La jolie halle Saint-Joseph, près de la place Delille, reçoit deux fois et bientôt trois fois par semaine une association de producteurs fermiers dont les denrées sont une splendeur. Matez-moi cette fraise. Variété magnum, la bien nommée. Michel Troisgros a les mêmes, elle émane de son fournisseur. Est-ce que je l’ai mangée ? Vous plaisantez ? Et je peux vous dire qu’elle était formidable.
Et côté restos, ça donne quoi ? Le centre-ville souffre un peu en ce moment : des voies anciennes autrefois riches et animées comme la rue Pascal et la rue du Port sont à l’abandon. Un programme de revitalisation est à l’étude ; en attendant, voici les deux adresses que je retiens de mon récent séjour.
LE RALLYE, FIDÈLE AU POSTE
Le Rallye, à Montferrand, pas loin des usines Michelin, fait partie de ces lieux qu’on remercie de toujours exister. Il n’a pratiquement pas changé depuis le temps où, vers 2010, je l’ai chroniqué pour Le Fooding (qui, je crois, n’a pas validé la fiche — trop popu, pas assez branché je suppose).
J’y étais allée sur un conseil d’Éric Roux : vas-y au déjeuner, pour les steaks et pour l’ambiance. J’avais trouvé pleine à craquer la salle de cette institution clermontoise : au coude à coude, au comptoir, flics en civil, joueurs de l’AS Montferrand, ouvriers et cadres de Michelin. Un festival d’armoires à glace, il ne manquait plus que Lino Ventura en imper mastic. Pas étonnant que Le Rallye (sous son enseigne complète « Le Couvige Rallye ») figure en bonne place sur le site de Michelin, vu qu’il est la cantine du taulier depuis des décennies. Il se trouve d’ailleurs, opportunément, au bout de l’avenue Édouard-Michelin. Plus clermontois, tu meurs.
Extérieurement, c’est un troquet, un rade, un bouclard, un décor de PMU amélioré encore bien campé dans les années 70-80. Une atmosphère à la Audiard, à la Sautet, à la Granier-Defferre. Assez de néons pour apporter la touche bling requise, tables en Formica, grand bar (C’EST un troquet), serveuse gouailleuse et attentionnée, et plaques de concours agricole sur les murs.
Parce que tout Clermont sait ça : Le Rallye, c’est de la viande, principalement de la viande, et de la très bonne. Elle provient entre autres de l’excellente boucherie de Gabriel Gauthier, dans la vieille ville.
Les viandes, au Rallye, sont proposées au poids. On peut discuter en fonction de son appétit : ça se compte aux cent grammes avec minimum de cent cinquante grammes (pour les bébés). Moyenne deux cents grammes, petite faim trois cents grammes, estomac dans les talons quatre cents grammes et ensuite the sky’s the limit, surtout si vous optez pour une côte de bœuf. Vous avez aussi une assiette cannibale, dont le nom fait rêver, et un tartare façon « Caillou », seulement le mardi (pourquoi seulement le mardi ?). La cuisine est minimale mais bien faite : l’onglet à l’échalote est irréprochable. Les morceaux « du boucher, araignée, poire et hampe, sont selon arrivage et manquent parfois au menu.
Seul reproche : les garnitures, qui ne sont pas à la hauteur du reste. Dans mon lointain souvenir, les frites étaient maison et excellentes. Maintenant, elles sont surgelées et totalement sans intérêt. Dommage, vraiment, de ne pas donner à ces superbes viandes un accompagnement digne d’elles. De même, l’aligot semble avoir disparu de la carte. Re-dommage.
En revanche, la carte des vins dépote. Longue juste ce qu’il faut, et à des prix plancher (moyenne de 15 à 20 € la bouteille). On n’a pas oublié le chanturgue, ce vin mythique de gamay produit sur la colline du même nom au-dessus des usines Michelin. C’est ce que j’ai commandé.
Excellent choix : le gamay prend une minéralité volcanique qui fait la grâce de ce vin, autrefois l’un des plus grands crus de France et apprécié de Louis XIV (je me demande même si ce n’était pas son vin préféré). Quelques languedocs, quelques loires, des côtes-du-rhône de bon aloi (saint-joseph, crozes-hermitage, gigondas, vieux-télégraphe en châteauneuf-du-pape), encore plus de bordeaux très bien choisis (château-giscours, château-carbonnieux, charme-de-cos-labory, château-maucaillou…) et peu de vins blancs : il est clair qu’on a adapté les breuvages au type de nourriture servi.
Vous pouvez passer pudiquement sur les desserts : le talent du Rallye, c’est la bidoche, et j’espère qu’il continuera à nous en servir longtemps de cette qualité-là. Un petit effort sur les frites, ça ne ferait pas de mal.
Le Rallye (Le Couvige Rallye). 2, avenue de la République, 63100 Clermont-Ferrand. Tél. 04 73 92 53 78. Ouvert du lundi au vendredi de midi à 14 heures et de 20 heures à 23 heures, le samedi de 20 heures à 23 heures, fermé dimanche.
LE QUILLOSQUE, L’ANNEXE DU SAINT-EUTROPE
D’abord, je m’interroge sur l’enseigne bizarre. Eurêka ! Quille, kiosque ! Ce kiosque à quilles est l’annexe-bar à vins du très estimable bistrot clermontois Le Saint-Eutrope, dans la rue du même nom. Je n’ai pas testé le Saint-Eutrope mais la cuisine est commune aux deux établissements, contigus. Donc dîner rapide au Quillosque avec un verre, parce qu’à la fin d’une journée de reportage dans ce beau pays du Puy-de-Dôme, nous sommes lessivés. Mais c’était suffisamment bon et original pour mériter une petite notice, en attendant mon retour à Clermont-Ferrand pour essayer la maison mère.
Palette impressionnante de super-vins bio et nature, cuisine fine et adroite. Seulement, là aussi, j’ai un problème de frites à rapporter. J’en aurais bien aimé deux ou trois (d’autant plus qu’elles étaient superbes et faites maison, elles) avec mes tripes gratinées, mais on m’a répondu que c’était impossible parce que c’était l’accompagnement réservé au rosbif. Un truc genre cordon-bleu au menu enfant, en quelque sorte.
Je n’ai pas protesté, mais intérieurement, je faisais la gueule, d’autant plus qu’il n’y avait aucun accompagnement avec ces tripes. La maison devrait pouvoir faire ce petit effort. En fait, globalement, Clermont-Ferrand, je t’adore, mais en ce qui concerne les frites, tu devrais pouvoir faire un petit effort.
Le Quillosque et Le Saint-Eutrope. 4, rue Saint-Eutrope, 63000 Clermont-Ferrand. Tél. 04 73 34 30 41. Quillosque ouvert du jeudi au samedi de 18 à 23 heures et le samedi aussi de 11 à 15 heures. Fermé du dimanche au mercredi. Selon votre appétit, entre 15 et 30 € : petites assiettes de charcuteries, salaisons, fromages de grande qualité et plats cuisinés venus de la cuisine du Saint-Eutrope, juste à côté, lequel est ouvert du mardi au vendredi de midi à 14 heures et de 19 h 30 à 22 heures. Menu midi à 21 € et soir à 32 €.
À la Petite Cuillère
Textes et photos : Sophie Brissaud
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Superbe article sur Clermont ferrand....La prochaine à Clermont n hésitez pas à passer nous voir... http://www.auberge-du-pont.com on est pas loin...