Par Morgan Couturier
Contraint et forcé, comme tous ses confrères restaurateurs, de ranger ses ustensiles de travail le temps du confinement, le président des Toques Blanches Lyonnaises craint le pire pour sa profession, au point de plancher sur un sujet prohibé jusqu’alors : celui des licenciements.
Il a suffi d’une phrase, d’une interrogation formulée par Olivier Véran pour que Christophe Marguin émette son quolibet préféré, débutant étrangement par la même lettre que crise. « Que se serait-il passé si nous n’avions pas fermé les bars et les restaurants dans les Métropoles où le virus circulait le plus ? », a questionné le ministre de la Santé, lors de son intervention télévisée du jeudi 5 novembre.
La réplique du président des Toques Blanches fut rapide et cinglante, à la hauteur du désespoir de sa profession : « c’est n’importe quoi. C’est vraiment un naze ce mec, il est vraiment dangereux. Nous, on ne peut pas faire plus, on a fait tout ce qu’on nous a demandé. On prend toujours l’exemple des grandes surfaces, mais qu’on ne nous dise pas que le virus circule moins dans les hypermarchés que dans les restaurants », peste le gastronome.
Une requête simple, travailler au moins le midi du lundi au vendredi
La réalité est pourtant aussi triste qu’elle n’y paraît et invite inexorablement à contester la politique du gouvernement, censée protéger l’économie autant que possible, en dépit de la nécessité de lutter contre la propagation du virus. Mis hors du jeu du jour au lendemain, sans même avoir été prévenus, les restaurateurs se sentent ainsi lésés, avec pour seule compagnie, les marchandises récupérées la veille du confinement.
« On nous prend vraiment pour des imbéciles ! C’est inadmissible qu’on nous ait fermés du jour au lendemain. Maintenant, ce qui est perdu, est perdu, et la tendance n’est vraiment pas bonne », poursuit le chef établi au 11 avenue de Grande-Bretagne, dans le sixième arrondissement. Néanmoins, comme tout bon cuisinier qui se respecte, Christophe Marguin a appris à gérer la pression.
A tête reposée, et ce, malgré quelques éreintantes séances à la Métropole de Lyon, ce dernier a donc pris le temps d’imaginer une nouvelle recette, une formule magique vouée à sauver ce qui peut encore être sauvé.
« Je pense qu’aussi bien les commerçants que les restaurants, ceux qui respectent les protocoles qu’on a demandés, on devrait les laisser ouverts du lundi au vendredi midi, puis instaurer un couvre-feu complet le soir et un confinement le week-end, mais au moins, tu as cinq jours où tu rentres un peu d’argent », suggère-t-il, s’appuyant sur les maigres résultats de la vente à emporter, largement pénalisée par la généralisation du télétravail.
« S’il faut licencier, on licenciera, on n’aura plus le choix »
« Il y a moins de personnes dans les bureaux, du coup, les restaurants travaillent moins. Les prix sont plus bas, mais si tu veux garder la même qualité, à un moment, c’est compliqué. Soit tu fais des plats de moins bonne qualité, soit… », tu licencies, un terme jadis tabou en gastronomie, mais qui tend aujourd’hui à prendre de l’ampleur, devant la triste réalité du terrain.