Pour un grand chef la valeur commerciale d’un restaurant n’est pas liée à la réputation du chef, à ses étoiles, à la renommée de la table, au contraire. Commercialement il ne vaut pas grand chose, car sans le chef ce n’est plus qu’un local à bail comme tant d’autre. Bien sûr, l’emplacement et la surface permettront de valoriser le site, mais le chiffre d’affaire ne sera plus un critère de valorisation.
Mais quand l’heure à sonné, il ne faut pas se tromper, si vous avez un des enfants qui se trouve être intéressé par le métier, comme pour les Troisgros, les Bras, les Marcon, les Blanc, les Pic, les Bocuse, c’est la bonne solution … ou alors il faut trouver un repreneur, et il n’existe pas beaucoup d’alternative :
– Soit vendre son affaire, ses murs, son fond de commerce, ou les deux à un autre chef, ou à un groupe de restauration
– Soit trouver un chef à qui donnera les renes et lui transmettre des parts moyennant un loyer par exemple
– Soit carrément transformer son affaire en autre chose ( appartement, bureaux, commerce … ) et perdre toute idée de voir continuer à briller des étoiles
– Créer une fondation ou faire une donation … compliqué et irréaliste !
Dans l’histoire de la gastronomie on se souviendra du succès de la reprise du restaurant La Pyramide du chef Fernand Point par le chef Patrick Henriroux, des Crayères du chef Gérard Boyer par un groupe hôtelier qui a confié les cuisine au Chef Philippe Mille, de la Maison Lameloise reprise par le chef Éric Pras, La maison Taillevent reprise par les frères Gardinier, du restaurant L’Oassis à La Napoule du chef Louis Outhier reprise par les frères Raimbault, …
Aujourd’hui Le Moulin de Mougins est transformé en salle de réception destiné aux évènements, la maison du chef Alain Chapel n’a pas résisté à la crise, L’Arsnbourg n’a pas su rebondir après le départ du chef Jean-Georges Klein et avant d’être vendu, … il est donc pas toujours facile perdurer un établissement étoilé lorsque le chef s’est retiré.
F&S a repéré sur le web, l’interview d’un chef sur Ouest-France qui explique clairement les questions qu’ils se posent pour leur succession … cliquez sur le link pour retrouver l’article original
Les étoilés Michelin pensent à leur succession
Michèle et Philippe Vételé sont encore à la barre de leur restaurant Anne de Bretagne, à La Plaine-sur-Mer. Mais le couple a trouvé un cuisinier qui pourrait reprendre l’affaire.
À Pornic, depuis plusieurs semaines, la rumeur enfle. L’Anne de Bretagne serait vendu. Le chef cuisinier, Philippe Vételé, aurait passé la main. Gros potin dans le milieu gastronomique local. « Et non, je suis toujours là, répond dans un éclat de rire le principal concerné. Je l’aime mon métier. Je ne vais pas m’arrêter tout de suite ! » Philippe et Michèle Vételé sont toujours propriétaires de l’hôtel-restaurant qu’ils ont bâti sur le front de mer en 1978.
Mais à respectivement 62 et 59 ans, ils réfléchissent à leur succession. Pas une mince affaire quand on a deux étoiles au guide Michelin et qu’on figure parmi les 200 meilleures tables du monde. « Une table, c’est une identité. J’ai mis dix ans à comprendre ça. Mais ce n’est pas l’identité de Michèle et Philippe Vételé, c’est celle de l’Anne de Bretagne », lance le maître des lieux.
Huîtres, homards et coquillages
Une identité tournée autour des produits de la mer : des huîtres, qu’il marie depuis peu avec du foie gras du pays de Retz ; le homard, son chouchou, auquel il dédie un menu ou encore des coquillages de la côte, cuits en marinière au thym citronné. « Petit, je venais à La Plaine-sur-Mer en vacances avec mes parents. Je partais à la pêche à pied avec mon père. Mon histoire et les produits d’ici ont forgé l’identité notre établissement. »
Pas question que son successeur se mette à mitonner du poulet à toutes les sauces. « Quand on transmet un restaurant comme le nôtre, on transmet son empreinte. Je me considère comme l’ambassadeur des producteurs locaux. Je continue de faire les marchés du coin tous les jours. Je choisis mes carottes chez l’un, mes tomates chez l’autre. C’est ça, aussi, l’identité de notre établissement. Et, pour moi, c’est important que mon successeur garde ça. »
Une 3e étoile pour le successeur ?
Les frères et soeurs de Philippe Vételé sont tous dans la restauration. Sur les neuf petits-enfants, huit le sont également. Certains travaillent auprès de grands chefs. Mais aucun n’était candidat pour reprendre l’Anne de Bretagne, ses 35 salariés et ses deux étoiles. « Je ne voulais pas les forcer. Je ne voulais pas non plus laisser mon affaire à un financier. C’est pour ça que j’ai préféré prendre le temps pour ma succession. »
En septembre dernier, c’est un heureux hasard qui l’a mis sur le chemin d’un éventuel repreneur.
Alors qu’il assiste à une réunion Relais et Châteaux à Reims, il goûte à la cuisine du second, le chef étant à l’étranger. « C’était super-bon ! Hyper précis, très fin. Je suis allé en cuisine pour le féliciter et j’ai appris qu’il était du pays de Retz ! J’ai ensuite su qu’il voulait revenir dans le coin. Il est avec nous depuis deux mois, il observe, il fait ma cuisine. Il a 35 ans, l’âge de mon fils. L’âge pour attraper la 3e étoile au Michelin ! Il en a les compétences. Une bonne connaissance des produits du terroir, une grande exigence, une cuisine très pointue. »
Entre ces deux chefs, le tuilage pourrait durer un an et demi. Michèle Vételé, sommelière du restaurant depuis 1987, devrait encore rester quelque temps pour décliner ses accords mets et vins. « Et puis quand il en aura marre de nous, on partira ! On adore sortir, on aime le golf. On a deux vignobles désormais. On ne va pas s’ennuyer ! »