La gastronomie, ce n’est pas qu’une palette de goûts, ni juste un corps de métiers la perpétrant ; c’est aussi (et d’abord ?) un acte rassembleur. Ainsi la comprend Gilles Quillot, le sympathique chef de l’Ambassade de France au Royaume-Uni, qui a tout juste fait l’objet d’un article dans le Times. En poste depuis vingt ans, cet homme unificateur n’en finit pas d’œuvrer à faire se rassembler les gens, autour d’un concept simple mais décidément capable de faire tomber les murs : la bonne chère. Rencontre avec un chef qui prône au quotidien les valeurs du partage, surtout culinaire.
Londres, 19 mars. La ville peine à se défaire du siège prolongé de l’hiver. Dans l’allée bucolique (la plus chère de Londres, selon The Guardian) menant à la Résidence de l’Ambassadeur de France, quelques morceaux de neige s’accrochent encore au gazon. Je rencontre Gilles Quillot dans les salons de cette dépendance française, où il est venu s’entretenir de son menu de gala Good France/Goût de France, qui sera servi ce soir 21 mars. Rompu à l’art de l’échange, Gilles Quillot reste simple, en dépit de son rôle de pilier local de la gastronomie. Facile d’accès, bonhomme, il se veut avant tout facilitateur de rencontres. « J’aime que les gens se connaissent », glisse-t-il.
De fait, dans le sillage du chef, gravite tout un éventail de chefs, restaurateurs, associations et écoles, avec lesquels il mène ou a mené des projets. Français ou Anglais, il y a les deux, Gilles Quillot mettant un point d’honneur à inclure les membres des deux pays. En vingt ans, le résultat est là, au vu du brassage de l’assemblée du jour ; « mon but, c’est d’ouvrir ce lieu à tous les chefs. » Ainsi a-t-il reçu l’année dernière le chef du Buckingham Palace dans les cuisines de la résidence. Ensemble, Mark Flanagan et lui ont réalisé le menu de gala de Good France 2017, comme un joli pied-de-nez au Brexit. En retour, le chef Flanagan a convié le chef Quillot au Palais, où ce dernier a découvert les cuisines puis les salons de la demeure royale britannique. « Un souvenir féérique », commente le chef. Cette année, la collaboration culinaire entre les deux pays continue : le dessert du dîner de gala de Goût de France Royaume-Uni 2018 sera signé par l’équipe anglaise du championnat du monde de pâtisserie.
Autre axe d’effort mis en place par le chef Quillot depuis qu’il est en poste, la démocratisation du bien manger. Un objectif qu’il veut voir largement embrassé, grâce à un message d’importance : pour s’alimenter sainement, point ne faut un portefeuille extravaguant, le bien manger pouvant s’offrir tous les budgets. Pour le prouver, lui et son équipe ont décidé de réaliser le dîner de gala de Good France UK pour 10 pounds par personne. Un challenge économique qui n’entravera ni la créativité culinaire, ni le bon goût des choses. « On utilisera des produits moins coûteux, mais on parviendra à un résultat tout aussi goûteux », commente le chef, content de l’initiative. D’autant qu’elle est spécifique à Londres ; qui sait, elle fera peut-être école l’année prochaine auprès des autres ambassades de France. Quoi qu’il en soit, l’objectif de Quillot se veut encore une fois rassembleur, outre castes sociales et revenus : « par ce dîner, je cherche à montrer que la gastronomie n’est pas réservée à l’élite. Avec de la bonne volonté, des achats judicieux, et le choix de bons produits de saison, on peut faire des choses très bonnes à un prix raisonnable. »
Troisième volet de l’engagement culinaire du chef Quillot en terre anglaise, le caritatif. Impliqué auprès de plusieurs associations locales, dont Chefs Adopt a School, le chef s’attache à s’investir sur le terrain. A titre d’exemple, l’association précitée vise à éduquer les écoliers à l’alimentation saine, au travers d’une batterie d’ateliers, qui éveillent leur goût, leurs connaissances des produits, tout en leur présentant l’univers des chefs. Voir la vidéo ci-dessous ICI. Tout autant d’initiatives qui ont permis au chef de « ne pas voir le temps passer. Vingt ans plus tard, ma passion est intacte. » Et ça se voit.