Voici le short post du jour, exceptionnellement rédigé à deux mains (et non à quatre mains, puisqu’on n’écrit qu’avec une main, vous êtes d’accord ?). Guillaume Erblang-Rotaru relaie une info et la commente, et Sophie Brissaud, la Petite Cuillère, donne son interprétation des faits.

On dit souvent que l’excellence n’a pas de prix, mais inscrire sur la carte que l’on sert à Paris la « meilleure » version d’un plat, c’est prendre un risque. Et si la meilleure était servie ailleurs, pour moins cher et sans se vanter ? Et vous, combien seriez-vous prêt à payer pour une saucisse-purée ?

L’info de Guillaume

Un plat simple que tout le monde pourrait théoriquement reproduire chez soi, bien qu’il soit en l’occurrence de haut niveau : la saucisse fondante à cœur et légèrement croustillante sur le dessus est cuite à la perfection, la purée onctueuse est sublimée par un jus de volaille légèrement corsé, et le dressage me ramène quelques années en arrière, lorsque, enfant, je prenais plaisir à creuser ma purée pour en faire un volcan de sauce. Qui ne l’a pas fait ?

On serait presque submergé par l’émotion de ce plat qui nous ramène à la convivialité chaleureuse d’un repas en famille. Mais en fin de compte, cela reste une saucisse de Toulouse, de la purée, un jus de volaille, et n’oublions pas la gousse d’ail confit et la branche de thym… Temps de dressage approximatif : soixante secondes chrono en s’appliquant…

Allez, on vous remet la photo du plat et on vous repose la question : combien seriez-vous prêt à payer pour une saucisse purée , même estampillée « la meilleure de Paris » ? Et on vous laisse chercher le prix ?  Avec un peu de recul, l’émotion prendra t-elle le dessus ? Seriez-vous prêt à débourser 21€ (19€ en 2016) pour la meilleure saucisse purée de Paris ?

© Food&Sens / Guillaume Erblang-Rotaru

Le commentaire de la Petite Cuillère

Ma première remarque est une question : comment une saucisse-purée peut-elle coûter 21 euros ?

Rappel : le prix de la meilleure saucisse-purée de Paris a été décerné par Le Fooding en 2016 aux Arlots et à leur chef Thomas Brachet. La présence de cette saucisse-purée sur la carte de la brasserie Lazare (ci-dessus) étant probablement antérieure à cette distinction, il n’est pas opportun de parler de piquage euh, d’inspiration culinaire. Mais il y a d’autres points à souligner.

Je cite Le Fooding à propos des Arlots : « Mémorable saucisse maison (façonnée tous les matins !) poêlée accompagnée d’une démente mousseline de charlottes  ». Eh oui, Thomas fait sa saucisse lui-même, avec ses mimines, chaque matin. Ainsi que terrines et pâtés.

Et de surcroît, jamais il n’aurait osé inscrire sur son ardoise : « La meilleure saucisse-purée de Paris », même si c’est le cas. Non, il inscrit simplement saucisse-purée, comme il inscrit aussi tête de veau et mousse au chocolat. Là est aussi la différence. 

Enfin, passons à la tarification. La saucisse de la carte ci-dessus est-elle faite à la main au restaurant ? Mais surtout, est-elle incluse, comme celle des Arlots, dans une formule à 21 euros comprenant entrée, plat et dessert ? Faites le calcul : que préférez-vous ? Une saucisse exceptionnelle fabriquée quotidiennement par un artisan dans la cuisine même de son établissement et servie avec une excellente purée à prix raisonnable, avec une entrée avant et un dessert après, ou une autre excellente saucisse, mais seule, pour 21 euros — soit le même prix que le menu entier — dans une brasserie chic ?

Vous choisiriez quoi, à qualité (je suppose) équivalente ? La saucisse qui-se-la-pète et hors de prix, ou la saucisse modeste faite maison à prix raisonnable ?

Sophie Brissaud / À la petite cuillère