Gastro-Business – le magazine Vanity Fair a enquêté sur la prise de possession des restaurants de la Tour Eiffel par les chefs Marx et Anton

 Gastro-Business – Hier c’était la grande journée de la rencontre annuelle du Collège Culinaire de France et soirée d l’élection du Chef de L’Année pour le magazine Le Chef, mais ce qui trottait dan spa tête des chefs c’était l’article du magazine Vanity Fair sorti avant le week-end qui relatait le feuilleton de l’été la perte de la concession de des restaurants de la tour Eiffel par le chef Alain Ducasse.

Dans les couloir à l’abris des oreilles parfois indiscrètes, il s’entendait  » as tu vu l’article de Vanity fair « ,  » Penses tu que Frédéric Anton se montrera dans la journée ? « ,  » Tu as vu Thierry Marx est sur scène non loin du chef Ducasse ! »… on sentait quand même une ambiance un peu lourde dans les couloirs en début de matinée.

Quand au chef Ducasse, lui avait l’air tout à fait serein et en pleine forme, car cette affaire même si elle a fait couler beaucoup d’encre, ce n’est finalement que du business, et dans le monde des affaires les états d’âmes et les sentiments passent après tout le reste. Sa matinée était consacrée au Collège Culinaire de France, et le soir le chef a beaucoup partagé avec ses collègues chefs.

Quoi qu’il en soit on a pas vu le chef Frédéric Anton sur aucun des évènements de la journée, par contre le chef a diffusé dans la soirée des images depuis laTour Eiffel. Un pied de nez à toute cette histoire.

Le « parrain » de la cuisine française, Alain Ducasse, n’accepte pas sa défaite face à Thierry Marx et Frédéric Anton, désormais à la tête du Jules-Verne, l’emblématique restaurant de la tour Eiffel. Charlotte Chaffanjon et Marie-France Etchegoin dévoilent les coulisses de cette guerre aussi politique que gastronomique.

Cet après-midi du 17 août, ils sont tous là, ou presque, dans la cathédrale de Poitiers, pour saluer la mémoire du patriarche des fourneaux, Joël Robuchon, qui s’est éteint à l’âge de 73 ans. Moment émouvant et fraternel. Pour marquer leur appartenance à la communauté, ils ont enfilé leurs vestes blanches, qui tranchent avec les vêtements de deuil du reste de l’assistance. La grande famille de la gastronomie française. Une centaine de chefs, tous unis dans la même confrérie. Parmi eux, Alain Ducasse et Thierry Marx qui, à la fin de la cérémonie, louent comme tous leurs collègues le « sens du collectif » enseigné par le défunt, sa « rigueur élevée au rang de grand art » au-delà des rivalités et des ambitions. Quelques heures avant d’assis­ter à cette grand-messe, Ducasse touille pourtant rageusement son cappuccino en traitant Marx de « guignol ». Devant nous, il n’a pas de mots assez durs pour dénigrer celui qu’il qualifie d’« artisan cuisinier ». C’est la première fois qu’il se laisse ainsi aller à sa colère, du moins publiquement, tandis que Marx en bon adepte du tai-chi qu’il pratique assidûment, contrôle ses émotions et nous oppose une fin de non-­recevoir. Depuis plusieurs semaines, nul n’ignore l’objet de cette bataille entre chefs. Mais qui en connaît les dessous ?

Cela fait un an que les deux hommes se disputent la tour Eiffel, ou plus exactement les deux restaurants perchés sur les poutrelles d’acier, dont l’emblématique Jules-Verne où Donald Trump est allé dîner à l’invitation d’Emmanuel Macron. Vue époustouflante, menu à pas moins de 190 euros, réservation indispensable des mois à l’avance, sauf pour les chefs d’État et les stars. Et des milliers de convives poten­tiels (sur les sept millions de visiteurs que la « dame de fer » attire chaque année). Un pactole considérable pour celui qui remplira leurs assiettes. Une vitrine irremplaçable, aussi. Une reconnaissance à dimension politique tant le monument est associé à la France. Un symbole de toute-puissance – la forme phallique du pylône métallique n’y est sans doute pas pour rien – dans le petit monde des chefs au narcissisme souvent exacerbé. Le Jules-Verne est resté dans l’escarcelle d’Alain Ducasse pendant dix ans. Mais un appel d’offres de la mairie de Paris vient de rebattre les cartes en faveur de Thierry Marx et de son allié Frédéric Anton, autre grande toque qu’« AD » – comme l’appellent ses collaborateurs – couvre également de son mépris : « Si on m’avait dit qu’on me remplaçait à la tour par Pierre Gagnaire, j’aurais compris. Mais là… » De sa voix traînante, où perce toujours une pointe d’accent du sud-ouest, il lâche : « Marx et Anton ont cinq étoiles… à eux deux. » Alors que lui en a engrangé dix-neuf dans la myriade de restaurants sur lesquels il a assis son empire. Depuis la disparition de Joël Robuchon, il détient même le record mondial de récompenses décernées par le guide Michelin. Mieux : il a réussi la prouesse de décrocher trois étoiles à trois reprises (au Louis-XV, à Monaco, au Plaza-Athénée, à Paris, et au Dorchester, à Londres).

L’affront

Tenter d’arracher la tour Eiffel à Alain Ducasse est un crime de lèse-majesté, expliquent ses proches qui, tous, nous supplient de conserver leur anonymat, comme s’ils craignaient de meurtrir un peu plus l’ombrageux AD en évoquant cette blessure d’amour-propre. Avant Marx et Anton, personne n’avait encore osé contester de manière aussi frontale la puissance et la gloire du maître. L’affront est d’autant plus mortifiant qu’il a été fortement médiatisé. Et Ducasse, as de la communication, a vu pour la première fois de sa vie fleurir des articles de presse annonçant sa probable défaite. « Mais l’histoire n’est pas finie, jure-t-il. Ce n’est que la première manche. » Puis, presque menaçant, il ajoute : « Je vais aller au bout. Thierry Marx et Frédéric Anton n’imaginent même pas le bordel que je vais mettre. » Le chef n’emploie pas ces mots à la légère. Il sait très bien la réputation de « parrain » qui le précède, même si dans la bouche de ses amis, il s’agit un compliment : Ducasse est un « guide » pour des générations de cuisiniers. Ses ennemis, eux, ne voient dans ce parrainage que la manifestation de son tempérament auto­cra­tique : c’est un « homme de clan », disent-ils. Lui-même ne s’est jamais caché de faire et défaire les carrières. Il navigue avec aisance dans de nombreuses obédiences, de la franc-maçonnerie au jury du « meilleur ouvrier de France » (diplôme très convoité qu’il a lui-même obtenu honoris causa, il y a trois ans, c’est-à-dire sans passer le concours). Au cours de sa carrière, il s’est associé avec des groupes financiers – Vivendi, notamment –, a fréquenté toutes les élites, a connu Emmanuel Macron bien avant son arrivée à l’Élysée. À 62 ans, sa philosophie est assez simple : on est avec lui, sinon on est forcément contre lui. Malheur à qui le défie. À l’entendre, l’affront qui lui a été fait ne restera pas impuni.

Les batailles qui se livrent dans les arrière-cuisines de la gastronomie tricolore n’ont souvent rien à envier aux luttes fratricides du monde politique ou à la dureté des OPA entre multinationales. On y trouve les mêmes ingrédients : des réseaux de pouvoir, des alliances qui se font et se défont, d’énormes enjeux économiques. Et bien sûr, le choc des ego. Celui de Ducasse est à la mesure de son exceptionnelle réussite.

Lorsqu’il s’empare du Jules-Verne, en 2007, personne n’aurait pu penser qu’il risquerait un jour de le perdre. À cette époque, le Landais d’origine modeste, fils d’agriculteur, qui a commencé en tant que commis à l’Hôtel du Palais, à Biarritz (« salaire, 50 francs ! ») avant de se former auprès de Michel Guérard ou de Gaston Lenôtre, est déjà un redoutable homme d’affaires qui, outre ses activités de restauration, a investi dans l’hôtellerie (la chaîne Châteaux & Hôtels Collection, rebaptisée récemment Les Collectionneurs), dans l’édition avec une centaine d’ouvrages signés de son nom, dans l’enseignement avec des centres de formation (Ducasse éducation). Son groupe compte près de deux mille collaborateurs et génère un chiffre d’affaires qui tourne autour de 40 millions d’euros. Ducasse n’enfile plus le tablier depuis longtemps, mais il a posé sa marque sur tous les continents. Au Japon, à Hong Kong, aux États-Unis, en Russie, en Angleterre, en Italie, au Qatar, à Monaco, liste non-exhaustive. En tout, une trentaine de restaurants qui, pour la plupart, le rémunèrent en redevances ou en « contrat de management ». Lui se considère comme un « directeur artistique » décidant de tout, de la décoration au menu, en passant par le personnel. De ses disciples, les « Ducasse boys », il exige fidélité et dévouement. On le respecte et on le craint. « Ducasse-couilles » – autre sobriquet, affectueux paraît-il, inventé par certains de ses amis – a son double au musée Grévin, une entrée dans le Larousse, sa place dans le hit-parade des Français les plus influents ou dans le palmarès Forbes des chefs les plus fortunés. La presse américaine l’encense. Les oligarques russes l’adorent et paient des fortunes pour ses prestations. Il n’y a qu’au Pays basque, région voisine de sa Chalosse natale, qu’en cette année 2007, il ne parvient pas à s’implanter. Trois attentats ayant frappé le luxueux « resort » desservi par hélicoptère qu’il a fait ériger autour d’une ancienne ferme non loin du village de Bidarray, il finit par jeter l’éponge et se console en partant à l’assaut de la tour Eiffel.

Maître queux de la politique

Le Jules-Verne, situé sur la deuxième plate-forme, à 125 mètres de hauteur, bénéficie déjà d’une aura légendaire grâce à son emplacement, mais l’adresse est relativement récente. Elle a été créée en 1983. Jusque-là, seule une brasserie, installée à 58 mètres du sol, après démolition des salons rococo datant de l’Exposition universelle de 1889, régalait les touristes. Lorsque Ducasse entre en scène, en 2007, les restaurants de la tour sont, grâce à une concession accordée par la mairie de Paris, sous la houlette du chef Alain Reix, adossé à l’entreprise de restauration collective Elior. Alain Ducasse, lui, est, depuis déjà plusieurs années, associé à une société qui opère dans le même secteur, la multinationale française Sodexo, propriété de la famille Bellon. Il en est même devenu le consultant. Attelages entre stars de la haute gastronomie et groupes fournisseurs de poissons panés dans les cantines. Face à Sodexo, géant mondial, Elior, au chiffre d’affaires quatre fois moins important, ne fait pas le poids. La municipalité ne renouvelle pas son contrat. La Sodexo remporte la concession pour une durée de dix ans. Et son poulain, Alain Ducasse prend possession du Jules-Verne dès le 1er janvier 2007. Son équipe ne se prive pas de raconter que les prédécesseurs ont laissé les lieux dans un état déplorable, « infestés de cafards et de souris ». Le chef Alain Reix est rapidement licencié « pour faute grave ». Il attaque aux prud’hommes et gagne son procès. Qu’importe : Ducasse et la Sodexo l’effacent comme un mauvais souvenir. Le décor du restaurant panoramique est entièrement « repensé ». Quatre mois de travaux. « Le plus bel endroit de Paris », selon son site web, rouvre ses portes le soir de Noël, le 24 décembre 2007. Murs et chaises marron et crème, assiettes blanches au graphisme épuré. Cent dix places assises, distribuées dans trois salles. Une surface totale de 330 m2, accessible par un seul ascenseur privé, situé au bas du pilier sud, où il est compliqué de cuisiner. Les flammes sont interdites, le gaz prohibé. Raisons de sécurité. Il en faut plus pour décourager Ducasse qui fait installer, sous le Champs-de-Mars, ce qu’il appelle un « laboratoire », assorti d’une cave recelant des centaines de références. Une armada de petites mains s’y activent sous la férule du chef Pascal Féraud, un « Ducasse boy » pur jus qui, dès 2009, décroche une étoile au Michelin, avec les grands classiques appris auprès de son mentor : des légumes croquants (cultivés dans le potager du château de Versailles), du chevreuil, des écrevisses, de la saint-jacques dorée, de l’agneau du Limousin, de la volaille de Bresse.

Vous avez lu 10% de cet article. La suite est à retrouver dans le numéro 62 (octobre 2018) de Vanity Fair France

Voir les commentaires (1)

  • j'ai connu, le Jules Vernes avec monsieur Alain Reix, à côté Alain Ducasse, c'est les bidasses en folie, un attrape touristes, en dessert menu à 85 euros
    un baba au rhume prix de revient 1,5 euros une honte.

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