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C’est un morceau de l’histoire coupé au montage. Un instant suspendu, une petite heure de répit au cœur des deux jours les plus intenses de leur vie sportive. Le 13 juillet 1998, quelques heures après avoir battu le Brésil (3-0) et fait chavirer tout un pays, des champions du monde ont débarqué dans les cuisines du Ritz , place Vendôme à Paris. Affamés, épuisés, ils ont partagé une heure de leur bonheur avec la brigade du restaurant L’Espadon , alors dirigé par le Lorrain Michel Roth.
La veille, rien ne laissait présager d’une telle surprise dans les cuisines feutrées du palace parisien. Certes, l’événement avait déjà plongé le pays dans l’irrationnel. Le Ritz , aussi. Dans un monde où le hasard n’a pas sa place, Roth avait fait une petite entorse au réglement : « J’avais laissé le personnel installer deux télés, pour qu’il puisse profiter de la finale. On avait décoré la cuisine, il y avait des drapeaux un peu partout. On regardait entre deux assiettes mais je n’ai pas pu voir grand-chose. » Toute la nuit, Paris se transforme en fête mais c’est le plus normalement du monde que Roth revient dans ses cuisines le lendemain matin, pour préparer le service de midi. Jusqu’à ce que le maître d’hôtel vienne l’interrompre, en milieu de matinée : « On était attablé, en train de manger. Et là, il m’annonce qu’il faut préparer quelque chose car des joueurs de l’équipe de France s’apprêtent à arriver et ont très faim. » Tout le monde pose alors ses couverts. Branle-bas de combat sous la place Vendôme. Comme il n’a que quelques minutes devant lui, Roth improvise et, comme souvent, s’inspire de sa Lorraine natale : « On a fait au mieux : des petites réductions, avec du foie gras et de la confiture de mirabelle, des quiches, des pâtés lorrains… »
Vingt minutes plus tard, les héros débarquent au compte-gouttes. Nuit blanche, lunettes noires. « Je suis allé vers eux, tout de suite, pour les féliciter », se remémore le Mosellan. « Tout le monde n’était pas là, mais je me rappelle qu’il y avait Pirès, que je connaissais un peu depuis son passage au FC Metz, Laurent Blanc, Fabien Barthez et, bien sûr, Zinédine Zidane. » À l’époque, les téléphones ne servent pas encore d’appareil photo mais certains arrivent à immortaliser le moment. Zizou se prête au jeu de bonne grâce et est, déjà, la star que tout le monde veut féliciter. « Ils étaient souriants, très sympas, m’ont dit qu’ils avaient voulu venir au Ritz car ils se souvenaient d’y avoir déjà bien mangé, c’est plutôt une fierté pour moi ( rires ) », relève le chef triplement étoilé. « Mais je les sentais ailleurs, comme hypnotisés. Je crois qu’ils ne se rendaient pas encore compte de l’exploit qu’ils venaient de réaliser. »
En coulisses, le sommelier revient de la cave avec quelques belles bouteilles. Du champagne et du Saumur que les joueurs partagent avec le personnel. « On a trinqué ensemble et ils sont repartis très décontractés. » Descendre les Champs-Élysées pendant que le service de midi, lui, pouvait reprendre…