À l’occasion de la finale française du San Pellegrino Young Chef 2024, organisée par Nestlé Waters, cinq figures de la gastronomie française se sont réunies pour réfléchir à la notion de transmission dans leur métier. Cette conférence, orchestrée en marge de la compétition, réunissait Alexandre Mazzia, Alan Geaam, Manon Fleury, Guillaume Sanchez et Christophe Pelé — chacun porteur d’une vision singulière sur la cuisine et ses enjeux. Au-delà des techniques et de la passion pour les produits, ces chefs ont partagé une perspective où la transmission devient un acte de résistance face aux défis économiques, sociaux et culturels qui pèsent aujourd’hui sur la gastronomie.
Un Engagement Face aux Défis de la Modernité
Alexandre Mazzia, le chef marseillais triplement étoilé, a ouvert la discussion en soulignant que la cuisine est « un langage avant tout », où chaque membre peut s’émanciper en proposant ses idées cependant la démarche de création reste très personnelle ! « La transmission ne consiste pas à imposer une vision figée, mais à permettre à chacun de trouver sa voix », explique Alexandre Mazzia. Dans un monde où la standardisation menace l’authenticité culinaire, Alexandre Mazzia prône une forme de transmission qui valorise l’expression individuelle, même dans un cadre de haute exigence.
Transmettre une Identité, pas des Techniques
Pour Alan Geaam, chef autodidacte d’origine libanaise, la transmission va au-delà des compétences techniques : elle doit être le reflet de l’identité. « J’ai appris à travers mes erreurs et mon parcours atypique, et c’est ce que je souhaite transmettre : la liberté de rester soi-même », explique Alan Geaam. Dans sa brigade, il encourage chaque jeune cuisinier à explorer ses racines, convaincu que les influences culturelles sont un atout, et non un obstacle. Dans un secteur où l’homogénéité reste la norme, Alan Geaam milite pour une cuisine qui porte les empreintes uniques de ses créateurs.
Le Respect du Produit et de l’Humain : une Éthique Partagée
Manon Fleury, l’une des voix émergentes de la scène culinaire française, a centré son propos sur une approche respectueuse, autant envers le produit qu’envers les personnes. « J’ai appris à désapprendre », dit-elle, « à questionner les habitudes pour ne garder que ce qui fait sens. » Pour Manon Fleury, la transmission n’est pas une simple formation technique, mais un engagement quotidien envers des valeurs. Elle dénonce un milieu où la pression et la compétition éclipsent parfois le respect des équipes et prône, au contraire, une culture d’entraide et de bienveillance : « Dans ma cuisine, chacun doit avoir le droit à l’erreur pour apprendre. »
La Psychologie au Service de la Transmission
Guillaume Sanchez voit la transmission comme un processus qui dépasse largement l’apprentissage technique. Selon lui, être chef, c’est aussi être « un peu psychologue », capable de comprendre les défis émotionnels que rencontrent les jeunes en cuisine. « La cuisine est un sport d’équipe où l’on fait face à des épreuves quotidiennes », affirme-t-il. Guillaume Sanchez adopte une approche psychologique pour accompagner ses équipes, car il estime que la performance ne peut se réaliser qu’au sein d’un collectif soudé, où les tensions sont gérées, et où chacun peut s’exprimer sans crainte.
L’Audace et la Déconstruction : la Transmission par la Remise en Question
Christophe Pelé, chef au caractère affirmé, défend l’idée d’une transmission fondée sur la remise en question des acquis. Pour lui, chaque jeune chef doit se sentir libre d’explorer des sentiers nouveaux, même au prix d’erreurs. « La cuisine, c’est d’abord une aventure personnelle » dit-il. Christophe Pelé incite ses apprentis à bousculer les traditions et à ne pas craindre de décevoir : « Transmettre, c’est permettre à l’autre de penser autrement, de déconstruire pour reconstruire. » Christophe Pelé prône ainsi une forme de transmission qui invite à l’audace, à l’expérimentation, et au dépassement des normes établies.
La Transmission : Un Acte de Résistance Culturelle
Cette conférence a permis de mesurer l’étendue des défis auxquels font face ces chefs, engagés dans un métier en perpétuelle transformation. Pour eux, transmettre n’est pas un geste anodin : c’est un acte de résistance contre la standardisation, une lutte pour préserver l’authenticité, l’identité et les valeurs humaines. En partageant leurs expériences et leurs méthodes, Alandre Mazzia, Alan Geaam, Manon Fleury, Guillaume Sanchez et Christophe Pelé font plus qu’enseigner des techniques : ils redéfinissent la gastronomie comme un acte d’engagement, de respect et d’ouverture. Dans un monde où la pression des coûts et l’accélération des rythmes pèsent de plus en plus sur le secteur, leur message résonne comme une invitation à réinventer la cuisine — non pas comme un simple service, mais comme un art et un héritage à protéger.
En clôturant cette conférence, ces cinq chefs ont montré que la transmission dans la gastronomie va bien au-delà du simple transfert de savoir-faire. Elle se révèle être un acte profondément humain et résilient, un espace de partage où l’identité de chacun trouve sa place dans la création collective. Mazzia, Geaam, Fleury, Sanchez et Pelé réaffirment que, face aux défis économiques et sociaux, l’essence de la cuisine réside dans l’engagement et la solidarité, dans la capacité à former des générations futures en les armant de techniques, certes, mais aussi de valeurs. Dans un monde où la rapidité et l’efficacité tendent à primer, ces chefs posent la cuisine comme un acte de résistance, un moment de rencontre qui célèbre la diversité, la bienveillance et l’audace.