Fréquentation record, la clientèle à fort pouvoir d’achat ne s’est pas envolée vers la Sardaigne, Ibiza, ou la côte italienne, les suisses, les hollandais, les allemands, et les belges sont bien dans le sud de la France, et la gastronomie en récolte les fruits.
Le quotidien La Provence est allé à la rencontre des chefs Armand Arnal ( La Chastagnette – Arles ), Jean-Luc Rabanel ( L’Atelier – Arles ), Jean-André Charial ( l’Oustau de Baumanière comme la Cabro d’or – Les Baux-De-Provence ), Christopher Hache ( Maison Hache – Eygalières ).
Le bel été des établissements gastronomiques
Ils ont retrouvé le sourire. Passé l’angoisse des derniers mois, avec parfois le spectre de la fermeture pour certains, la plupart des restaurateurs étoilés du Pays d’Arles traversent la saison estivale avec un état d’esprit plus apaisé. La fréquentation rassurante au regard de l’incertitude qui a pu peser sur leur activité ces dernières semaines n’y est pas étrangère. À La Chassagnette, l’établissement affiche complet au moins deux semaines à l’avance, avec un fonctionnement revu. Le restaurant ouvre 40 % de temps en moins par rapport à l’été dernier et ne propose qu’un seul service, notamment en raison du nettoyage des lieux après chaque repas. « Les gens aiment notre cadre, ils nous connaissent et notre équipe est très soudée, puisque nous n’avons pas pris de saisonniers », explique Armand Arnal. Le chef étoilé de La Chassagnette était assez confiant au moment d’aborder la saison. « On s’aperçoit qu’il existe une clientèle de qualité à Arles, peut-être un peu frileuse ces dernières années en raison du nombre de touristes, indique-t-il. Les gens se sont décomplexés, ils prennent leur temps, ils restent en Camargue sur des séjours plus longs. Ils restent à table, découvrent le potager, posent des questions ». Une philosophie appréciée par Jean-Luc Rabanel, le chef doublement étoilé de l’Atelier.
Son établissement connaît une forte fréquentation ces dernières semaines. « On est contraint de refuser du monde », constate-t-il. L’Arlésien se réjouit surtout d’accueillir une nouvelle clientèle, venue de Belgique, de Suisse, d’Allemagne ou encore des Pays-Bas. « Ce sont des épicuriens, des connaisseurs », observe-t-il. Voilà l’une des explications de l’afflux de clients vers ces restaurants gastronomiques. Aux Baux-de-Provence, l’Oustau de Baumanière comme la Cabro d’or connaissent également la réussite après un début du mois de juillet plus délicat. « C’était inespéré, signale Jean-André Charial, le patron des deux établissements. On est content, surpris, mais on reste très prudent, surtout que la rentrée s’annonce plus incertaine ».
La Maison Hache a battu des records de fréquentation dès la réouverture, au mois de juin. L’effet « étoile » sans doute, mais pas seulement. « Les gens sont retournés au restaurant naturellement, explique-t-il. On constate une prise de conscience chez les clients, qui étaient frustrés durant de longs mois. Ils ont envie de se faire plaisir, passer du temps au restaurant ».
La crise sanitaire a été un déclic chez certains amoureux de la cuisine. Un public à la recherche d’une sécurité alimentaire à travers les goûts et la provenance des produits. Cet engagement a un coût mais il est attendu. « Quelque part, notre métier retrouve ses lettres de noblesse, remarque Jean-Luc Rabanel. Si le ticket moyen est plus élevé, le rapport qualité/prix est chez nous ! C’est un travail de passion et d’application ». Mais cela implique également une remise en question. Pas forcément sur les règles sanitaires, l’exigence à ce niveau-là étant déjà présente dans ces établissements, mais dans leur manière d’aborder la restauration. D’ailleurs, aucun des chefs étoilés ne se repose sur cette réussite estivale.
« Ce qui est intéressant, c’est que chacun trouve son modèle, indique Armand Arnal. Ouvrir sept jours sur sept, avec plus de personnel et plus d’achats, ce n’est plus vraiment avantageux. On a un équilibre économique et environnemental à chercher. Il faudra activer d’autres leviers car les pertes sont encore conséquentes, mais cela permet de réfléchir à l’avenir et à une autre façon de travailler ». Une sorte de retour à l’essentiel sur laquelle mise Jean-Luc Rabanel. « On n’a jamais été autant sollicité pour donner des cours et des formations, reconnaît-il. Cet été, on a retrouvé notre clientèle et une nouvelle, des gens sensibles à notre métier. Et c’est tant mieux ! ».