À lire ci-dessous ou en cliquant sur ce LINK
Dans les cuisines du G7 de Biarritz, le chef de l’Elysée Guillaume Gomez prépare un dîner de gala pour 16 chefs d’Etat. Christophe Bacquié, trois étoiles au Michelin, avait cuisiné pour Emmanuel Macron et Xi Jinping en mars. Il explique au JDD l’importance de faire rayonner la gastronomie française au travers des rendez-vous diplomatiques.
Emmanuel Macron continue de faire appel aux plus grands représentants de la gastronomie française pour faire honneur aux chefs d’Etat étrangers. Après avoir demandé à Arnaud Donckele, chef 3 étoiles dans le Var, de cuisiner pour Vladimir Poutine au Fort de Brégançon, le Président a convoqué Alain Passard pour le dîner officiel avec le Premier ministre indien Narendra Modi, jeudi soir au Château de Chantilly. Mais, pour les trois jours de G7 à Biarritz et surtout le dîner de gala qui réunira dimanche soir 16 chefs d’Etat, le chef de l’Elysée Guillaume Gomez sera aux commandes.
Christophe Bacquié, 3 étoiles au guide Michelin, s’est récemment essayé à l’exercice : le chef du restaurant de l’Hôtel du Castellet, dans le Var, a réalisé un dîner pour le chef d’Etat chinois Xi Jinping à l’occasion de sa visite d’Etat, fin mars dernier. Il revient pour le JDD sur cette expérience.
Vous avez récemment fait à dîner pour Emmanuel Macron et Xi Jinping. Aviez-vous l’impression de participer à la diplomatie de la France?
Je n’ai pas forcément l’impression d’avoir fait de la politique, mais la gastronomie française participe au rayonnement de la France dans le monde. Et c’est important qu’un chef d’Etat, en visite officielle, puisse en apprécier toute la richesse.
C’est important pour nous de pouvoir faire découvrir notre cuisine de terroir aux plus grands de la planète
Y a-t-il une pression particulière à cuisiner pour un chef d’Etat étranger?
J’étais accompagné par Guillaume Gomez, le chef de l’Elysée, et il nous a bien mis à l’aise. Il connaît ça par cœur et cela m’a permis d’aborder ce dîner pour les couples présidentiels français et chinois avec confiance. C’est en rentrant le soir chez moi que j’ai réalisé l’honneur d’avoir réalisé ce repas. Honneur et fierté partagés avec mes équipes, bien sûr.
Vous a-t-on imposé des conditions particulières pour ce dîner officiel?
La seule condition était le timing serré : 45 minutes. C’est là que Guillaume Gomez a été très important car il nous a permis de tenir les délais même si, en définitive, la soirée a duré plus longtemps car les couples présidentiels ont profité des lieux, la ville Kérylos, spécialement mise à disposition de l’Etat pour l’occasion. Mais nous avons surtout une chance : nous ne faisions à manger que pour quatre personnes. Quatre couverts à faire et nous étions quatre : je ne vais pas dire que c’était facile mais nous avions pu peaufiner sans stress nos plats.
A l’inverse, aviez-vous pu imposer vos conditions?
Je ne souhaitais faire que ma cuisine, celle que je produis avec mes équipes de l’hôtel du Castellet. J’avais amené mes assiettes, mes produits et le principe, c’était de toute façon de reproduire ce que je fais dans mon restaurant. C’est ce que cherchait aussi l’Elysée quand ils m’ont contacté. Que ce soit le président américain ou un client lambda ne change rien : s’adapter, c’est notre métier
Certains dirigeants ont des régimes, des habitudes alimentaires, tel Donald Trump qui veut boire du soda. Est-ce compliqué de s’adapter aux clients, a fortiori prestigieux?
Que ce soit le président américain ou un client lambda ne change rien. S’adapter, c’est notre métier et on le fait tous les jours. Jeudi soir, sur quinze tables, la moitié avait une particularité, comme une allergie à un produit ou autre. Être cuisinier, c’est faire à manger pour les gens. Et pour faire ce métier, il faut aimer les gens, chercher à leur faire plaisir.
Comme vous le disiez, le dîner a été servi dans la villa Kérylos, une résidence du début du 20e siècle qui reproduit une villa grecque antique. Emmanuel Macron invite souvent les invités de marque dans des lieux d’exception qui ne sont pas toujours adaptés pour y manger. Cela vous a-t-il posé des problèmes pratiques?
J’aurais eu 30 couverts, cela aurait été très compliqué. Là, je n’en avais que quatre. Après, c’est vrai qu’il n’y avait pas de cuisine et que nous avons utilisé une petite cuisinière au gaz, avec une plaque à induction et un four qu’on avait loué pour l’occasion. Mais, encore une fois, s’adapter pour quatre couverts, ça n’a rien d’insurmontable. C’est parfois plus compliqué de recevoir des amis chez soi!
Le chef Guillaume Gomez va cuisiner pendant trois jours à Biarritz, pour une vingtaine de dirigeants dont certains sont parmi les plus puissants de la planète. Est-ce un défi que vous pourriez relever?
Faire à manger pour un, deux, dix ou vingt chefs d’Etat, ça ne change rien : nous travaillerons de la même manière, avec la même passion. La pression n’est pas plus importante. En revanche, c’est important pour nous de pouvoir faire découvrir notre cuisine de terroir aux plus grands de la planète. Car, avec notre cuisine, ce sont des producteurs, des économies locales que nous défendons.
Si vous aviez été aux commandes du dîner de gala du G7, quels produits auriez-vous aimé faire découvrir?
Je suis très attaché aux produits de ma région, des produits méditerranéens. Pour Xi Jinping, j’ai valorisé l’huile d’olive, la favouille [un petit crabe vert, NDLR] ou encore les asperges de Sénas (Bouches-du-Rhône). Pour rester dans les produits de saison, puisque nous sommes fin août, j’aurais fait un plat autour d’une fleur de courgette farcie.
Vous avez déjà cuisiné pour l’Etat, au ministère de la Défense…
Quand j’ai fait l’armée, j’ai été rattaché à ce ministère sur le site de La Tour-Maubourg [adresse du secrétariat général du ministère de la Défense à Paris, NDLR]. J’y ai cuisiné pendant dix mois pour les hauts gradés. On était une brigade de jeunes motivés et passionnés. Il y avait Eric Pras, aujourd’hui chef trois étoiles à la Maison Lameloise en Bourgogne, Christophe Paucod, qui a un restaurant 1 étoile au Japon, ou encore Christophe Raoux, chef du Peninsula à Paris. C’était très enrichissant, car notre passage au ministère nous a permis d’expérimenter et d’échanger.
Auriez-vous pu être chef de l’Elysée?
Je ne me suis jamais posé la question. C’est un poste et une responsabilité qui sont extrêmement intéressants, mais je ne me suis jamais imaginé cette situation.