, c’est le simple goût de la mer correctement fignolé. Une belle leçon de nature et de cuisine, un toucher culinaire d’une finesse arachnéenne. Toutes les saveurs sont travaillées en dentelle. On sort de ce repas enchanté, surpris, comme sortant d’une caverne marine renfermant des trésors. Il y avait longtemps qu’on n’avait pas vu la mer comme ça.

Une lumière un peu dure, zénithale, n’a pas laissé beaucoup de chances au capteur de mon appareil. Je ne présenterai donc pas tous les plats. Mais ces bonbons de lieu jaune au basilic étaient rudement bons.

Ensuite, c’est à un véritable strip-tease de langoustine que nous convie Christopher : d’abord elle enlève le haut, en tartare mariné à cru, juste voilée d’une gelée de pinces caramélisée. L’accord, comme pour le plat suivant, se fait avec le Collet blanc de blancs, dont la délicatesse accompagne la chair crue, glissante, savoureuse du crustacé sans la brusquer.

Et quand elle enlève le bas, juste croquante, la langoustine repose avec une fausse nonchalance sur un oreiller d’araignée de mer au naturel. Je n’ai pas besoin de décrire le goût qu’a tout cela, je suis certaine que vous imaginez très bien.

Et ça continue, sans baisse de niveau, ça vole, pardon, nage très haut : huître au lait d’estragon, caviar Kristal et hélichryse, proposée avec le champagne Collet extra-brut — l’accord est stupéfiant. L’hélichryse est cette petite immortelle jaune très parfumée qui couvre le littoral atlantique, surtout à la hauteur des Charentes et de la Vendée. Une composée, donc une cousine de l’estragon ; l’accord aromatique est parfaitement cohérent. Je note l’usage fréquent que fait Christopher de l’estragon, une herbe qu’on a tendance à négliger de nos jours, la confinant aux béarnaises, aux poulets et aux popotes qu’on juge un peu surannées. Le chef, ici, réinvente l’estragon, réaffirme sa place. L’herbe est travaillée avec tant de fraîcheur qu’on croirait en découvrir une nouvelle.

Du turbot, nous aurons aussi deux versions : lui aussi, il commence par enlever son soutien-gorge, car nous avons une barde (le meilleur morceau) et des févettes, le tout enrobé d’un divin jus de volaille. On en mangerait bien plusieurs assiettes. Le morceau qui suit, un dos de turbot, est plus substantiel (et, je dois l’avouer, légèrement surcuit). Les deux plats sont accompagnés avec talent par la cuvée Esprit Couture.

Sardines de la tête à la queue, glace aux bouffis. Ça, c’est une dînette, et c’est bourré de charme. Chaque petit détail joue un rôle essentiel : la crème de tête de sardine (I kid you not), la sardine elle-même, la glace au bouffi (eh oui, pardi ! Au bouffi !) et les bigorneaux décoquillés (quel travail !) disposés en cercle. J’allais presque oublier l’arête de sardine frite, à croquer entière, sinon le chef vous punit. Accord : champagne Collet Vintage 2008 Collection privée.

Le chef pâtissier nous a servi des cailloux. Plus exactement des galets. Plus exactement des galets framboise, palets de choses et d’autres (sorbet framboise, sablé framboise, crème framboise) enrobés de chocolat et relevés de fleur de sel de l’île de Ré. Avec le champagne Collet rosé Dry Collection Privée. Futé, poétique, très apprécié par tous.

À l’issue de ce dîner exceptionnel, l’envie d’aller à La Rochelle se fait fortement sentir. À vous aussi ?

Restaurant Christopher Coutanceau – Plage de la Concurrence, 17000 La Rochelle. Tél. : 05 46 41 48 19.

À la petite cuillère
Textes et photos : Sophie Brissaud

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