Le chef multi-étoilé Yannick Alléno en appelle à la profession pour organiser les Etats généraux de la restauration, le manque de main-d’œuvre montre l’urgence qu’il y a à repenser la profession.
Le chef a diffusé une tribune sur la plateforme du quotidien LE MONDE
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Tribune. La restauration émerge de la crise due au Covid-19 dans une situation paradoxale. Privés pendant des mois de leurs restaurants, les Français ont mesuré combien cette activité qui relevait de l’évidence leur était vitale, combien ce bonheur de vivre au quotidien n’était pas une chose acquise. Mais, simultanément, au moment de la reprise, un grand nombre de salariés ont fui cette activité, de sorte que nombre de restaurants se trouvent dans la situation surréaliste de devoir réduire leur capacité d’accueil par manque de personnel. Activité plus que jamais reconnue par le pays et du même mouvement rejetée par une partie de ses membres : cette contradiction doit nous conduire, nous, professionnels, à un renouveau.
Ne gâchons pas une occasion unique de nous réinventer. Il s’agit d’abord de se débarrasser d’un passif : dureté du métier en cuisine, manque de parité, faiblesse des rémunérations, risque d’accidents de tous ordres liés aux services tardifs. S’y ajoute, plus diffus, notre retard collectif à faire évoluer les codes de la profession. Situation paradoxale car l’image de la cuisine reste au plus haut et les chefs sont des ambassadeurs reconnus du savoir-vivre français dans le monde entier : c’est en s’appuyant sur cette image qu’il convient de repenser notre métier.
Action tous azimuts
C’est une action tous azimuts qui s’impose. A l’école, en instaurant des cours de cuisine au même titre que des cours de musique ou de dessin, en enseignant les règles de la nutrition – enjeu décisif à une époque où le « mal manger » est devenu un problème de société. Dans la formation professionnelle, en enseignant la gestion d’une entreprise, une meilleure gestion des déchets alimentaires, la gestion sociale, l’attitude coopérative à l’égard des producteurs. Dans la valorisation des spécialités, tel le métier de sommelier – les vins français ont une renommée mondiale –, ainsi que le métier de salle, dont les codes de service doivent évoluer au fil des décennies. Dans le développement du marketing, qui, pour la plupart des restaurants, demeure très éloigné des techniques modernes de recherche des clients, de dialogue continu avec eux, d’usage généralisé de l’Internet, que ce soit pour leur suivi, les modes de paiement, les précommandes.
Une telle métamorphose ne peut être accomplie que par la profession tout entière. De là l’urgence de réunir les Etats généraux de la restauration, à l’image de ce qui a été fait avec succès dans plusieurs domaines de la vie collective. Ils devraient bénéficier de la présence de la profession telle qu’elle est aujourd’hui – patronat et syndicats –, des consommateurs, des producteurs de denrées, de spécialistes de la santé et, bien sûr au premier chef, de l’Etat, dont le rôle est cardinal pour la mise en place des mesures ultérieures.
Je suis convaincu que nous, chefs, ambassadeurs de la qualité de vie à la française, nous serons au premier rang de ce travail en nous réunissant autour d’un comité de réflexion puis en mettant en place les décisions qui en résulteront.
Yannick Alleno
Voir les commentaires (1)
Plutôt surprenant pour un chef qui "avait" la mauvaise réputation d'être un tyran en cuisine en bafouant les régles, en infligeant des violences aux personnels en place chez Ledoyen à son arrivée. Malheureusement la profession paie pour des années d'impunité.....