Voici quinze faits que personne ne vous dit mais qui dessinent l’anatomie d’une révolution de moins en moins silencieuse qui vient dessiner le présent mais aussi le futur de la profession à l’échelle mondiale !
1. Les hommes surreprésentés
Sur les 279 chefs classés, 250 sont des hommes et 29 des femmes – soit 10,4 %. La progression est réelle (8 % en 2024), mais la parité reste un mirage. Quelques figures émergent à l’image de Jessica Rosval et de Chiara Pavan mais l’immense majorité du classement demeure masculine. La gastronomie mondiale veut parler de diversité, mais récompense toujours encore l’uniformité !
2. La france reste partout, sauf sur le podium
La France compte 40 chefs classés, mais aucun dans les trois premières places.
Le modèle français conserve sa maîtrise technique, sa densité et sa mémoire, mais perd l’influence narrative. Ils excellent encore dans le geste, beaucoup moins dans le discours. Le Best Chef Awards quand à lui ne juge pas nécessairement la régularité d’un service, mais la capacité à inspirer et alors que la France enseigne encore la grammaire du goût et n’écrit depuis de nombreuses années plus le récit dominant.
3. Les chefs Italien brillent dans le monde entier
60 chefs italiens figurent dans le classement et la moitié exercent à l’étranger, à Tokyo, Dubaï, Hong Kong, Londres ou Singapour.Cette diaspora illustre la force de l’italianité mondiale, devenue un langage culinaire universel : produits identifiables, esthétique du plaisir et narration sensorielle immédiate. L’Italie n’impose pas : elle diffuse avec constance sa philosophie dans le monde, capable de s’adapter à tous les marchés tout en gardant son âme.
4. Copenhague, capitale du futur gastronomique
Le Danemark continue de s’imposer le centre de gravité de la pensée culinaire mondiale. Rasmus Munk, chef de l’Alchemist, y conserve la première place du Best Chef Awards 2025 : une cuisine immersive et sensorielle, pensée comme une œuvre d’art totale. À quelques kilomètres, Rasmus Kofoed continue de faire rayonner Geranium, et autour d’eux, une constellation danoise s’impose : Nicolai Nørregaard (Kadeau), René Redzepi et Christian Puglisi. Le Danemark n’a pas le plus grand nombre de restaurants classés mais continue de se construire autour d’une idéologie gastronomique cohérente qui fait que “nouvelle cuisine nordique” a réussit à imposer un standard global : durabilité, localisme, design et cohérence totale. Ce modèle est désormais copié : d’ailleurs plus de 40 % des restaurants 2 ou 3 étoiles ouverts depuis 2020 revendiquent une influence scandinave. Le Danemark continue ainsi de s’imposer comme une référence !
5. l’espagne conserve le talent, mais plus la direction
Une temps Reine de la gastronomie mondiale, l’Espagne perd petit à petit son leadership. Ses grands noms – Dabiz Muñoz (DiverXO), Quique Dacosta, Martín Berasategui, Ángel León, Paco Pérez – restent titrés à 3 knives mais le modèle Adria a cessé d’être révolutionnaire : il est devenu patrimoine. L’Espagne conserve son feu, mais n’impose plus le rythme. La génération montante regarde désormais vers Copenhague et Dubaï, pas vers San Sebastián !
6. La slovénie crée la surprise en grimpant à sur le podium
Avec Ana Roš, la Slovénie, pays de deux millions d’habitants, atteint la deuxième place mondiale. Son succès repose sur une radicalité assumée : terroir local, circuits courts, narration écologique. Hiša Franko n’est pas un restaurant, mais un manifeste. Mais Ana Roš n’est pas seule et la scène slovène s’élargit désormais autour d’un véritable écosystème de jeunes chefs :
- Klemen Bevc (Milka Restaurant, Kranjska Gora) – 2 knives, figure montante du Haut-Trentin, formé à Copenhague, mêlant techniques nordiques et montagne alpine.
- Jorg Zupan (Aftr, Ljubljana) – 1 knife, approche urbaine et libre, symbole d’une nouvelle génération sans complexes.
- David Vračko (Miza za štiri, Maribor) – 1 knife, créativité brute et locavore, expression culinaire sans filtre.
- Tomaž Bratovž (JB Restaurant, Ljubljana) – pionnier de la gastronomie slovène moderne, souvent considéré comme le “père fondateur” de la scène actuelle.
Plus le temps passe et plus la petite Slovénie se transforme le Davos de la gastronomie durable.
7. L’asie et le golfe avancent à vitesse réelle
Himanshu Saini (Dubaï), Garima Arora (Bangkok), Sung Anh (Séoul) incarnent la montée d’un continent qui a sauté une génération avec ses chefs sont à la fois techniciens, communicants et entrepreneurs. L’Asie impose quand à elle son rythme : nouveaux restaurants chaque année, marchés solvables, publics connectés. Là où l’Europe défend la tradition, l’Asie invente le futur en temps réel.
8. Le storytelling, nouvel actif stratégique des chefs
Chaque chef primé porte une cause. Ana Roš parle de liberté et de nature ; Massimo Bottura d’inclusion et de solidarité. Le goût seul ne suffit plus : il faut raconter ce que l’on cuisine et pourquoi mais aussi pour qui on cuisine ! Le Best Chef Awards a institutionnalisé ce glissement : la valeur d’un chef se mesure désormais à la cohérence entre l’assiette la parole et la personne.
9. Le modèle scandinave fixe la norme mondiale
Le Danemark et la Suède comptent à eux seuls près de 15 % des chefs “3 knives” du classement, soit une surreprésentation massive à l’échelle mondiale. À Copenhague, Alchemist de Rasmus Munk et Geranium de Rasmus Kofoed imposent une grammaire qui captive : sobriété formelle, radicalité du produit, narration environnementale. Ces cuisines ne séduisent pas par la technique, mais par la cohérence du récit.
Chaque plat devient un manifeste : sur le climat, la transparence, ou la fragilité du vivant. C’est cette articulation entre la main, le sens et la parole qui définit aujourd’hui la norme de reconnaissance internationale.
10. Les grandes villes captent le prestige
Sur les 279 chefs, 190 travaillent dans des métropoles : Paris, Londres, Tokyo, New York, Dubaï, Copenhague et seuls 32 % exercent en milieu rural ou littoral.
Les grandes villes offrent la logistique, la presse et la clientèle internationale. La campagne ne se faisant souvent connaitre par le récit de son isolement.
11. Les Knives, un nouveau modèle Mondial
Le couteau est devenu un symbole de contemporanéité, un marqueur d’influence au croisement du talent, de la personnalité et de la portée du discours. En 2025, il ne consacre plus la gastronomie classique, mais le chef comme auteur, acteur et narrateur de son temps.
12. La réputation numérique pèse dans le classement
Instagram pèse plus qu’un critique. Le Best Chef Awards 2025 en est la démonstration : près de 80 % des chefs classés possèdent plus de 50 000 abonnés sur les réseaux, et les lauréats du top 10 dépassent souvent les 200 000. Cette visibilité n’est plus un effet secondaire, elle devient un levier d’évaluation implicite. Dans un système où 972 votants issus de 69 pays doivent juger des cuisines qu’ils n’ont pas toutes goûtées, la réputation digitale sert de vecteur d’influence et de preuve d’impact.
Les chefs ne sont plus seulement des artisans : ils sont des producteurs de contenu. Une photo de plat publiée au bon moment peut peser plus qu’un article de presse. Le Best Chef Awards enregistre cette mutation : la cuisine contemporaine n’existe plus sans écho médiatique maîtrisé. Dans le monde du goût globalisé, la notoriété numérique n’est pas un supplément d’âme, elle est devenue une matière première du prestige.
13. Les valeurs remplacent les dogmes
Les nouveaux prix – Visionary, Humanity, Terroir – récompensent désormais la cohérence éthique. On ne célèbre plus seulement le geste, mais la mission du chef : sa responsabilité, son impact, sa contribution sociale. Le prestige passe par la valeur ajoutée humaine. C’est une bascule philosophique : la cuisine n’est plus seulement un art du goût, mais un acte de civilisation.
14. le réseau fait le podium
Derrière le vernis des trophées, le Best Chef Awards 2025 repose sur une machinerie méthodique. Le corps électoral s’est élargi à 972 votants – dont 572 chefs et 400 professionnels issus du journalisme, de la communication et de la gastronomie. Ce rééquilibrage entre pairs et observateurs vise à refléter plus justement la diversité mondiale des influences, tout en réduisant le poids des lobbies nationaux. Chaque votant sélectionne dix chefs, dont au moins trois de son pays, puis attribue des notes appuyées par des preuves tangibles : réservations, photos, reçus. La transparence devient un critère de légitimité, au même titre que le talent !
15. La décentralisation du pouvoir culinaire
La carte des pouvoirs culinaires s’est redessiner comme suit :
- La France garde la base : la technique, la mémoire, la formation.
- L’Italie garde la culture : le plaisir, le partage, la beauté.
- Le Danemark donne la direction : la durabilité, la pensée, la cohérence.
- L’Asie impose la vitesse : la créativité, l’énergie, la modernité.
Le coeur de la gastronomie mondiale n’est plus à Paris ni à Modène, mais dans l’orbite mouvante autour du monde. N’ayant plus de capitale : elle a des vecteurs d’influence partout dans le monde
Le Best Chef Awards 2025 plus qu’un guide est un thermomètre culturel ! Il mesure ce que le monde admire chez un chef : la vision, la cohérence, la capacité à incarner une époque ! La prochaine décennie dira si la France redeviendra moteur ou si, à force de conserver son passé, elle laissera les autres inventer le futur !
Guillaume Erblang / FoodandSens