Alain Ducasse : mon travail c’est « identifier les talents en devenir, de faire des castings judicieux et de leur permettre de bénéficier de mon expertise. »

Le chef Alain Ducasse était en ce début de mois à Monaco pour célébrer le lancement de La LISTE Méditerranée – à cette occasion le chef a accordé une interview au quotidien Nice Matin.

Chevelure immaculée et costume gris perle, Alain Ducasse est aussi à l’aise dans l’atmosphère feutrée et raffinée du Louis XV, que dans « l’aquarium ». Ce réceptacle privatif intégré à la cuisine, où l’on bivouaque à l’abri des coups de feu, tout en observant l’effervescence alentour. C’est en ce lieu que l’on retrouve cet esprit en perpétuelle ébullition, homme de passion et d’action (qui avait obtenu une troisième étoile à 33 ans, 33 mois après l’ouverture du Louis XV), au lendemain de sa nouvelle consécration par La Liste Méditerranée à Monaco. Interview.

Que vous inspire ce prix récompensant votre carrière, la transmission et le rayonnement de votre héritage?Il récompense le début de ma carrière! Trente-cinq ans de métier, ça n’est rien, je suis au commencement. Il me reste au moins autant à faire.

Résolument ancré dans le présent et l’avenir?C’est pour cela que je m’entoure de jeunes collaborateurs, et que je fais « l’aggiornamento » permanent. Je dois porter la vision de là où on est, de là où on doit être. C’est cela, mon travail. D’identifier les talents en devenir, de faire des castings judicieux et de leur permettre de bénéficier de mon expertise. Pour anticiper le goût de demain.

La notion de transmission est primordiale à vos yeux?Je peux me consacrer à autre chose, une fois que j’ai transmis! Lorsque j’ai estimé que je pouvais partir à Paris, Franck Cerutti est resté au Louis XV, il a formé des jeunes qu’on a placés partout dans le monde. L’idée c’est d’avoir cette mécanique permanente, afin de faire rayonner notre goût méditerranéen, qui est unique, à l’international. On formate ce goût chez nos collaborateurs et collaboratrices, qui gardent en tête la règle, la méthode et la discipline.

À l’instar de Sébastien Sanjou du Relais des moines aux Arcs, ou de Benoît Witz, le chef de Jardin secret, à Cotignac, tout juste honoré d’une étoile verte?Benoît Witz était là à l’ouverture du Louis XV, en effet. Et Sébastien qui a passé dix ans à nos côtés est dans l’esprit culinaire de ce que nous portons. Par capillarité, et par échanges, il fait partie des jeunes talents.

Vous diffusez aussi ce savoir-faire via vos livres et vos écoles en France, en Inde ou ailleurs?Exactement, nous avons un livre en cours d’écriture, « Monaco-Paris-Londres ». Ce que je veux démontrer, c’est qu’à partir d’un apprentissage commun, sur un même terroir, chaque chef peut affirmer sa personnalité. Développer une cuisine différente, en harmonie avec le lieu, tout en étant dans une saine émulation avec ses pairs.

Comment évolue cette naturalité que vous défendiez déjà en 1987?Vers l’utilisation restreinte de protéines animales. En moindre quantité, de meilleure qualité. Il n’y a quasiment plus de sucre, ni de gras. Petit à petit, tout le monde s’est approprié ce goût juste du végétal, est entré dans cette vision durable, éthique, on est dans une cuisine bonne à penser avant d’être bonne à manger. Je crois beaucoup aussi en la mixologie.

Quid de la cuisine du futur?C’est ce sur ce quoi nous nous pencherons lors d’un colloque en septembre organisé par la Fondation du prince Albert. Afin de fédérer un groupe signataire d’une charte pour une vision de chefs acteurs d’une cuisine précautionneuse de la santé de ses consommateurs et de la planète. En espérant faire tache d’huile d’olive!

Les premiers prix spéciaux de La Liste consacrés à la Méditerranée ont distingué plusieurs adresses à Monaco et dans les Alpes-Maritimes. Notamment la cheffe du Monte-Carlo Beach au Cap-Martin, Mélanie Serre ou le chef Bruno Cirino à La Turbie. Ainsi que La Chèvre d’or à Èze et Le restaurant des rois à Beaulieu-sur-Mer. La Principauté de Monaco a pour sa part été consacrée Prix de la nouvelle destination gastronomique. Outre le chef Emmanuel Pilon, de nombreux anciens élèves du Louis XV ont par ailleurs participé à l’événement, parmi lesquels Elena Arzak (à la tête du restaurant Arzak, à Donostia, en Espagne) Jean-Philippe Blondet (Alain Ducasse at the Dorchester à Londres) Massimo Bottura (Osteria Francescana à Modena en Italie), Amaury Bouhours (Le Meurice Alain Ducasse à Paris) Franck Cerutti (Ancien chef du Louis XV) Adrien De Crignis (La Bastide de Moustiers) Dominique Lory (Hôtel de Paris Monte Carlo) Vincent Maillard (Lily of the Valley à La Croix-Valmer) Nicolas Pierantoni (Hostellerie de l’Abbaye de La Celle) ou encore Clare Smyth (CORE by Clare Smyth à Londres).

Publication connexe