MICHEL GUERARD vient de nous quitter à 91 ans – Disparition d’un monument de la cuisine française

MICHEL GUÉRARD, monument de la scène gastronomique, vient de nous quitter à 91 ans. Une vie de talent, d’élégance, d’amour, de malice et de cuisine. Il a installé avec sa femme et ses filles le bonheur et le bien-être dans les prés.  » Je suis comme un enfant qui s’amuse à cuisiner « confiait-il il y a quelques années. Jusqu’au bout Michel Guérard a joué d’humour et de talent , d’audace et d’élégance ! 

Le grand chef Michel Guérard, le plus ancien chef triplement étoilé de France pour son restaurant Les Prés d’Eugénie, à Eugénie-les-Bains, vient de nous quitter, presqu’en même temps qu’un autre grand seigneur, Alain Delon. D’ailleurs n’avait-il pas vu danser le Samourai dans son premier restaurant où se croisaient en toute courtoisie truands, acteurs, musiciens heureux de s’encanailler dans un restaurant étoilé, perdu en banlieue parisienne !

C’est avec émotion et chagrin que nous nous souvenons d’un moment délicieux d’affection et d’émotion, de rires et de confidences, il y a un peu plus d’un an lors d’une partie de campagne au Domaine de Primard. A l’invitation de fondateurs du Coeur des Chefs,  Anne et Jean-Philippe Garabedian, nous étions quelques-uns à nous retrouver,  en cette belle adresse.  Retrouvailles entre talents, échanges, réflexions, confessions et… pique-nique entre passionnés, durant deux jours nous avions fêter les 90 ans de Michel Guérard. 

Michel Guérard lors de ses 90 ans au Domaine de Primard – à l’arrière Marie-Ange Chiari ( Food & Sens )

Comme dans tout anniversaire, les conversations font revivre des souvenirs et des émotions. Les 90 ans de Michel Guérard n’ont pas échappé à cette tendre règle. Le chef élégant, alerte, amoureux de la vie et de la cuisine, a fêté cet anniversaire un nombre indéfini de fois, en famille, entre amis, chez lui, ici et ailleurs et au Domaine de Primard, entre Eure et Normandie, le temps d’un délicieux week-end furieusement bucolique, placé sous les signes de l’amitié, des confidences et la douceur de vivre. Des bougies soufflées, des coupes de champagne levées, des happy birthday repris en coeur par le bataillon de chefs heureux de célébrer ce jour de fête avec ce chef qui reste un exemple pour tous, pour les chefs mondialement reconnus comme pour les petits nouveaux en quête de gloire, de célébrité.

Le salon bruisse joliment de voix feutrées. Le soleil éclaire le Jardin, ambiance délicate, on se croirait à… la campagne. Restaurateurs, chefs se retrouvent avec plaisir, curieux d’échanger leurs impressions. Café et délicatesses. C’est confortablement installé face au micro d’Anne Garabedian et à deux pas de son complice Alain Ducasse que Michel Guérard est revenu sur sa vie partageant avec délicatesse, malice et émotions des souvenirs. Des souvenirs, il en a comme des rencontres étonnantes, surprenantes, avec les mafieux ou plus romantique avec la belle qui allait devenir son épouse et le suivre toute sa vie pour le meilleur.

C’est ainsi entre confessions et souvenirs que nous avons pu dresser un portrait de Michel Guérard, chef au long cours qui, contre vents et marées, a conservé ses trois étoiles décrochées en 2017. Nous écoutions tous avec attention Michel Guérard égrener ses années de vie, des 90 années dont 75 passées en cuisine, à créer, goûter, encore et encore des recettes.

Les confessions se déroulent  comme dans un film avec des séquences et des dialogues, un premier rôle, des seconds rôles, une belle jeune femme, des figurants et des amis. Action ! La scène se passe en Normandie. Traveling avant. Lumière clair-obscur qui voit se réveiller les souvenirs d’enfance de Michel Guérard, le génie de la « cuisine minceur »,  en bocage normand,  pas très loin de ce domaine. De sa Normandie natale aux Landes de son coeur, le chef a connu bien des vies, enfance dans une famille de boucher-éleveur, apprentissage dans … la boulange. Il se rêvait curé ou comédien, conteur ou médecin… Le jeune Michel vit la guerre, le coeur de la guerre qui touchait les plages et campagnes normandes et obligeait les habitants à faire preuve d’ingéniosité pour se nourrir et survivre. il fera ses premiers pas culinaires dans une pâtisserie de la banlieue parisienne, à Mantes-la-Jolie précisément, avant d’entrer au Lido en 1958, comme pâtissier, partir au service militaire, entre au Crillon, passe le concours du Meilleur Ouvrier de France, vit de folles années au Lido. Il avouera avec malice : « Je vivais cette vie avec gourmandise, j’étais heureux comme tout de ce que je faisais ». Suivent les années loufoques où les amis de Michel Guérard sont des danseuses du Lido, des bandits certes d’honneur, des braqueurs des parrains et des connus et inconnus aimant la vie, la fête avec excès et désinvolture. Il achète aux enchères un bistrot en très mauvais état, qui devient son premier restaurant le Pot au feu à Asnières où s’attablent les truands du coin. Il décroche une puis deux étoiles ! Les clients affluent, curieux de découvrir ce chef connu et celle nouvelle cuisine, en banlieue. Ses parents s’inquiètent, il n ‘est ni fiancé, ni marié… Le destin veille…

Christine et Michel Guérard

 Sa rencontre avec Christine. Un coup de coeur suffit pour changer la vie du chef. La rencontre avec Christine, jeune fille de bonne famille, fille du fondateur de la Chaine thermale du Soleil, Adrien Barthélémy,  et la mise en scène de la nouvelle cuisine née dans les années 1970, cuisine minceur, cuisine santé. Christine Guérard est indissociable de la carrière de Michel. En 1974 ils prennent ensemble la route du sud, gagne les Landes. ils s’installent dans un « établissement perdu au milieu de nulle part, dans une station  thermale ». A Eugénie-les Bains, à deux, ils ont construit, leur vie durant, sans ménager leur peine et avec un goût très sûr ce qui est devenu le domaine enchanté que sont les Prés d’Eugénie. Ils sont aussi à l’origine du concept formidable de la Cuisine Minceur et ont été essentiels dans la promotion du Thermalisme en France. Leur influence est immense et Christine fut une pièce indispensable de cette réussite à laquelle elle a consacré jusqu’au bout toute son énergie. Ils partageaient le goût de l’esthétisme, l’harmonie champêtre, la sensibilité, le beau et le bon avec l’une des meilleures cuisines nées de l’esprit de Michel Guérard qui a su jouer d’audace et de différences  pour composer les assiettes les plus saines, servies dans les restaurants de ces maisons aux pierres chauffées par le soleil, vignes vierges qui s’entrelacent, des voûtes, des piliers, des couloirs étroits, des escaliers.

Aujourd’hui, Michel et Christine sont partis. Leurs filles Eléonore et Adeline ont replis le flambeau. dans le respect et la mémoire des concepts de leurs parents, elles on développe la maison familiale avec des  établissements où elles proposent détox, jeûne, pour détoxifier, purifier, régénérer, délester le corps et l’esprit de substances toxiques et d’idées négatives, pour raisons médicales ou tout simplement pour se faire du bien, chouchouter son corps et son esprit, nettoyer, éliminer, purifier, recharger son organisme et ses pensées de bonnes et belles ondes, se retrouver… Elles invitent à faire le voeu d’un retour aux Sources et aux racines, de faire un retour sur soi-même et ses évidences, retrouver la terre, un retour à l’être en oubliant le paraitre, de vous évader pour vous retrouver.

Comme le disait Anne Garabédian « On a tous quelque chose d’ Eugénie-les Bains »  et nous pleurons un très grand chef disparu.

Michel Guérard en dates

1933 : naissance à Vétheuil (Val-d’Oise), puis enfance en Normandie.
1956 : chef pâtissier de l’Hôtel de Crillon (Paris).
1958 : sacré Meilleur Ouvrier de France. Entre au Lido.
1961 : rencontre Paul Bocuse, qui deviendra le leader de la bande de chefs à l’origine de la nouvelle cuisine française.
1965 : ouvre son premier restaurant, Le Pot-au-feu, où il obtient une étoile Michelin (1967), puis une seconde en 1971.
1974 : épouse Christine Barthélémy, avec qui il s’installe à Eugénie-les-Bains.
1976 : écrit « La Grande Cuisine minceur », vendu à plus d’1 million d’exemplaires dans le monde.
1977 : obtient une troisième étoile Michelin aux Prés d’Eugénie.

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