Moscou est une ville incroyable regorgeant de nombreux jeunes talents encore peu connus ailleurs qu’en Russie et qui, inspirés par la philosophie des grands chefs internationaux se forgent leur propre identité autour de valeurs qui leur sont cher. Ce sont les chefs de la nouvelle vague de la cuisine russe.
On ne peut pas comparer la Russie à la France. On ne va pas au restaurant pour les mêmes raisons, on ne consomme pas de la même façon et les attentes de la clientèle ne sont pas les mêmes, de la cuisine au service en passant par le design des restaurants, rien n’est pareil, mais si on avait un à donner un fil rouge à la cuisine russe, il faudrait certainement parler d’authenticité, d’émotions et de partage.
C’est au détour d’une conversation lors de Taste of Moscow (LINK) que l’on me parle du chef Andrey Kolodiazhnyi fraichement arrivé au restaurant Modus à Moscou. Il y a quelques mois encore il était le chef de l’un des restaurants les plus en vue de Sochi, Baran Rapan. Un nom qui étrangement ne m’était pas inconnu puisque j’y voyais régulièrement des chefs russes, parmi les plus médiatiques s’y attabler lors de leur passage dans la station balnéaire.
Malgré un emploi du temps très chargé nous avons trouvé le temps d’aller découvrir l’univers culinaire d’Andrey Kolodiazhnyi au restaurant Modus lors de notre dernier déplacement à Moscou.
Nous arrivons devant deux grandes portes en fer entrouvertes, le tapis rouge est déroulé et nous découvrons le restaurent. Le bâtiment a récemment été totalement rénové. C’est peut-être une demeure bourgeoise, peut-être un bâtiment datant de l’époque soviétique, la cours est bordée de tables et d’arbres qui apportent malgré la chaleur un peu de fraîcheur.
L’accueil est spacieux et cet imposant bureau donne au lieu une dimension très particulière, à la fois chaleureuse et intrigante.
Le restaurant se divise plusieurs espaces. Le premier ici à gauche de l’entrée est lumineux au déjeuner et se transforme le soir dans une atmosphère tamisée et chaleureuse lorsqu’elle est illuminée par ces imposants lustres.
En avançant dans salle, nous découvrons cette imposante table faite d’un tronc de chêne, d’une seule coupe. Une pièce absolument unique qui donne son charme au lieu.
À l’opposé, nous découvrons à une autre table similaire, légèrement plus petite et plus basse que la précédente et c’est ici que nous décidons de nous asseoir. Je me rends compte que je n’avais jamais déjeuner assis sur un fauteuil dans un restaurant, mais cela est une chose courante en Russie. Bien plus confortable qu’une chaise, c’est choix idéal pour favoriser les échanges entre les différents convives.
Sur table, on distingue les nervures du bois comblées d’une matière légèrement opaque. On apprécie, le bois lustré et on admire tant notre environnement que cette oeuvre d’art. Le set de table, les couverts, la serviette sont relativement simples, le gobelet vient donner du style à la table, mais l’ensemble reste cependant très simple et non surchargé.
On nous sert de l’eau du lac Baïkal – Baïkal Reserve, puisée dans le plus grand et plus profond lac d’eau douce au monde. L’eau est puisée à 352m de profondeur. L’eau a un équilibre parfait, très légère et chargé en oxygène, elle aurait des vertus thérapeutiques.
Le design des restaurants est très important en Russie et il est fréquent qu’une restaurant propose de nombreux espaces selon les envies des clients. L’espace central ou sont suspendues les lampes est central et fait face au bar.
On nous apporte les cartes et parmi elles, la carte des Apérol Spritz… Nous vous parlions il y a quelques jours du développement de la marque du groupe Campari (LINK) avec notamment en Russie une croissance de plus de 100%, l’une des plus forte au monde. Cette carte n’est que le reflet d’un phénomène de société puisqu’en Russie l’Apérol Spritz est absolument partout !
Ici, la carte est réalisée en partenariat avec la vodka Béluga, classée parmi les meilleures au monde et qui accentue depuis quelques années son développement en Russie et dans le monde. Nous prenons un Berries Spritz…
Une variante sans apérol tout aussi rafraîchissante qu’un Spritz classique, peu sucrée et dont la Beluga Hunting apporte une touche herbacée et une pointe d’amertume.
Le menu de tartares de la Restaurant Week proposait des tartares surprenant dont un tartare de fruits que nous aurons l’occasion de déguster en entrée. Souvenez-vous, nous vous avions déjà parlé de la Tartare Week Moscow (LINK) il y a quelques jours.
La carte est très complète et les prix sont abordables, comptez une dizaine d’euros le plat. Mais si vous avez l’occasion d’aller au restaurant, nous vous recommandons de porter une attention particulière aux plats de la saison botanique composés d’herbes et de légumes en première page de la carte.
On nous apporte trois sortes de pain, un pain brioché aux herbes, un pain de Borodino et un pain au miel. Le pain est accompagné de beurre maison à l’ail des ours et garni de pétales de fleurs.
Mais avant de commencer, le chef tient à nous présenter quelques herbes qu’il utilise des plus classiques tel que l’aneth que nous connaissons également en France à des herbes un peu moins classiques tel que la quenouille, le pourpier, la capucine ou la pimprenelle. Au centre, ce qui pourrait ressembler à un coeur de palmier est un coeur de roseau reçu cru et préparé par le chef.
Le chef va habituellement lui-même chercher les herbes avec ses équipes dans la banlieue de Moscou. Il va en utiliser certaines fraiches et en faire sécher d’autres pour utiliser durant la saison hivernale.
Cet échange nous fait parler des fermentations, une grande tendance de la cuisine nordique. Pour Andrey Kolodiazhnyi, la fermentation n’a d’intérêt que lorsque les produits frais ne sont pas disponibles, par exemple durant la saison hivernale. En Saison, Andrey Kolodiazhnyi préfère utiliser des produits frais et de saison.
Étant donné que nous sommes en plein milieu de l’été, le chef nous propose une salade de tomates, fraises et rhubarbe le tout surmonté d’une burrata qu’il a lui-même réalisé la veille. Ce premier plat vient donner le ton par une association salée/sucrée assez improbable et absolument merveilleuse.
Ne vous attendez pas à manger du sucre, nous sommes ici sur une entrée dont l’association est subtile et l’équilibre parfait entre la tomates et la fraise. Les fruits sont mûrs sans l’être trop et l’association de ces deux produits marche. La rhubarbe vient apporter un peu de croquant au coté de quelques pistaches fraiches alors que cette jeune burrata apporte le côté crémeux.
Différence de point de vue, n’aurions nous pas en France travaillé la tomate en dessert plutôt que la fraise en entrée ?
Nous décidons d’aller en cuisine pour voir Andrey Kolodiazhnyi à l’oeuvre. La cuisine se trouve au sous-sol, en descendant nous croisons l’une des réceptionniste, en pause déjeuner un grand bol de soupe à la main et une marmite de soupe sur la table. La tradition en Russie été comme hiver est de manger de la soupe. Un repas du personnel sans soupe n’est pas un repas du personnel…
On retrouve ainsi un tartare de fruits rouges, nombril de vénus et caviar de géranium, accompagné d’une mousse légère de parmesan russe venant condimenter le tartare. La encore le plat est original, peu commun et l’association marche, car les fruits sont mûrs tout en étant très peu sucrés. Un plat interessant à découvrir.
Ici, une soupe froide de betterave rouge, dont la couleur et la texture sont absolument surprenantes. Accompagné d’une mousse au fromage frais et de légumes croustillant à la bergamote.
Dans un registre peut-être un peu plus classique, la soupe de champignons de la maman du chef ! Un plat simple mais absolument merveilleux !
Le plat est quand à lui toujours dans un registre salé/sucré avec ces calamars des mers de l’est de la Russie roulés fondants en bouche accompagnés de figues rôties au four.
On pourrait croire que cela ne s’arrêtera jamais alors voici le dernier plat. Flétan rôti et pâtissons et crème de choux-fleur.
En dessert, un gâteau à la violette glace vanille maison et marmelade de fruits. Le déjeuner aura duré 1h30, Andrey Kolodiazhnyi nous aura donné un bel aperçu de sa cuisine estivale très fruitée et qui nous aura séduit par la justesse des accords et par la surprise qu’une telle cuisine aura pu créer.
En fin de repas, comme pour digérer, Andrey Kolodiazhnyi nous transporte au dernier étage du restaurant. Une terrasse transformée en jardin où l’on trouve toutes les herbes chères au chef.
Vous êtes à Moscou prochainement, voici l’adresse : 1-Y Truzhenikov Pereulok, вл.4, Moskva, Russie, 119121
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