Comment avez vous imaginez ce concept de « Cabaret Gastronomique » ?
Jacques Pourcel – Avril 2019 – j’étais à Miami un dimanche au déjeuner en plein cœur du quartier de « Art Distric », beaucoup de restaurants y sont ouverts pour des brunchs. Lors de ma balade, j’ai été attiré par le seul restaurant qui était complet, d’ailleurs je n’ai pas pu y avoir une table. À l’intérieur c’était la fête, il y avait de la musique et des artistes transformistes et Drag Quens qui défilaient … La clientèle y était très mélangée, des couples, des familles, des touristes, des festifs au bar … Je me suis dit : c’est ce qu’il faut que l’on fasse à Montpellier.
Et ensuite, comment avez-vous imaginé ce produit dans votre établissement ?
JP – Cette idée m’a trotté dans la tête durant plusieurs semaines, je l’ai exposée à Olivier Château, un de mes partenaires, il partageait aussi avec moi cette conviction qu’il faut penser la restauration différemment, la rendre plus festive, ludique, distrayante. Nous pensons, nous savons qu’il y a de la place pour une restauration qui fait plaisir non seulement à l’estomac mais aussi à la tête. D’entrée nous voulions surtout mêler une belle assiette (c’est aussi notre marque de fabrique) et une partie spectacle de qualité. L’idée de réaliser des soirées esprit cabaret a vite émergé. De nombreux cabarets existent en France dans beaucoup de régions, mais en général on n’y retrouve pas la qualité de la nourriture, ce qui gâche la fête.
Pour cela il vous fallait un espace dédié ?
JP – Oui, notre établissement à Montpellier qui propose une offre en « bistronomie » dispose d’une salle à l’étage dédiée aux groupes, conférences et séminaires, nous avons imaginé de la bloquer trois soirs par semaine pour produire ces soirées spectacles. Cette salle dispose de sa propre cuisine, ce qui nous a permis d’imaginer une offre FOOD appropriée au concept de spectacle. En parallèle nous continuons à exploiter le restaurant Terminal#1 dans sa forme classique, ce qui fait finalement un commerce dans le commerce.
Vous avez dû faire des aménagements ?
JP – Oui nous avons créé une scène, repensé le design de la salle pour la rendre très esprit Cabaret. De grands rideaux bordeaux habillent les murs lorsque la salle se transforme en cabaret. Nous avons aménagé des loges en prenant une partie de la cuisine, nous avons mis en place le système son et lumière. De même se mettre aux normes de sécurité pour une salle recevant du public pour des spectacles. Investissement total un peu plus de 70 000 euros.
Comment avez-vous imaginé la programmation artistique ?
JP – Nous connaissions deux artistes de cabaret dont un avait notamment travaillé chez Michou à Paris, ils étaient intervenus pour nous à Marrakech. Sophia Mangano et David Laget ont été séduits par notre idée, ils ont créé il y a quelques années la troupe des « Fabuleuses » et sont résidents en Avignon. Nous avons échangé plusieurs mois avec eux avant de convenir qu’ils soient pour nous les meneurs de la revue, nous leur avons confié toute la programmation artistique des soirées.
Donc ce sont eux qui établissent le programme des soirées ?
JP – Oui nous leur laissons totale liberté, il faut dire que nous sommes en totale confiance avec eux. Nous avons décidé d’avancer ensemble, nous partageons la même envie de vendre du rêve, du divertissement et de réussir ce nouveau challenge commun.
Sophia Mangano dans le rôle de Eddy Piaf
Leur avez-vous donné des objectifs ?
JP – Plutôt un chemin à suivre avec plusieurs recommandations, voire contraintes même. Premièrement éviter toute vulgarité, produire un spectacle de qualité, plutôt de classe, avec de vrais artistes, performeurs, transformistes, chanteurs, magiciens, danseurs, donc de la diversité, du rire, de l’émotion, un esprit décalé… De laisser la place à la gastronomie, et à un service de qualité, donc limiter le nombre de places assises. Et cadrer un déroulement précis de la soirée qui entre repas et spectacle ne doit pas dépasser 4 heures.
Expliquez-nous le déroulement de la soirée ?
JP – Les convives doivent être à table à 20h30 maximum, ils peuvent arriver avant pour prendre un apéritif, nous attaquons à ce moment-là le dîner avec un amuse-bouche et une entrée. 45 minutes plus tard la première partie du spectacle démarre pour environ 45 / 60 minutes. Ensuite sont servis le plat chaud et le dessert, et tout de suite après le café nous passons à la deuxième partie du spectacle et son final qui doivent se terminer à 00h15.
Et aux niveaux des artistes que vous recevez, vous pouvez nous en dire plus ?
JP – Oui, même si nous voulons garder certaines choses discrètes car plusieurs restaurateurs sont venus voir ce que nous avions monté et pensent déjà à nous copier. Sophia Mangano et David Laget ont monté en deux mois une programmation exceptionnelle avec des artistes venant de toute la France mais aussi d’Allemagne et de Belgique. Ils ont réussi à capter certains artistes qui avaient des créneaux libres entre leurs tournées. Le tout dernier, Mandy Mitchell, se produit dans toute l’Europe, c’est un artiste multi-facettes, sa présence sur scène est incroyable, il sait tout faire, la magie, les claquettes, le french-cancan, et sa transformation en Tina Turner est totalement unique. Yannick Diaz, artiste aérien mais aussi champion de France de Pole Dance 2017, a bouleversé le public, la belge Jessica Manson est aussi une artiste incroyable. Son interprétation de Céline Dion est assez inédite dans l’univers du transformisme. Quant au lyonnais Candy Williams il nous a vraiment séduit par ses performances artistiques, capable de passer de la reprise du rôle de Dalida à celui de Michael Jackson en quelques minutes…
Quels sont vos rapports avec les artistes ?
JP – Finalement nous avons découvert cet univers, et nous avons aujourd’hui beaucoup d’affection pour ces artistes, de vraies personnalités pleines de finesse, avec des parcours de vie incroyables. Nous partageons avec nos équipes leur quotidien trois fois par semaine, c’est vivifiant de les suivre dans leurs transformations entre la vie de tous les jours et les moments où ils entrent en scène. Ils amènent du tonus, de la joie, et pour nos équipes c’est aussi un exemple car ils constatent que dans beaucoup d’autres métiers le don de sois, l’engagement personnel, les heures passées à se produire sont les mêmes que dans la restauration.
Avez vous embauché pour créer ces soirées ?
JP – Les soirs de spectacle 4 ou 5 artistes sont sur scène, ils travaillent à la prestation. Nous avons un responsable son et lumière qui travaille lui aussi est rémunéré à la prestation. Pour le service de salle nous avons embauchés 4 personnes qui travaillent en fonction de leur présence. Pour la cuisine nous gérons avec notre équipe de cuisine du restaurant qui compte déjà 18 personnes.
Combien coûte la soirée pour les clients ?
JP – Le prix du menu spectacle compris est à 80 euros hors boissons, nous consacrons 45 euros pour le menu et 35 euros pour la partie spectacle, nous sommes au point mort à 50 couverts. Le bon remplissage est autour de 70/80 personnes, que ce soit pour la rentabilité et pour l’ambiance, mais nous sommes montés, pour une privatisation, jusqu’à 140 couverts sur une soirée, donc tout est possible. Et puis en général le côté festif pousse à la consommation de bouteilles de Champagne par exemple, ce qui fait monter le ticket de dépense par client.
Comment avez-vous commercialisé vos soirées ?
JP – Les premiers créneaux de communication ont été les réseaux sociaux, puis une campagne d’affichage sur le grand Montpellier, une campagne sur France Bleu, et de la promotion dans notre établissement qui reçoit tous les jours minimum 300 personnes. Le service commercial de notre groupe a aussi approché les clients prescripteurs de groupes. La cible est la clientèle de la métropole de Montpellier, mais on constate que le bouche-à-oreille a très bien fonctionné puisque des personnes viennent régulièrement aussi des départements limitrophes de l’Hérault.
Êtes-vous satisfaits du résultat ?
JP – Oui carrément, nous aurons animé les soirées du mois de novembre à la fin du mois d’avril, avec une bonne séquence de remplissage, régulier et avec une clientèle de qualité. Le spectacle changeant sa programmation tous les mois, plusieurs clients sont déjà revenus plusieurs fois. Les retours sont positifs, outre la qualité du spectacle, les convives sont heureux de bien manger. Finalement ce développement va réaliser presque 10 % de notre chiffre d’affaire annuel ht, soit plus de 350 k€ ht.
C’était tout de même une grosse prise de risque …
JP – Oui, mais nous avons toujours fonctionné comme ça, parfois nous nous sommes plantés, mais souvent nous avons réussi. C’est notre mode de fonctionnement, lorsque nous vibrons pour quelque chose, nous allons au bout. Ce petit grain de folie qui nous anime, c’est lui aussi qui nous a amenés à l’Exposition Universelle de Shanghai, à tenter l’aventure au Sri Lanka, ou être les premiers chefs étoilés à faire de la restauration de plage, et même comme nous l’avons fait dernièrement lancer un concept de restauration rapide autour des Ceviches et des tacos. Nous adorons faire tomber des codes, notre force c’est notre unité (les trois associés), l’engagement de nos équipes et notre totale liberté d’action sans se soucier des « on dit » et du regard des autres. En tout cas l’hiver prochain « Scandal – Cabaret gastronomique » reprendra dès le mois d’octobre pour 6 mois d’hiver avec de nouvelles surprises ! …