

À Arles, le Festival du dessin innove cette année avec une première inédite : une exposition consacrée au croisement entre dessin et métiers de la gastronomie, intitulée « La cuisine en dessins ». Un projet artistique ambitieux, visible jusqu’au 11 mai 2025, qui explore le dialogue subtil et inspirant entre deux arts éphémères, sensoriels et profondément humains.
Présentée dans la Salle Henri-Comte, à quelques pas de l’hôtel de ville, l’exposition réunit les travaux de chefs, de critiques gastronomiques et d’artistes pour qui le dessin est à la fois outil de création, mémoire gustative et moyen de transmission. Si les uns esquissent pour concevoir un plat ou guider leur brigade, les autres croquent pour capturer l’émotion d’un goût, la beauté d’un dressage, la trace d’un instant.




Parmi les figures phares, on y retrouve bien évidemment Michel Oliver, pionnier du genre, qui avec les dessins naïfs et colorés de son livre La cuisine est un jeu d’enfants a marqué des générations, et a été l’un des premiers exemples d’une cuisine racontée par le trait.
À ses côtés, des artistes aux démarches aussi diverses que sensibles. Itsuo Kobayashi, ancien chef japonais de soba, bouleverse par exemple par son geste quotidien : depuis qu’il a quitté la cuisine pour des raisons de santé, il illustre chaque plat qu’il mange, mêlant gouache, collages et minutieuses annotations. Un rituel graphique chargé de mémoire, de saveur et de résilience.
On peut admirer également le travail de Dabiz Muñoz, chef iconoclaste du DiverXo à Madrid, qui dans un registre plus explosif, compose ses menus comme des histoires visuelles. Inspiré du manga et de la BD, il co-crée avec son équipe des croquis intenses et symboliques, où l’imaginaire précède la dégustation. Même démarche ludique chez Karime López et Takahiko Kondo, duo de la Gucci Osteria, qui traduisent leur cuisine métissée en illustrations colorées, influencées par la mode, les voyages et la haute gastronomie.
Et puis, il y a Rodolfo Guzmán, Simone Tondo et Éric Guérin, qui partagent un goût pour l’expérimentation visuelle. Guzmán trace sur de grands rouleaux de papier de véritables cartographies sensorielles où chaque ingrédient raconte une origine, un territoire. Tondo, lui, dessine sur tablette graphique, dans un geste rapide et intuitif, à l’image de sa cuisine libre et joyeuse. Guérin, plus contemplatif, consigne ses recettes dans des carnets soigneusement annotés, qu’il enrichit à l’aquarelle pour illustrer la construction du plat et transmettre son esprit à son équipe.
Côté observateurs, João Wengorovius se distingue par ses carnets de dégustation dessinés à la main. Ce critique portugais documente ses repas comme d’autres tiennent un journal de voyage, avec finesse et subjectivité, faisant de chaque page un souvenir vivant.
Et ce n’est là qu’un aperçu. D’autres regards, d’autres gestes, d’autres styles sont encore à découvrir dans ce parcours foisonnant, où chaque dessin dit quelque chose de la manière dont on rêve, pense, partage ou se souvient d’un plat.
Pensée par le chef Armand Arnal, la journaliste Alexandra Michot et le designer Benoît Millot, cette exposition révèle combien le dessin peut devenir un langage sensible pour parler de goût, de mémoire et de transmission. Qu’il soit esquissé à la main ou sur écran, chaque trait prolonge l’émotion d’un plat, et rappelle que cuisiner, comme dessiner, c’est avant tout une affaire d’instinct, d’élan… et de partage.
À voir encore quelques jours à Arles, jusqu’au 11 mai, dans le cadre du Festival du dessin.
Par Lorena Lombardi