Le quotidien régional Midi Libre a consacré ce jour une page au chef trois étoiles Gilles Goujon qui sera à partir de demain sur les écrans de M6 aux côté du chef Norbert Tarayre dans la nouvelle émission « Le Combat des Régions ».
Le chef audois intègre le 11 juillet le jury de la nouvelle émission quotidienne estivale de M6, qui mettra en scène les terroirs français. Il évoque son rapport au petit écran, son parcours et ses projets.
Vous serez dès le 11 juillet l’une des incarnations du Combat des régions, la nouvelle émission culinaire de M6, où on vous voit aussi dans Top Chef, vous avez été jury de Masterchef sur TF1.
Que vous apportent ces expériences cathodiques ? – C’est une récréation, quand je vais à Top Chef, je retrouve Philippe Etchebest et tous les autres, ce sont des amis, je me régale. C’est aussi du boulot, 15 h à 16 h par jour pour Le Combat des régions, heureusement, on a Norbert Tarayre qui nous donne la patate ! Avec son humour, ses connaissances culinaires, il m’impressionne chaque jour. La télévision m’apporte aussi une autre visibilité. Je le réalise quand je sors de la cuisine (dans son restaurant de l’Auberge du Vieux-Puits, à Fontjoncouse, dans l’Aude, NDLR), les gens sont contents de me voir. Mais après, il faut assurer, ils viennent avec des attentes !
Quel sera le concept de ce « Combat des régions », sur M6 ? Ce sera une sorte d’Intervilles, un inter-départements. Des délégations de quatre personnes se mesureront avec leurs plats traditionnels, le cassoulet, la bouillabaisse, mais aussi leurs créations basées sur des produits de leur région. On a vu lors des enregistrements des choses très intéressantes, de haut vol. J’ai adoré !
Quel sera votre rôle ? Je serai une sorte d’arbitre, de patriarche. La journaliste culinaire Aurélie Chaigneau et moi, nous officierons autour de Norbert Tarayre, qui est le boute-en-train et le présentateur. Il connaît très bien les régions, leurs spécialités. Il y a eu une entente fabuleuse entre nous trois.
L’émission sera agrémentée d’un zeste de chauvinisme… Oui, cela dépend des régions, mais certains arrivent gonflés à bloc… Tous ont cette passion, cette ferveur, cette envie de gagner et de représenter leur territoire, certains viennent dans des tenues folkloriques, l’ambiance est bon enfant. Même dans l’adversité je n’ai pas vu une seule fois du calcul, comme on peut en voir dans certains programmes. Et comme les candidats vivent ensemble à l’hôtel, ils finissent par sympathiser, par boire des coups, ils se font goûter leurs produits… Il y a de la rivalité, mais aussi de l’amitié. C’est vraiment chouette. L’humour, l’humeur qu’il y a dans cette émission existe nulle part ailleurs.
Vous serez donc amené à juger aussi des candidats de votre région, l’Occitanie… Oui mais il n’y aura aucun parti pris !
Qu’attendez-vous d’un cuisinier ? S’il s’agit d’un plat traditionnel, on doit retrouver ses marqueurs, dans le goût, la technique. On ne demande pas, à ce moment-là, de la création, mais la réussite. Ce n’est pas si facile.
Êtes-vous le même en cuisine qu’à l’écran ? Oui, je suis bienveillant, mais je dis les choses. Il y a plus de stress, par contre, en cuisine qu’à la télévision. Dans l’émission, ce n’est pas moi le candidat. Alors qu’au restaurant, je passe un examen tous les jours avec mes clients.
Vous célébrez plusieurs anniversaires : vos 60 ans, les 30 ans de l’Auberge du Vieux-Puits, les 25 ans de votre première étoile. Que vous inspire ce parcours ? Vous l’imaginiez ainsi ? Comme cela non, mais quand j’avais 20 ans, je m’en rappellerai toujours, on était dans la Renault 6 de ma mère, devant le café Cristal à Béziers, j’ai dit à Marie-Christine (son épouse, NDLR) : »Écoute, tu m’aimes, je t’aime, c’est merveilleux, j’ai envie de faire ma vie avec toi, mais je veux être Meilleur ouvrier de France (MOF) et avoir trois étoiles. Tu réfléchis, parce qu’on n’aura pas de vie de famille, c’est même pas la peine de penser à construire une maison dans l’immédiat, ni à faire des enfants. On travaille et on met un salaire de côté parce qu’on n’a pas un rond et je veux avoir mon affaire à 30 ans. » C’était vachement glamour (rires). Elle m’a dit oui et c’est parti.
Vous découvrez alors cette auberge perdue dans les Corbières qui, par trois fois, a fait faillite… À l’époque, on a tout lâché et on habite chez ma mère, on cherche une affaire et on se rend dans cette auberge. On se perd sur la route, je vois ma femme qui s’enfonce dans le fauteuil au fur et à mesure qu’on avance, on se dit personne ne viendra ici… On visite le restaurant, c’est “Beyrouth”, il y en a un qui parti avec un meuble, l’autre un morceau de fourneau, il y a des trous dans le sol… Mais Marie-Christine se projette, elle me dit « c’est pas mal… »
Vient ensuite le point de bascule, la première étoile… Ou quand on arrive à Fontjoncouse, on espère avoir l’étoile Michelin en deux ans. Mais au bout de quatre ans, pas d’étoile, on perd de l’argent et on ne sait plus quoi faire. C’est dur, on ne peut pas vendre, notre entreprise ne vaut rien, on est obligé de rester et on se pose des questions sur notre venue ici, mais surtout sur ma qualité de cuisinier. Je me dis tu t’es pris pour quelqu’un d’autre. L’étoile est tombée au bout de la cinquième année… Je ne leur en veux pas, ensuite ils ont triplé la mise.
Votre arrivée a aussi mis en lumière Fontjoncouse, dont vous êtes devenu le principal centre d’attraction… Oui, mais au début il a fallu se battre pour accéder à la propriété de l’auberge, parce que je ne voulais pas être locataire. On a eu aussi une période compliquée (avec des actes de malveillance, notamment des pneus crevés, NDLR), en France il y a parfois un peu de jalousie dans les villages…
Trois étoiles Michelin, Cinq toques Gault&Millau, n°2 mondial sur La Liste, Meilleur table du monde Tripadvisor…. Vous accumulez aujourd’hui les distinctions. Il vous reste des rêves à réaliser ? Mes rêves sont plutôt aujourd’hui dans la transmission. J’en parlais ce matin avec Marie-Christine, je lui disais « maintenant il ne me reste pas grand-chose à vivre, je suis quand même plus près du trou que du berceau (rires), il faut qu’on mette tout en œuvre pour les enfants ».
Vous préparez un passage de relais progressif ? Exactement, selon l’exemple des chefs Régis et Jacques Marcon, je pense que c’est le bon chemin. C’est cela que je voudrais faire, tout doucement, être plus proche de la clientèle, pendant que mes gamins assurent derrière. On n’est pas pressés. Il faut qu’ils prennent leur place et que je lève un petit peu le pied. Et après je les lâcherai. Mais maintenant, c’est à eux de marner !
Ils travaillent déjà à vos côtés ? Oui, Axel en pâtisserie (avec, en parallèle, un projet de pâtisserie-chocolaterie dans quelques années, confie Gilles Goujon, NDLR), Enzo en cuisine. J’ai une chance incroyable. Ils ont fait aussi l’ouverture avec moi de L’Alter Native (son deuxième établissement, à Béziers, NDLR), c’est peut-être pour cela qu’il a été dit au début que c’était le restaurant “des fils”, ce n’est pas tout à fait vrai, ce le sera peut-être un jour. C’est Quentin (Pellestor-Veyrier, NDLR) qui officie à Béziers. C’est un de mes “petits”, un ancien apprenti et commis. Quand j’ai pris ce restaurant, j’ai tout de suite pensé à lui. Jusqu’ici, on a fait 100 % de plats “chez Goujon”, mais je souhaite qu’il se réalise.Il faut que cela ressemble à ce que je fais, il ne va pas commencer à faire de la cuisine moléculaire, mais je veux qu’on fasse du 50/50, avec ses recettes que j’aurais validées, on construira ensemble la suite de l’aventure.
Aventure déjà récompensée par une étoile à Béziers… C’est incroyable, c’était notre objectif inavoué sur un an…
Vous avez d’autres objectifs inavoués ? Je veux d’abord stabiliser les choses, mais la deuxième étoile, on y pense, oui…
(*) “Le Combat des régions : Ma cuisine est la meilleure de France”, à partir du lundi 11 juillet, à 18 h 40, au quotidien, sur M6.
Photo – Sylvie Cambon