Jambon de Parme AOP, vins et tortelli

La semaine dernière, nous étions sous le charme du parmesan Reggiano. Mais je n’ai pas raconté toute l’histoire. Retournons, si vous voulez bien, dans la charmante et aimable ville de Parme.

Le directeur d’une fabrique de jambons de Parme à Langhirano nous fait visiter son établissement et nous initie à la lente élaboration du prosciutto di Parma AOP.

L’Émilie-Romagne, réputée dans le monde entier pour sa gastronomie, possède deux fleurons : le Parmigiano Reggiano AOP et le Prosciutto di Parma AOP. Autrement dit, le seul vrai parmesan et le seul vrai jambon de Parme. Quand ils sont servis ensemble en entrée, ce sont deux fortes personnalités qui se renvoient la balle.

Première phase de salaison.

Comment fait-on un jambon de Parme AOP ? Avec un soin infini. Plus concrètement, avec des cuisses de porc « lourd » d’au moins neuf mois et cent cinquante kilos. Les gorets doivent être nés et avoir été élevés dans une aire recouvrant plusieurs régions d’Italie du Nord. La salaison et l’affinage ont lieu dans une zone bien délimitée en Émilie-Romagne, au sud de la Via Emilia, autour de Langhirano. Après abattage, les cuisses sont refroidies à 0 °C pendant vingt-quatre heures, puis rognées afin d’avoir une belle forme arrondie. Elles sont alors transportées dans les établissements de salaison, sélectionnées, datées au moyen d’une petite plaque incrustée dans la couenne, puis salées — la couenne au sel humide et la chair frottée au sel sec. Les jambons reposent de six à sept jours en chambre de premier sel entre 1 et 4 °C, puis ils sont refrottés de sel et restent en chambre de second sel pour une période de quinze à dix-huit jours selon leur poids.

La petite plaque métallique datée apposée sur le jarret du prosciutto.


Au bout de quelques jours de salaison, la chair a changé de couleur. Le jambon a déjà perdu un peu d’humidité.


Un toucher à des points stratégiques renseigne sur l’évolution du jambon.

Un repos de trois mois dans des chambres maintenues entre 1 et 5 °C s’ensuit pour que la chair absorbe le sel en profondeur. Ensuite, après lavage à l’eau tiède, les jambons passent encore trois mois dans de grandes chambres ventilées.

Au septième mois de séchage, la partie charnue du jambon est couverte d’une couche de saindoux qui lui évite de se dessécher.

Les jambons termineront ce parcours dans des caves moins ventilées pour se bonifier pendant de longs mois. C’est là que la chair subira les transformations enzymatiques qui lui donneront tout son arôme. Au cours de ce long processus, du salage à l’affinage, le jambon perd environ 25 % de son poids en humidité. Il est ensuite soumis à la sélection finale, qui consiste à le percer à des endroits précis avec un péroné de cheval (os très fin sans creux central) et à humer la sonde. Les jambons qui passent le test sont alors estampés de la couronne ducale, marque de l’Appellation d’origine protégée Prosciutto di Parma. L’affinage, selon la taille du jambon, dure entre douze et trente mois.

Torte fritte, pièges à prosciutto.

TRATTORIA MASTICABRODO, PRÈS DE LANGHIRANO
Nous nous sommes si bien instruits au cours de cette visite que la faim nous tenaille. À la terrasse de Masticabrodo, même par 40 °C ressentis, une bonne assiette de prosciutto di Parma est très bien accueillie. Elle est accompagnée d’éclats de parmesan et de torte fritte, petites rissoles qui sont en fait d’ingénieuses enveloppes à jambon. La pâte, soufflée par la friture, est creuse : on y perce un trou et on fourre autant de jambon qu’elle en peut contenir, et hop, dans le bec.

C’est également à Masticabrodo qu’on nous a servi ces tagliolini sublimes à la crème de parmesan. Si bons que certains (pas moi je vous jure — non non non, parole) ont demandé du rab. Ils étaient suivis d’une tarte feuilletée aux fraises assemblée à la minute, légère, parfaite.

Tout cela sous le regard sombre quoique bienveillant d’Otello, lambrusco nero local de Cantine Ceci. Oh bonne mère, le lambrusco !

Buon giorno Otello !


Buona sera Marcello !

On lui a reproché par le passé ses défauts de vin facile, galvaudé, indigeste, casquettogène. J’avoue que je n’en connaissais presque rien, à part un verre versé par Pierre Jancou à Racines il y a une paye. Mais la veille, j’avais déjà rencontré son cousin Marcello et le ciel avait fait ce qu’il fait sur les fresques des coupoles de cathédrale italiennes : il s’était ouvert tout grand, les anges avaient chanté, et on avait vu les pieds des bienheureux en ascension. Et cette petite écume fraîche qui se forme quand le vin est versé dans le verre et qui disparaît trente secondes plus tard semblait nous envoyer un message. Lequel, je ne sais pas trop, car le verre était déjà vide. La bouteille, à peine sur la table, se retrouvait le cul en l’air dans son seau de glace, appelant du renfort.

RESTAURANT PARMA ROTTA, PRÈS DE PARME
La veille, donc, nous dînions à Parma Rotta, un de ces restaurants à bonheur (entendez : grande terrasse et bonne cuisine) dont l’Italie est pleine. Et donc, soudain, Marcello avait fait son entrée, mine de rien, avec son petit air de « vous allez voir comme je vais tous me les mettre dans la poche », séducteur un poil trop sûr de lui, bello ragazzo. Marcello, le cousin d’Otello, est aussi un lambrusco, produit par les vignobles Ariola à Langhirano. Tous deux sont des rouges frais, pétillants, pourprés, fluides, dont l’équilibre entre sucre, acidité, tanins légers et amertume offre un plaisir insensé. Irrésistibles, gourmands, addictifs. Vins dangereux : on ne peut pas s’arrêter d’en boire. Vins gentils, aussi, qui ne vous reprochent pas le lendemain d’avoir abusé d’eux. Je vois d’ailleurs qu’Ariola produit un Marcello nature ainsi qu’une malvasia nature. Marcello comme Otello offrent des notes de mûre, de pâte de framboise, de baie de sureau noir, de myrtille fraîche ; ils croquent et explosent en bouche, font descendre une cascade de fruits dans tout le gosier, déploient tout un verger dans l’estomac et donnent envie de chanter même avant d’être saoul.

Parma Rotta possède une carte des vins carrément fascinante (avec une page de vieux sauternes à prix copain, on sent les gens qui aiment les bonnes choses…) et excelle en tout. Ce jour-là, 23 juin, était la fête de l’Amour. La tradition veut qu’on mange des tortelli d’erbetta, très ancienne recette de pâtes farcies à la ricotta et aux herbes fraîches ; on assure que ça porte bonheur. Ci-dessus, les délicieux tortelli d’erbetta de Parma Rotta, petits oreillers moelleux finement relevés au parmesan, au beurre et à la noix de muscade.

Parma Rotta sert aussi un dessert spectaculaire : une glace maison au fior di latte (crème pure) fouettée à la minute par le chef. Plusieurs garnitures sont proposées ; j’ai choisi sans hésitation les cerises amarene. Le dessert, voilà comme je l’aime.

Et la conclusion d’un repas, voilà comme je l’aime aussi : toute la tablée partage une malvasia passita Il Negrese : encore un vin chantant, sensuel et complexe, aux saveurs de siècles passés, de vieux cuirs et de boiseries anciennes. L’Italie est vraiment un coin de ciel tombé sur terre.

Comme la semaine dernière pour le parmesan, Ripaille TV a réalisé un petit film sur la fabrication du jambon de Parme. Vous pouvez le voir ici.

Merci à Chiara Iasuolo, Laurence Desmousseaux et Anne-Laure Boinnard de Fort et Clair.

À la petite cuillère
Textes et photos : Sophie Brissaud

 

 

Voir les commentaires (1)

  • Bonjour,
    Merci pour votre jolie reportage mais voulez-vous bien me dire où l'on peut visiter une fabrique de jambon de qualité car cela me semble difficile.
    merci encore et bien à vous.
    Michel Lepri

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