En 2009, les nutritionnistes brésiliens, inquiets de voir en quinze ans le nombre d’obèses augmenter, ont enquêté sur le mode alimentaire contemporain. Ils ont classé les aliments en trois catégories : bruts, transformés ou ultra-transformés.
La pomme de terre, bouillie dans la classification Nova (nouveau en portugais) est un aliment peu ou pas transformé. Si vous l’écrasez, en ajoutant du beurre et du sel, c’est un aliment transformé. Et si vous en faîtes des chips de pomme de terre avec des arômes artificiels et divers additifs, pour améliorer les qualités sensorielles, vous passez à de l’ultra-transformé.
L’aliment ultra transformé, c’est l’alimentation industrielle qui comprend des éléments « cosmétiques » : des colorants, des exhausteurs de gout, des additifs industriels (sirop de glucose, protéine de lait, arômes, amidon de maïs) pour restaurer, imiter, ou exacerber le goût, la couleur et la texture d’un produit brut…
C’est de la « fake food », ou bouffe bidon, parce que les vrais aliments n’ont pas besoin de tous ces compléments pour être mangés. Les aliments ultra-transformés avancent souvent masqués et ne sont toujours facile à repérer sur les emballages. Mais ce travail de recherche est nécessaire, car des plats peuvent être enrichis en sucre cachés ou en additifs dont on ne connaît pas les effets sur l’organisme.
Qu’est-ce que le cracking ?
On trouve des aliments issus de cette technique dans tous les aliments ultra-transformés. C’est la modification à l’extrême des aliments de base : blé, mais, pomme de terre… Le cracking consiste à décomposer la matière première. Pour le blé, on va extraire le germe, l’amidon. Ces sous-produits vont à leur tour être transformés jusqu’à 10, 20 fois parfois. On va ensuite réinjecter ces éléments dans des produits pour donner de la texture, du gout…
Sauf qu’entre temps, ces matières premières ont été tellement transformées qu’elles ont perdu leur valeur nutritive. Ces aliments n’ont donc plus d’intérêt. C’est comme si on séparait un collier de perles : il n’a plus la même valeur si on met le fil d’un côté et les perles de l’autre. Idem pour la santé, ces produits n’ont plus les mêmes vertus que l’aliment en entier. Le cracking néglige le rôle du fil dans le collier de perles. Plus on fractionne nos aliments et plus on recompose, plus on risque de générer de maladie chroniques.
Comment repérer les ultra-transformés ?
Plus on a une liste longue comme le bras d’ingrédients dans la composition d’un produit, plus on a des risques d’être face à un aliment ultra-transformé. A fortiori lorsqu’on ne reconnait pas les noms, parce qu’on n’a pas l’habitude d’utiliser ces ingrédients culinaires. Il existe toutefois des applications qui peuvent aider : Open food facts et ScanUp indiquent ainsi si le produit est ultra transformé ou non.
Quels sont les risques des aliments ultra-transformés ?
Le nombre d’ingrédients chimiques qui composent ces aliments est incroyable. L’un des records est détenu par le cordon bleu chimique qui, décomposé par des scientifiques, peut comporter jusqu’à 30 ingrédients. On ne connait pas encore tous les effets à long terme de l’ingestion de toute cette chimie, mais de plus en plus d’études vont dans le même sens : elles pointent son rôle dans l’augmentation du surpoids, de l’obésité, du diabète type 2, de syndrome métabolique, d’hyper-tension, de cholestérol… D’autres enquêtes la rendent responsable d’une hausse de 10% du cancer du sein. La bonne nouvelle : l’arrêt de la consommation de ces produits entraîne à l’inverse une diminution d’autant de la maladie.
Quand on achète un kilo de tomates, on sait ce qu’on mange… Sur un produit ultra transformé, on ne sait pas … Les consommateurs se font avoir : ils consomment des produits sur lesquels ils ont peu d’informations. Pas même la recette, soi-disant confidentielle. Plus grave encore : certains aliments sont présentés comme bons pour la santé, alors qu’ils ne le sont pas. On peut avoir des aliments enrichis en minéraux et vitamines, vendus comme complets, allégés en gras et en sucres, mais qui sont en fait gorgés d’additifs et d’ingrédients cosmétiques. Plus pervers encore un « sans huile de palme » peut être indiqué sur le paquet d’un aliment qui contient tous les autres additifs possibles.
Souvent peu rassasiants, les aliments ultra transformés, ont souvent plus tendance à ouvrir l’appétit, et présentent un effet addictif. Les Romains avaient le garum. Aujourd’hui le sodium glutamate, le sucre, le sel, le gras ou des agents de sapidité provoquent des réflexes comme la boite de cacahuète que l’on termine…
Par ailleurs, ces aliments ont des calories très pauvres en effets protecteurs – fibres, vitamines et antioxydants. On parle alors de calories vides.
Faut-il supprimer totalement supprimer les aliments ultra-transformés ?
Ces faux produits sont là pour dépanner et doivent rester rares. L’idée n’est pas de ne plus en manger mais d’en faire l’exception.
Tous les additifs ne sont pas nocifs même si parmi eux, il y a les sels de son, riches en phosphore, ou les amidons modifiés, qui peuvent poser problème. Si on en consomme beaucoup, on ne sait pas s’ils seront bien digérés.
Surtout, il faut protéger les enfants qui sont les cibles préférées des fabricants d’aliments ultra transformés. Cette nourriture leur procure un plaisir facile, immédiat d’accès. Les enfants risquent ensuite d’avoir du mal à revenir à des aliments aux goûts plus subtils, moins marqués, qu’ils vont trouver fades.
Comment se passer des aliments ultra-transformés ?
En refaisant la cuisine ! Contrairement à une idée reçue, cela ne coûte pas forcément plus cher, et en s’organisant, cuisiner ne prend pas tant de temps. On peut lancer un plat à mijoter pendant 4 h et s’occuper des enfants, aller sur les réseaux sociaux ou lancer une lessive pendant ce temps-là.
Dans son livre Halte aux aliments ultra transformés, mangeons vrai,le Docteur Anthony Fardet propose trois règles pour limiter la malbouffe :
- Règle numéro 1 : manger 85% de produits végétaux au minimum et 15% de produits animaux au maximum,
- Règle numéro 2 : limiter les ultra-transformés,
- Règle numéro 3 : diversifier son alimentationet manger des produits bio, locaux, de saison
Ecouter Grand bien vous fasse sur les aliments ultra-transformés avec Bruno Timsit, réalisateur du documentaire Aliments industriels: nous rendent-ils malades ?, Anthony Fardet, chargé de recherche en alimentation préventive et holistique, auteur de Mangeons vrai, Halte aux aliments ultra-transformés !(éditions Thierry Souccar), Irène Margaritis, chef de l’évaluation des risques liés à la nutrition à l’ANSES, l’agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation et Arnaud Daguin, cuisinier « agitateur » et défenseur d’une agriculture du sol vivant.
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Colorants, exhausteurs de gouts, additifs alimentaires - quand c'est servi au restaurant, ça s'appelle "cuisine moléculaire" et est salué par le Michelin. La mode est passée, mais les additifs sont restés en cuisine. Sans devoir d'en informer le client.