© Texte et photos : Julie Limont
Je ne saurais vous dire quel bonheur ce fut de retrouver Stéphane Pitré, après l’avoir déjà croisé, au gré de shooting, reportages ou événements gastronomiques, épanoui, sourire aux lèvres et yeux rieurs, riche de son étoile, décrochée en février dernier, et de la reconnaissance qu’elle véhicule.
A les voir, tous les deux, on pourrait croire qu’ils se connaissent depuis la nuit des temps, tant leur complicité, malgré langue et culture, semble nourrie de souvenirs. Et pourtant. A 19h ce vendredi soir dernier, Stéphane n’avait encore pas eu l’opportunité de goûter la cuisine de Nicolas Lopez, alors que ce dernier n’avait découvert la signature de son hôte que quelques heures plus tôt, au fil d’un déjeuner qui aura su le ravir.
C’est là le miracle de cette génération 2.0, pour laquelle la magie des réseaux sociaux sait parfois opérer de bien belle manière, quand elle parvient à étoffer les affinités et philosophies culinaires avant même les vraies rencontres, d’autant plus et mieux si elle est épaulée d’un joli clin d’oeil résolument tangible et humain.
Beurre d’ail noir et beurre monté au mascarpone
Pour démarrer, les amuse-bouche, avec au centre un croustillant de camembert, zeste de yuzu confit
Ci-dessus : Pommes de terre frites, mascarpone et caviar osciètre et ci-dessous : Meringue à la moutarde miellée, betterave confite
Ce 4 mains n’aurait en effet jamais su exister sans l’entremise heureuse de Jacopo Ramagnoli, passé par le Louis de Stéphane, avant de se trouver à officier aux côtés de Nicolas Lopez et Sergio Meza, dans leur adresse colombienne, Villanos En Bermudas, the place to be de Bogota nommée aux 50th Best d’Amérique Latine, où le principe est de proposer une cuisine gastronomique bouleversant les codes, par des associations parfois osées et improbables, bousculant les palais tout en mettant à l’honneur la richesse des produits locaux, bien trop souvent peu usités malgré leurs grandes qualité et diversité, au travers de déclinaisons minimalistes, évoluant selon les arrivages du jour.
Profitant de la présence de Nicolas à Lisbonne, pour quelques mois de consulting dans un boutique-hôtel en devenir, le chef breton, qui a fait ses classes au Ritz London puis auprès de Jérôme Banctel, dans les cuisines du Senderens, avant de prendre la place de chef au Métropolitain, puis d’ouvrir, grâce à l’obtention du Prix Jeune Talent du Gault et Millau, son propre établissement rue de la Victoire, ne pouvait que saisir cette occasion pour proposer ce diner commun.
Une première en France pour l’argentin, pourtant globe-trotter déjà parti à la découverte des fourneaux, qu’ils soient gastronomiques ou de bistrot, d’Australie en Norvège, de NYC au Vénézuela, en passant par Santiago du Chili, où il sera convié à participer à l’ouverture du « 99 » et rencontrera Sergio Meza, son associé depuis 2016 dans la création de Villanos En Bermudas.
Pour le plus grand bonheur des convives de cette soirée hors normes, les neuf opus de cette partition inédite se succéderont dans cette même passion pour le produit et le mélange des inspirations.
Stéphane m’exprime sa profonde reconnaissance et l’immense chance qu’il se sait avoir de faire partie d’une génération de chefs, en France, ayant le luxe de pouvoir s’affranchir des codes et poids d’une culture traditionnelle gastronomique, qui pour être colossale et et d’une incroyable richesse, n’en est pas moins potentiellement intimidante voire inhibante. A l ‘image du parcours de son jeune invité, il vit sa cuisine dans la liberté de s’ouvrir à toutes les influences et confluences, dans le partage et la curiosité, comme le prouve ce dîner riche en saveurs et voyages et la
décontraction de Nicolas, malgré la justesse et la pertinence de ses plats, qui m’avouera être profondément touché et ému par la passion que met Stéphane dans le moindre de ses gestes, dans le seul but de ravir ses clients.
Heureux donc, les privilégiés qui ont su profiter de cette balade qui restera, sans nul doute, dans les mémoires.
Oeuf fumé, noisette du Piémont
Ci-dessus : Jacopo, second de Nicolas Lopez, passé par le Louis, aux côtés de Stéphane
Ci-dessus : Mooyun, de l’équipe du Louis
Agneau cru, grué croustillant
Vincent Buquet, second de Stéphane Pitré
Perle iodée aux végétaux marins
Crabe dormeur effiloché, mûres fraîches, déclinaison de shiso
Alexandre et Reynart équipiers en salle de restaurant.
Préparation du plat de foie gras
Foie gras de retour de présentation en salle
Le foie gras « Pebo », gingembre et coriandre
Ci-dessous : Mantao bun, accompagnant le foie gras
Préparation du plat de gambas
Gambas juste tièdes, frégola et kimchi sec
Turbot cuit doucement, beurre de sakura, épinards Malabar juste fatigués
Les cuisses de pigeon, fumées au fenouil sauvage, en partance pour la présetnation en salle
Pigeon de Pornic rôti, cuisses fumées au fenouil sauvage, Pink Lady confite semi-déshydratée
Piment doux glacé et cristalisé, caramel au beurre salé destructuré
Figue, sorbet pomme verte, aneth et basilic
Traoré, en charge de la plonge
Le chef Nicolas Lopez et Stéphane Pitré
Restaurant LOUIS – 23, rue de la Victoire – Paris 9ème
Villanos en Bermudas à Bogotá