Haraneko Borda : le meilleur du pays Basque

Nous avons commencé par nous perdre. Il faut être d’ici pour se repérer du premier coup dans ces paysages magnifiques, actuellement dans toute la verdure du printemps naissant. Quand on a dit « Haraneko Borda à Basaburu, Itxassou », on est loin d’avoir tout dit. On n’a pas dit par exemple que ces communes basques sont immenses, étendues, se composent de nombreux lieux-dits, fermes et hameaux, et que la signalisation fait parfois dans le sous-entendu. « Mais si, dit Christian Aguerre, il y a une pancarte ! Mais elle est au milieu des autres pancartes, c’est pour ça… »

Christian Aguerre lors du tournage du « Bonheur est dans l’assiette », saison 1.

C’est aussi parce que je croyais me retrouver ailleurs. Je ne reconnaissais pas la ferme de Christian, où je m’étais déjà rendue à deux reprises en 2011 et 2012, lors du tournage de ma série Le Bonheur est dans l’assiette, première saison. Arnaud Daguin nous avait ouvert tout son réseau de producteurs fermiers, et j’étais tombée en admiration devant la ferme Haranea de Christian Aguerre : tout y était remarquable. Le cochon kintoa qu’il y élève, les produits qu’il en tire — parmi lesquels mon piment d’Espelette favori —, la philosophie éveillée et responsable qu’il applique à tout ça. En fait, je croyais me rendre à la ferme de Christian, mais son auberge est sur l’autre versant de la vallée et je n’y étais jamais allée. C’est donc après avoir pris plusieurs mauvaises directions et engueulé le GPS que nous trouvons enfin l’endroit. Un lieu de rêve.

Haraneko Borda : le sous-bois vu de la terrasse.


Cochon kintoa de Christian Aguerre.

C’est là, sous les chênes, que Christian élève en parcours agroforestier ses porcs pie-noir basques dits kintoa, race autochtone originaire de la vallée du même nom, dans les Aldudes.

Christian fait tout : l’élevage des cochons (et des poules), l’agriculture céréalière, fruitière et maraîchère (légumes, pommiers, piments bio, maïs grand roux du pays Basque…), la transformation (le meilleur jambon au nord des Pyrénées, ventrèche, saucisses, boudin, pâtés…), un peu de savonnerie. Depuis quelques années, il est aussi restaurateur. Il a bien un chef, Antoine Chépy, mais celui-ci profitait ce jour-là de quelques jours de fermeture du restaurant pour suivre un stage de maraîchage. C’est donc Christian qui nous a fait la cuisine.

Voici ce que l’on vous servira à Haraneko Borda : d’abord le jambon de Christian, vingt-quatre mois d’affinage, découpé à la main. Vous pourrez aussi savourer en entrée une salade de fressure de chevreau, des asperges en saison, des pieds de cochon au vert ; le poulet de la ferme, le chevreau de lait au four, la parillada de porc kintoa (boudin, saucisse txistor, filet mignon, presa), des légumes de saison rôtis, des pommes de terre au pistou d’ail des ours, des fromages locaux, de la cerise d’Itxassou, du greuil (caillé) à la vanille… Bref, tout ce qui ne vient pas de la ferme vient de chez le voisin, dans un rayon qui ne dépasse pas les dix kilomètres. Le circuit court dans toute sa splendeur.

La parillada de cochon kintoa inclut l’épaule du cochon rôtie six heures dans le four à bois, où l’on cuit aussi le pain.

Si vous allez à Haraneko Borda, vous aurez certainement la chance d’y déguster des taloa comme ceux que nous a préparés Christian. Ce sont des galettes de maïs de type tortilla auxquelles, par un procédé spécial, Christian donne le moelleux d’une pâte à choux. Il les façonne à la main, les grille sur la plancha, puis les garnit d’une tranche de tomme locale (vache ou brebis) et d’une lamelle de maitraila grillée.

Maitraila de cochon kintoa.

Pardon, je ne vous ai pas dit ce qu’est la maitraila. C’est la bajoue du porc kintoa traitée en salaison. Un peu comme le guanciale italien, seule salaison habilitée à figurer dans une vraie carbonara (eh non, ce n’est pas la pancetta). Je ne vous dis pas le délice que sont ces pintxos (tapas) dégustés tout chauds avec un verre de cidre local Eztigar. C’est de la gourmandise pure.

Autre pintxo de fabrication maison, toujours de porc kintoa : un fromage de tête fondant et ferme, qui part très vite.

Nous continuons les amuse-bouche avec le merveilleux jambon. Christian décide qu’il est temps de sortir le txakoli, ce vin blanc basque pâle et acidulé que l’on sert en tenant la bouteille très haut pour oxygéner le breuvage.

Arrive la parrillada de kintoa : Christian nous a gâtés. Sur cette assiette, la presa (morceau découpé sur l’échine, dénomination espagnole) cuite saignante et le filet mignon cuit rosé, grillés à la plancha, avec un peu de sel et de piment d’Espelette (d’ici).

Tout cela, ainsi que les boudins (maison) et la saucisse txistor (maison), est accompagné de chou du jardin, mijoté par Christian.

Comme il n’y a pas que le txakoli dans la vie, Christian sort un peu de rouge. Sa cave ne manque pas de bouteilles locales nature, insolites et savoureuses.

« Christian, tu as encore du patxaran ? » Bien sûr. Il va chercher la bouteille non étiquetée dont je reconnais immédiatement le contenu à sa couleur rubis tendre. Le patxaran est une liqueur basque que vous pouvez bien sûr acheter dans le commerce, mais rien ne vaut le fait maison, et celui de Christian est mémorable. Excellente façon de finir un tel festin. Après votre repas, n’hésitez pas à acheter quelques produits de la ferme Haranea : piment d’Espelette en poudre, en gelée, en coulis ou en macération vinaigrée ; charcuteries et salaisons, miels et confitures de la région. Et si vous venez fin mai, vous pourrez goûter les fameuses cerises d’Itxassou. Si vous y parvenez, ayez une petite pensée pour moi : je ne suis jamais venue au bon moment.

Haraneko Borda a reçu le prix Fooding 2017 de la meilleure ferme-auberge. Elle se trouve dans le quartier Basaburu, 64250 Itxassou. Téléphone : 05 59 15 09 68. Fermé du lundi au jeudi. Ouvert de 12 h 30 à 14 h 30 les samedis et dimanches, et de 20 heures à 21 h 30 les vendredis et samedis. Vous pouvez en conclure qu’il faut viser juste. À Paris, vous trouverez le piment d’Espelette et quelques salaisons et charcuteries de la ferme Haranea chez Terroirs d’Avenir et chez Viande et Chef, mais ne considérez pas ça comme une excuse pour ne pas vous rendre au pays Basque.

À la Petite Cuillère
Textes et photos : Sophie Brissaud

 

 

Voir les commentaires (3)

  • Bonjour,
    Je travaille actuellement à la ferme-auberge Haraneko Borda !
    Me serait-il possible d'avoir les contacts de la personne en charge de cet article, Sophie Brissaud ? :) Merci !
    Ce serait notamment pour une mise à jour des dates et horaires d'ouverture !

      • Bonjour !
        Nous sommes donc désormais ouvert du jeudi au lundi, uniquement les midis (service à partir de 12h30 jusqu'à 14h30 !)
        Merci beaucoup !
        Haraneko borda

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