Guillaume Gomez : l’interview de Food&Sens à l’Ambassadeur de la gastronomie française et ancien chef de l’Elysée
Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy, François Hollande, Emmanuel Macron… Après 4 présidents de la République et 25 ans de service, Guillaume Gomez est désormais Ambassadeur de la gastronomie française. Dans cette interview accordé à Food&Sens, il explique son rôle, les objectifs de sa mission, ses sources d’inspiration, son passé et ses projets futurs.
F&S. Chef Gomez vous êtes un peu le Ministre de la gastronomie française… quel est exactement votre rôle ?
GG. Je suis ambassadeur de France pour la gastronomie, je suis le représentant du président de la République envers les acteurs de la gastronomie, de l’alimentation et des arts culinaires. Donc mon rôle est celui d’être au plus près des acteurs de la gastronomie, nos producteurs, nos éleveurs, nos pêcheurs, nos vignerons, nos artisans, mais également dans un champ assez large qui va de la terre à la poubelle puisque ça regroupe des activité qui vont du travail des sols jusqu’à la transformation des déchets. Vraiment tout ce qui fait partie de notre gastronomie en prenant en compte que notre assiette a un impact en amont et en aval sur nous même, sur notre santé et sur notre environnement. Ma deuxième casquette est ensuite d’avoir un rôle sur le rayonnement de la gastronomie française à l’étranger ce qui m’emmène à parrainer plusieurs événements et festivals comme celui de Saint Sebastian (Gastronomika, ndr) par exemple. Je défends nos territoires, nos producteurs et notre idée de la gastronomie.
F&S. Vous avez été missionné par le Président Macron lors de sa son premier mandat. Pensez-vous que votre rôle aurait été maintenu s’il n’avait pas remporté les élections du mois dernier ?
GG. Aujourd’hui je suis détaché de président de la République et de l’Elysée. Je suis embauché pour une durée de trois ans par le ministère des affaires étrangères et cette première mission va durer jusqu’aux jeux olympiques de Paris car je m’occupe aussi des grands événements internationaux, notamment la coupe du monde de Rugby et les jeux olympiques. Donc ma mission aurait été quand même maintenue. Après, si le président avait changé et qu’il n’avait pas souhaité de représentant pour la gastronomie, il faut préciser que ma mission professionnelle à moi n’aurait pas changé. J’aime m’occuper du rayonnement de la gastronomie de mon pays à l’étranger et je pense que j’aurai continué à faire ça en collaboration avec les ambassades.
F&S. Vous êtes proches des chefs et vous leur demandez souvent de signer les menus lors des réceptions des chefs d’état… la Gastrono-diplomatie ou Diplomatie culinaire existe-t-elle donc vraiment ?
GG. Bien sur, et d’ailleurs ce n’est pas moi qui l’a inventée. Vous savez, si mon rôle est ce qu’il est aujourd’hui c’est parce que le terrain était déjà propice. Déjà en 1815, au Congrès de Vienne, Talleyrand avait déclaré « Donnez-moi de bons cuisiniers, je vous ferai de bons traités », en emmenant avec lui Antonin Carême pour justement avoir ce soft power de la diplomatie culinaire, en partant du principe que si beaucoup de choses vont diviser, s’il y a bien quelque chose qui peut faire rayonner la France et réunir les peuples c’est la table. Donc mon rôle aujourd’hui est celui ci, d’être ce facilitateur, ce lien entre les femmes et les hommes qui font notre gastronomie et ceux et celles qui souhaitent justement la connaitre, que ce soit les touristes ou les chefs d’état étrangers. Sans jamais oublier les différents enjeux sur le territoire de la gastronomie d’aujourd’hui, à savoir la nécessité d’une gastronomie plus engagé culturellement, socialement et de façon environnementale.
F&S. Et, est-ce que tout petit vous rêviez d’être chef et surtout d’entreprendre ce parcours si particulier que vous avez entrepris ?
GG. Non, je ne pensais bien sur pas de devenir ni chef des cuisines de l’Elysée, ni ambassadeur de France de la gastronomie. Déjà, à cette époque ces métiers n’existait pas car c’est moi qui les a inventés à l’aide du président Macron (d’ailleurs, je pense que le fait que le président ait voulu être le premier président au monde à nommer un ambassadeur de la gastronomie soit un signe très fort envers nos professionnels de la gastronomie). Je ne serai pas le seul, parce que il y a déjà des pays qui réfléchissent à nommer des ambassadeurs pour le rayonnement de leurs gastronomies, mais en tout cas la France a été le premier pays à y penser et je crois que cela est très important. Bien évidemment du coup je ne pouvais jamais penser de faire ce métier. Après, tout petit, j’ai tout de suite su que je voulais devenir un chef. J’ai une photo de moi, à trois ans, où j’était déguisé en chef. J’étais aux maternelles et on nous avait demandé de nous déguiser dans le métier qu’on voulait faire plus tard. Au milieu de pompiers, princesses et cowboys, moi j’avais choisi de me déguiser en cuisinier. Et il faut dire qu’il y a trente ans être un cuisinier n’était pas à la mode comme aujourd’hui. Du coup je me suis dirigé vers cette carrière très naturellement et très tot et j’ai eu aussi la chance de rencontrer les bonnes personnes qui m’ont accompagné jusqu’à où j’en suis aujourd’hui.
F&S. Et les fourneaux ne vous manquent pas ?
GG. Non, pas du tout. Vous savez, j’ai choisi déjà de faire ce que je fais aujourd’hui et je sais que si je voulais je pourrais retourner en cuisine à tout moment. Après, c’est un métier que j’ai fait avec passion sept jours sur sept, entre 15 et 20 heures par jour, pendant trente ans, et je suis arrivé à un moment où j’ai ressenti le besoin de passer à autre chose.
F&S. Où voyez-vous du coup Guillaume Gomez dans 10-15 ans ?
GG. Aucune idée. Ailleurs sûrement. Si vous m’aviez posé la même question il y 10 ans, jamais j’aurais pensé à ce que je fais aujourd’hui. Déjà je ne pensais pas rester aussi longtemps à l’Elysée et, comme je vous disais, je ne pouvais pas penser à devenir ambassadeur de la gastronomie française car je ne savais pas encore que c’était une possibilité. La vie est faite d’opportunités, d’envies et de rêves vers lesquels on se dirige et moi aujourd’hui j’ai envie de servir ce pays et celles et ceux qui font notre gastronomie. Je ne saurais pas vous dire si cela va changer dans quelques années.
F&S. Quel importance donnez vous aujourd’hui aux étoiles Michelin ? Elles semblent encore indissociables du statut des chefs… Quel avenir envisagez-vous pour le guide rouge ? Faites-vous appel à des chefs non étoilés aussi ?
GG. Bien sûr, j’ai été un chef non étoilé moi même et je pense avoir quand même eu une existence en tant que cuisinier. Concernant le guide Michelin, du coup, je ne pense pas être le mieux placé pour en parler. Mais comme tout un chacun dans ce métier, le guide rouge m’a fait rêver et m’a fait connaître des chefs que je n’aurais pas connu sans l’existence de ce guide. Je pense que l’histoire de la gastronomie française est profondément liée à celle du guide Michelin. Quant à son avenir, c’est à ceux qui sont décideurs dans le guide rouge de le décider. En tout cas, moi, je n’ai aucun problème à faire appel à des chefs non étoilés.
F&S. Et concernant le nouveau chef des cuisines du palais de L’Elysée, l’avez-vous personnellement choisi, est-il indépendant de vous ou suit-il vos directives ?
GG. Je ne parle pas de ce qu’il se passe au palais de l’Elysée, je connais bien Fabrice (Desvignes, nouveau chef de l’Élysée, ndr) bien évidemment, même si on n’échange pas souvent, mais c’est à lui de vous parler de ça. Moi je ne pourrai pas vous répondre.
F&S. Continuez vous à vous occuper de votre projet humanitaire d’écoles de cuisine au Madagascar ? Pensez vous le développer ?
GG. Bien sûr, je vais continuer avec toutes les actions que j’ai pu mener en tant que parrain des différentes associations caritatives et avec mes écoles (deux à Madagascar et une troisième à l’ile Maurice qui doit ouvrir). Vous savez, quand on s’engage avec des projets comme ça, ce n’est pas pour quelques temps mais c’est pour du long terme, on ne peut pas trahir ces personnes une fois qu’on leur a promis des choses. Moi je suis quelqu’un qui tient toujours ses promesses et j’ai promis à des enfants là-bas de les amener vers un avenir différent, donc aujourd’hui la vente de mes livres y est entièrement consacrée et je ne vais pas m’arrêter maintenant car je sais qu’il y a des personnes qui comptent sur moi. Peu importe ce que l’avenir me réserve, ce qui est sur c’est que je vais continuer pour eux car je me suis engagé. Et aussi parce que je pense que le partage des valeurs et la transmission des savoirs faire est aussi l’un des rôles de la gastronomie française. Ça ne sert à rien de briller si ce n’est pas pour éclairer les autres. J’espère donc pouvoir inspirer d’autres chefs car malheureusement il y a encore besoin de beaucoup d’aide dans ce monde.
Propos recueillis par Lorena Lombardi