EXTRAITS –
Bertrand Grébaut est l’un des chefs les plus convoités de sa génération. A seulement 35 ans, le cuisinier est déjà à la tête du restaurant étoilé Septime, à Paris, également classé 35e meilleur établissement du monde au dernier classement World’s 50 Best.
Pourtant, Bertrand Grébaut n’était pas vraiment destiné à une carrière dans la gastronomie. Avant d’officier derrière les fourneaux, le jeune homme est passé par une école d’art avant de s’orienter vers le graphisme. Mais désireux de faire autre chose de ses dix doigts, il a finalement repris le chemin de l’école en intégrant Ferrandi, à Paris, avant d’enchaîner les expériences chez Bernard Pineau, Joël Robuchon, Alain Passard et les cuisines de l’Agapé.
Après avoir travaillé dans les plus grandes maisons de la gastronomie française, Bertrand Grébaut est parti en Asie pour découvrir de nouvelles expériences culinaires, avant de revenir en France en 2010 pour ouvrir le Septime en 2011, clin d’oeil au patron tyrannique incarné par Louis de Funès dans Le Grand Restaurant.
Et malgré le cadre peu conventionnel du restaurant – il se situe dans l’Est parisien, les nappes sont inexistantes et les serveurs sont en baskets – Bertrand Grébaut a décroché sa première étoile au Guide Michelin en mars 2014.
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Comment définiriez-vous votre cuisine ?
C’est une question qui revient souvent mais qui reste toujours aussi difficile pour moi. Ma cuisine évolue au fil des années mais je dirais qu’elle est avant tout durable, très axée sur le végétal, à la fois contemporaine et très empreinte des traditions françaises. Pour Clamato (son 2e établissement consacré aux produits de la mer et collé au Septime), je dirais que la trame est similaire : une cuisine responsable, assez brute, fraîche, également contemporaine avec de belles marques de traditions, mais peut-être un peu plus ouverte sur le monde.
Pourquoi avoir eu envie d’ouvrir cette seconde adresse ?
Souvent, quand on multiplie les adresses, c’est parce que l’opportunité se présente. Là, il y avait ce local juste à côté et on avait envie d’un nouveau terrain de jeu mais il y avait un problème d’extraction car avant c’était un garage et on s’est demandé ce que l’on pouvait faire sans chaleur. Un bar à huîtres ? Du poisson cru ? Et finalement on a trouvé des solutions pour cuisiner un peu plus et on a étoffé la carte. On a aussi eu cette envie de sortir du menu unique comme on le fait au Septime. On voulait une carte où les gens pouvaient piocher. Ce sont deux façons de manger différentes malgré une philosophie commune.
Vous êtes étoilé depuis 2014 et actuellement 35e au classement World’s 50 Best. Quelle importance accordez-vous à ces classements ?
Tout d’abord c’est très encourageant pour l’équipe. C’est porteur pour les jeunes cuisiniers qui travaillent avec nous. Nous n’en avons jamais fait un but mais c’est quand même une fierté. Avoir une étoile dans l’Est de Paris, avec des serveurs en baskets, des tables sans nappe, c’est bien car ça prouve que lorsqu’on est compétent et dévoué, on peut faire une cuisine de haut niveau sans correspondre à tous les codes attendus par le Guide Michelin. Il y a d’autres restaurants du même type étoilés dans le monde, mais en France c’est plus rare. J’ai l’impression que les inspecteurs sont un peu moins rigides à l’étranger. Ici, on a un patrimoine parfois lourd à porter.
Le 50 Best c’est encore autre chose. Les critères sont différents. On peut critiquer cette liste mais je trouve qu’elle est assez ludique et je pense qu’elle est tout de même intéressante car elle donne une photographie du paysage gastronomique à un instant T. Et on ne va pas se mentir, ce genre de classement est aussi bon pour le business car il nous fait connaître, aussi bien en France qu’à l’étranger. Mais on essaye toujours de prendre tout cela avec un peu de distance car on sait que ça se joue à pas grand chose.
Vous avez également obtenu Sustainable Restaurant Award (prix du développement durable) aux 50 Best…
Oui et je dirais que cette récompense était même presque plus importante pour nous que le classement en lui-même. Cela fait 6 ans qu’on essaye de travailler avec le plus d’éthique possible, on est très investis sur le sourcing, les énergies, le traitement du personnel, etc. On savait qu’en expliquant vraiment tout ce que l’on faisait on avait la possibilité de remporter ce prix. C’est une grande fierté car il faut bien comprendre que dans une ville comme Paris on ne nous donne pas vraiment les moyens d’améliorer ce genre de conditions.
Justement, comment faites-vous pour avoir l’éthique la plus irréprochable possible ?
On fait beaucoup de direct avec les producteurs. On a parfois des intermédiaires comme Terroirs d’Avenir qui regroupe les producteurs de France, les pêcheurs et aussi d’autres structures qui sont juste des intermédiaires logistiques. On choisit aussi les producteurs par le bouche à oreille. …/…
Vous dites que votre cuisine est très végétale. Est-ce un héritage lié à vos années passées auprès d’Alain Passard ?
Oui c’est lui qui m’a initié. Alain Passard est une vraie inspiration pour moi. Quand je suis arrivé chez lui, je ne savais pas vraiment vers quel type de cuisine je souhaitais m’orienter et j’ai très vite compris que je souhaitais prendre le même chemin que lui. Peut-être en moins élitiste car L’Arpège n’est pas accessible à tout le monde.
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Vous êtes d’abord passé par une école d’art. Pourquoi avoir changé de voie professionnelle ?
Disons qu’à l’époque j’étais très jeune. Je ne sais pas vraiment comment mais j’ai décroché mon BAC – c’était la condition pour être tranquille – et j’étais intéressé par le graffiti à titre de loisir. Les études qui s’en rapprochaient plus était liées au graphisme mais après quelques années de pratique je m’ennuyais pas mal. Il me fallait quelque chose de plus varié et un métier où je ne restais pas derrière un écran toute la journée. Je suis venu à la cuisine parce que j’aimais manger, aller au restaurant, c’était un monde qui me plaisait. J’ai mis un pied dedans un peu par hasard, j’ai intégré l’école Ferrandi et je me suis senti très heureux tout de suite.
Est-ce qu’on retrouve ce côté artistique en cuisine aujourd’hui ?
Il y a plein de parallèles faits entre la cuisine et l’art et j’aime bien calmer les gens là-dessus. Notre vie n’a rien à voir avec celle d’un artiste. …/…
Vous êtes jeune, talentueux… On vous a déjà proposé de participer à des émissions de télévision ?
Oui, en tant que candidat et en tant que jury, mais ça ne m’intéresse pas. C’est du divertissement, ce n’est pas fidèle à ce qu’est vraiment le métier. J’ai d’ailleurs lu une interview de Michel Troisgros qui disait qu’il n’accrochait pas trop avec ce genre de programme parce que les candidats couraient tout le temps, ce qu’on ne fait jamais dans la réalité, c’est interdit et ce n’est pas comme ça qu’on gagne du temps. On gagne du temps en apprenant les bons gestes et en étant organisé, mais surtout pas en courant ! Il faut prendre ça comme du divertissement mais je pense que ce genre d’émissions donnent parfois envie aux gens de faire notre métier pour les mauvaises raisons.
Justement, que diriez-vous à un jeune qui souhaite devenir cuisinier après avoir vu Top Chef ?
Je lui dirais que s’il veut vraiment faire de la cuisine et aller loin dans ce métier il faut rapidement travailler pour comprendre la réalité des choses. C’est beaucoup de travail et de rigueur.
Avez-vous de bonnes adresses parisiennes à nous recommander ?
Le Servan qui est pour moi le meilleur bistrot du moment, avec une cuisine singulière et métissée. …/…
Avez-vous des projets à venir ?
Avec Théo, mon associé, on a envie d’une nouvelle adresse. …/…
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