© Photos et texte : Julie Limont
Il y a quatre ans, ce monde culinaire m’était presque inconnu. Certes, je me passionnais pour les jus, fumets, manchonnages et autres crèmes chiboust, mais j’étais bien loin de m’imaginer en côtoyer les sphères ou de m’y inscrire en tant que photographe. Et puis… et puis en un soir miraculeux, la semaine passée, je me suis retrouvée rue de Balzac, à capter un quatre mains aux côtés de l’immense Pierre Gagnaire. Privilège, honneur, ce fut également pour moi un immense bonheur.
Pour être honnête, je vais bien peu ici vous parler de cuisine, moins encore de parcours, mais assurément de l’essentiel, qui se murmure en termes d’humanité, de générosité, de sincérité et honnêteté, de modestie. Quand je demande à ce grand homme ce qui le touche, l’émeut, l’anime ou le bouleverse, il me répond avec un regard nourri d’une tendresse infinie que le talent est, certes, important, mais qu’il n’est que bien peu si dénué de toutes ces qualités humaines.
Il me conte ensuite sa rencontre avec Zaiyu, chef doublement étoilé à Tokyo, et classé 2ème meilleur restaurant d’Asie par le 50 Best, et dont le restaurant, Den, ne se situe qu’à 400m à peine du sien. « J’ai découvert quelqu’un d’extrêmement doux, d’extrêmement gentil, d’extrêmement talentueux, avec un véritable projet, une vision », et j’ajouterais que ce qui lie également ces deux chefs, outre leur cuisine audacieuse et créative, ainsi que leur plaisir à découvrir d’autres horizons, c’est cette insatiable envie de bien faire. Ce quatre mains s’est donc écrit dans l’apprivoisement de leurs deux univers, parfois bien loin l’un de l’autre, et la découverte de la cuisine décalée de Zaiyu, passionné singulier de pêche, exerçant son art en toute occasion (ce qui lui vaudra les réprimandes des forces de l’ordre lors de l’un de ses passages parisiens, alors qu’il taquinait le goujon dans la Seine), qui proposera notamment ce soir-là son fameux Dentucky Fried Chicken, servi dans une boite cartonnée et à son effigie, ou son dessert « Star comes back », illustrant l’arrivée en 2012 de sa deuxième étoile au Guide Michelin, dans des tasses logotées Starbuck. En cuisine, le service, orchestré au passe avec grand talent par le chef Thierry Mechinaud, à la tête des cuisines du restaurant, et à l’envoi par Michel Nave, MOF et bras droit de Pierre Gagnaire avec lequel il collabore depuis 37 ans, se déroulera dans une bienveillance rare et précieuse, et une attention de et pour chacun, dans laquelle la concentration saura ne jamais effacer les sourires.
Le lendemain midi, à l’heure du second acte de ces menus à quatre mains, j’ai donc eu la grande chance de passer quelques minutes à discuter avec Pierre Gagnaire, sur son invitation. J’avoue : je pourrai écouter cet homme parler pendant des heures.
De la cuisine, qui bien plus et autre qu’une passion s’écrit comme véritable et absolu moyen d’expression, dans cette nécessité, cette urgence à offrir, partager et toucher que j’ai tant pu connaître quand je dansais, et aujourd’hui encore ; de l’abnégation et de l’acharnement, également, auxquels cela conduit, quitte à s’en brûler le cœur et les ailes ; des angoisses à surmonter lorsque l’on s’écarte un tant soit peu de ses lignes, quand bien même les intuitions puissent promettre le meilleur, et des doutes, surtout, sur le sens de sa vie, sur ce point d’équilibre si fragile duquel il faut chaque jour s’atteler à ne pas trop dériver : le travail bien fait, dans toutes ses ampleur et dimensions, de la qualité des assiettes au bien être de ses équipes, de ses clients, du soin pris à ce que tous soient porteurs et passeurs des mêmes valeurs de gentillesse, attention et délicatesse.
Quelle merveilleuse rencontre ! Un immense merci à Monsieur Gagnaire pour ce temps pris à me conter, à toutes les équipes de la rue de Balzac, dont l’accueil est à l’image de ce Chef généreux, attentionné et bienveillant, ainsi qu’à sa divine épouse, Sylvie Le Bihan Gagnaire, sans laquelle rien n’eut été.
Préparation des monaka, traditionnellement garnis de confiture d’azukis, ces galettes de mochi (à base de riz) renfermeront ici foie gras et kaki séché et radis cru
Sourire complice, entre Pierre Gagnaire et Michel Nave qui travaillent ensemble depuis 37 ans
Mise en scène de la soupe de Suppon
Soupe de tortue
Thierry Mechinaud, chef du Restaurant Pierre Gagnaire, rue de Balzac
Dressage de l’oursin
L’exigence du « bien faire » et de la précision
Oursin, tourteau et crevettes grises, qui seront accompagnés d’une royale au pavot bleu
Royale au pavot bleu
Préparation du plat suivant, à base d’huîtres
Huître creuse et lard blanc de Bigorre
Après passage au four
Huître creuse grillée, lard blanc de Bigorre, terminés au four avec un jus de pomme au codre fermier
Fin de cuisson de l’accompagnement de l’huître
Champignons boutons, artichaut, haddock et truffe noire, le tout accompagné d’une infusion de cèpes
Mises en place du plat signature de Zaiyu, le Dentucky Fried Chicken
Version « Den » du KFC, le Dentucky Fried Chicken est farci de riz gluant, shizo, graines de sésame, puis frit…
… puis servi dans une boite à emporter sur un lit de foin et aromates…
… à l’effigie du chef japonais…
… et à celle du chef Pierre Gagnaire.
Fin de cuisson pour l’assiette de veau fermier
Veau fermier – quasi, caillette, rognon et cuir de veau ; oignons grelots, salsifis, figues sèches et porimarron à la cannelle ; rutabaga grillé, humus de pois chiches au curry vert
Déclinaison de fromages fermiers
Les fromages sont accompagnés par la salade Den, plat signature de Zaiyu
Salade Den, mélange de légumes crus, marinés, cuits, frits, d’herbes et fleurs
Brunoise de mangue jaune et aloé-véra, eau d’agrumes, accompagnant un croquant à la chartreuse verte
Brocciu, sorbet citron, Noccioloni
Star comes back, poire, orange sanguine, glace au sucre de canne, truffe et mousse de lait
Crémeux glacé de marron, déclinaison de cassis, Joconde
PIERRE GAGNAIRE RESTAURANT PARIS