En quelques années, la Bourgogne a vu disparaître ses trois – 3 étoiles Michelin historiques – à commencer par L’Espérance à Saint-Père-sous-Vèzelay du chef Marc Meneau, La Côte Saint-Jacques de la famille Lorrain, et donc celle du Relais Bernard Loiseau. Reste un peu plus bas dans la région à Chagny, le restaurant Lameloise et son chef Éric Pras qui affiche encore 3 étoiles.
Retrouvez l’interview accordée au quotidien Le Parisien.
Guide Michelin : «Les étoiles ne font pas tout» selon la veuve de Bernard Loiseau
Le palmarès du fameux guide Michelin a été rendu hier. Certains restaurants y gagnent des étoiles, d’autres en perdent. Comme Dominique Loiseau, veuve du célèbre restaurateur, qui riposte.
« Une étoile au Michelin, cela vous apporte tout. Quand on vous la retire, c’est pire qu’une gifle, c’est comme si on vous reprenait tout », murmurait hier un chef cuisinier, alors que le célèbre Guide rouge venait de dévoiler son palmarès 2016.
Hier, alors que la profession venait d’apprendre le suicide d’un autre grand chef, le Franco-Suisse Benoît Violier (lire ci-dessous), au sommet de son art, c’est « la gifle » qu’a reçue Dominique Loiseau, 60 ans, la veuve du grand chef Bernard Loiseau, qui s’est donné la mort il y a treize ans. Depuis hier, donc, le Relais Bernard Loiseau, l’établissement de Saulieu (Côte-d’Or) qu’elle dirige depuis le décès de son mari, n’a plus que deux étoiles. D’abord « choquée », Dominique Loiseau, conteste et riposte.
Comment avez-vous accueilli la décision des inspecteurs du Michelin ?
DOMINIQUE LOISEAU. Quand sa directrice m’a appelée il y a une semaine pour me prévenir, cela m’a secouée. Maintenant, il faut faire avec. Mais je suis déçue. Notre établissement n’a jamais aussi bien travaillé, l’an dernier notre fréquentation a été en hausse régulière. Les clients sont contents. Il faut qu’on m’explique…
Que vous a-t-on dit, justement, pour justifier ce choix ?
Simplement qu’à leur goût cela ne mérite plus trois étoiles. Je suis d’autant plus étonnée qu’aujourd’hui, quand une maison baisse en qualité, le verdict est immédiat, les clients ne se gênent plus pour le dire, notamment sur les réseaux sociaux. Or c’est tout le contraire… Depuis ce matin, je reçois une avalanche de messages de soutien de leur part.
Que reprochez-vous à ce guide, pourtant fameux ?
Le Michelin ne juge que l’assiette. C’est un peu réducteur. Ils ne font de remarques ni sur le service, ni sur le décor, ni sur la gentillesse de l’accueil. Pourtant, une grande maison, une table exceptionnelle, c’est un tout. Parmi mes clients, certains ne sont pas très aisés mais, s’ils nous rendent visite chaque année, c’est pour profiter également du jardin, de notre très belle demeure. Ils ne sont pas uniquement obnubilés par l’assiette. Eux ne viennent pas chercher la petite bête.
Les guides gastronomiques ont-ils trop de poids ?
Le Michelin, c’est important, mais les étoiles ne font pas tout. Moi, je ne suis pas comme mon mari qui ne jurait que par elles. Perdre une étoile, cela aurait été pour lui un drame, comme il était bipolaire. Moi, je relativise. Ce que je veux, c’est une maison agréable pour tous et qui se porte bien financièrement. Après la mort de mon mari, durant huit ans, j’avais mes trois étoiles, mais j’avais aussi une maison qui perdait de l’argent.
Pensez-vous qu’un jour les guides perdront toute influence ?
Je l’ignore. Mais ce que je sais, c’est que nous sommes le seul métier à être noté alors qu’en réalité ce sont nos clients qui nous font avancer. Ce devrait être eux qui nous notent.
Vous expliquez-vous le suicide de Benoît Violier ?
Benoît était venu l’an dernier chez nous, avec toute son équipe. Un suicide est toujours un geste qui nous dépasse… Je pense très fort à sa femme et à son petit garçon. Le plus dur, c’est pour ceux qui restent.
Un palmarès à nouveau endeuillé
Comme un écho au suicide de Bernard Loiseau, c’est un autre drame qui a endeuillé le palmarès 2016 du Michelin : celui du suicide (probable, une enquête est toutefois en cours) d’un autre très grand chef, Benoît Violier, 44 ans, dont le corps a été retrouvé dimanche à son domicile à Crissier, près de Lausanne, en Suisse. « Grand chef, grand homme, gigantesque talent », a salué le pape de la gastronomie, Paul Bocuse, tandis que le célèbre chef français au chapeau noir Marc Veyrat s’est dit « anéanti ».
Passé chez Joël Robuchon, à Paris, Benoît Violier, né à Saintes (Charente-Maritime), avait obtenu la nationalité suisse il y a deux ans. Ce meilleur ouvrier de France avait succédé à la tête du restaurant de l’Hôtel de Ville à Crissier, ouvert il y a soixante ans, aux chefs suisses Fredy Girardet puis Philippe Rochat, mort en juillet dernier après un malaise à vélo. Dans plusieurs entretiens à la presse, Benoît Violier, trois étoiles au Michelin, arrivé premier de « la Liste », un palmarès des « mille tables d’exception », avait paru très affecté par la mort de son père en 2015 ainsi que celle de son mentor, Philippe Rochat.