Christian Millau, critique gastronomique et co-auteur du célèbre guide Gault et Millau, est décédé samedi à 88 ans. Il avait révolutionné à la fois la critique culinaire et la gastronomie française à travers la Nouvelle cuisine, manifeste pour une cuisine allégée et inventive.
Ensemble, Christian Millau et son confrère Henri Gault, mort en 2000, ont dépoussiéré à la fin des années 60 les codes très figés de la critique gastronomique telle qu’incarnée alors par le tout-puissant guide Michelin. Ils vont le concurrencer en faisant du Gault et Millau le deuxième guide gastronomique français, aujourd’hui distribué dans 12 pays. Quelques années plus tard, ils récidiveront en s’attaquant cette fois à la gastronomie traditionnelle française en lançant le courant de la Nouvelle cuisine, en prenant la défense d’une gastronomie plus allégée, et en mettant en avant les talents et l’inventivité des cuisiniers.
« Tu élimineras les sauces riches »
Christian Millau « a révolutionné le monde de la gastronomie en s’appuyant sur quelques chefs qu’il avait découverts, comme Michel Guérard et Joël Robuchon, et en lien étroit avec Paul Bocuse, en lançant en 1973 la Nouvelle cuisine, un manifeste qui a eu un retentissement mondial », a commenté pour l’Agence France-Presse le directeur général du Gault et Millau, Côme de Chérisey.
Les préceptes de la Nouvelle cuisine, élaborés avec Henri Gault, tiennent en dix points (« Tu ne cuisineras pas trop », « Tu utiliseras des produits frais et de qualité », « Tu allégeras ta carte », « Tu élimineras les sauces riches…) : ils ont eu un effet considérable sur la pratique culinaire, même s’ils ont eu des détracteurs et parfois été caricaturés, et ont largement inspiré la cuisine contemporaine. « Ces commandements de la Nouvelle cuisine ont apporté un big bang dans l’univers de la gastronomie de l’époque. C’était alors une cuisine où les chefs n’étaient pas encore mis à l’honneur, très traditionnelle, avec des viandes plutôt faisandées, des sauces lourdes, de la crème, du beurre… » a rappelé Côme de Chérisey.
Né le 30 décembre 1928 à Paris, Christian Millau (de son vrai nom Christian Dubois-Millot) avait commencé sa carrière en 1947 comme journaliste et grand reporter, travaillant durant plusieurs décennies dans plusieurs quotidiens et magazines, notamment Le Monde, L’Express et Le Point.
Coups de cœur et coups de gueule
Il avait rejoint en outre en 1951 la revue littéraire Opéra, dirigée par l’écrivain Roger Nimier. Il y fréquente toute une génération de romanciers qui ont marqué les années 1950, opposés à l’existentialisme de Sartre qui les avait surnommés les Hussards. Christian Millau avait raconté cette aventure dans Au galop des hussards, paru en 1999 chez De Fallois et qui avait reçu le prix de la biographie de l’Académie française.
C’est en 1969 que sa carrière prend un tournant décisif lorsqu’il lance avec Henri Gault, avec lequel il écrivait déjà depuis onze ans des critiques gastronomiques dans Paris Presse, le Gault et Millau. D’abord sous la forme d’un magazine mensuel (le « GaultMillau ») qui devient un guide annuel à partir de 1972, le « Gault&Millau ». Là où le Michelin se concentrait sur les fameuses étoiles, les deux compères épicuriens apportent un vrai style, et des commentaires personnels, partageant leurs coups de cœur et leurs coups de gueule avec les lecteurs.
« Ce que Millau a révolutionné avec Gault, c’est réellement l’écriture et la chronique, plus que la critique. Gault et Millau – Millau était réellement la plume – ont apporté l’aspect humain de ce métier, et en servant d’intermédiaire entre les clients et les restaurateurs, ils ont fait beaucoup pour rapprocher ces deux mondes », explique Marc Esquerré, rédacteur en chef du Gault et Millau. « Christian Millau est éternel. Cher Christian, que serais-je sans toi ? » lui a rendu hommage son confrère Gilles Pudlowski, auteur des guides Pudlo, sur Twitter.
Source et photos Afp