Jean-François Piège – « Axa est coupable de non-assistance à entreprise en danger! »

 Le chef Jean-François Piège avait ouvert le débat (le combat même) la semaine dernière contre l’assureur français AXA qui n’a pas (pour lui comme pour des milliers d’autres restaurateurs) tenu son rôle dans la couverture de prise de risque dûe à la perte d’exploitation en pleine crise de la pandémie Covid.

Dénonçant cette situation sur les réseaux sociaux, le Président de AXA France a répondu au chef via le média « Challenges », une réponse qui a tendance à noyer le poisson et à tromper tout le monde.

Découvrez ci-dessous la réponse du chef diffusée sur Challenge.fr

Le chef cuisinier parisien Jean-François Piège (le Grand Restaurant, Clover, La Poule au Pot) se met en colère contre le puissant assureur français qui vient de résilier son contrat et refuse de l’indemniser pour ses lourdes pertes consécutives à la fermeture administrative de ses restaurants. Après plusieurs commentaires fracassants sur les réseaux sociaux, il s’en explique à Challenges. Selon lui, « Axa est coupable de non-assistance à entreprise en danger! »

Le chef JF Piège très déçu de l’attitude de l’assureur AXA

Challenges – Que reprochez-vous à votre assureur Axa?

Jean-François Piège – Je dirige cinq restaurants dont quatre étaient assurés par Axa dans le cadre de contrats multirisques professionnels. Ces restaurants ont été fermés lors du premier confinement, puis fermés partiellement au moment du couvre-feu avant de fermer à nouveau depuis le début de ce nouveau confinement. Chacun de ces contrats couvre la perte d’exploitation suite à une fermeture administrative. Mais Axa refuse de nous indemniser sous prétexte que le risque de pandémie fait partie des exclusions. Je les ai appelé, je leur ai écrit, je n’ai pas eu de réponse. Alors je suis allé voir mon avocat qui m’a conseillé de les assigner devant le tribunal de commerce de Paris, ce que j’ai fait en juin dernier. L’exclusion dont se prévaut Axa est léonine et contraire au code des assurances.

C’est un litige hélas assez répandu aujourd’hui entre Axa et des milliers de restaurateurs français. C’est la raison de vos posts sur les réseaux sociaux?

Non, ce dossier m’irrite depuis plusieurs semaines, mais ce qui a déclenché ma colère, c’est la résiliation de mon contrat d’assurance par Axa.

Pour quel motif Axa résilie-t-il vos contrats?

C’est là que cette affaire prend toute sa saveur… Axa exige de modifier mes contrats pour que les pandémies et tout risque qui toucherait au même moment une autre entreprise du même département ne puisse plus donner lieu à indemnisation. En soi cette justification est assez révoltante mais je pose une question : si Axa éprouve le besoin de modifier les contrats pour être sûr que l’épidémie ne sera pas couverte, c’est bien la preuve que le contrat initial, avant cette modification couvrait bien ce risque, non?

Vous lancez une croisade contre un groupe géant et international. Même avec votre résonance médiatique de grand chef étoilé, le combat est déséquilibré.

Je ne lance pas une croisade. Je ne suis pas un chevalier blanc. Je ne me bats que pour mes 70 salariés, mes fournisseurs et moi-même. Tant mieux si en me voyant contester l’arbitraire, d’autres vont trouver le courage de se battre eux-aussi, mais je ne lance pas une action collective que la loi ne permet pas d’ailleurs. En revanche les très nombreux témoignages de soutien d’internautes et de confrères depuis mes tweets nous ont fait chaud au cœur.

Axa a dû vous proposer une transaction, que d’autres restaurateurs ont préféré accepter.

On nous a proposé 3.750 euros d’indemnisation, soit 15.000 au total pour les quatre restaurants. C’est une plaisanterie au regard des millions d’euros de pertes d’exploitation.

Vous avez décidé de publier une copie de vos échanges de courrier avec Axa sur les réseaux sociaux. Vos nombreux followers ont retweeté et approuvé. Vous avez eu une réaction d’Axa?

Oui le président d’Axa France, a répondu par un aveu « Notre contrat change quand les risques changent… Impossible de couvrir un événement qui touche tout le monde en même temps ». Bref, ce monsieur nous explique que la profitabilité de sa compagnie d’assurance est prioritaire sur la survie des assurés, et cela excuse tous les arrangements. Il y a eu aussi la réponse d’un élu CFDT d’Axa qui dit : « Combien de fois faudra-t-il le répéter, impossible de couvrir une pandémie ». Ce genre de commentaires n’est pas digne d’une personne que je ne connais pas mais qui se dit spécialiste de « justice sociale, d’émancipation et de dialogue social ».  

Vos confrères, les autres grands chefs vous soutiennent?

Oui, nous sommes tous dans le même bateau. Nous ne savons pas ce qui va se passer, entre les loyers, les congés payés, les prêts garantis par l’Etat qu’il va falloir rembourser et surtout cette interdiction qui nous est faite aujourd’hui d’entreprendre… les sujets angoissants ne manquent pas. Mais je préfère rester concentré sur le dossier Axa qui mérite d’être dénoncé.

Vous continuez l’activité en livraison à domicile et avec des plats à emporter. C’est rentable?

Non, on ne cherche pas la rentabilité. On maintient un lien avec nos clients qui nous soutiennent. C’est le seul point positif de cette période, nos clients sont fidèles, ils étaient venus au service de 18 heures que nous avions créé au moment du couvre-feu. Ils nous passent commande aujourd’hui et savent que leur soutien est essentiel pour le moral et pour la survie de notre petite entreprise familiale. Nous restons totalement mobilisés, c’est mon fils de 5 ans qui colle les étiquettes sur les bocaux de sauces.

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