Arnaud Donckele / Arnaud Lallement – Quatre mains de cœur au service des émotions

 Arnaud Donckele – Arnaud Lallement Quatre mains de cœur au service des émotions

© Texte et photos : Julie Limont

Arnaud Lallement et Arnaud Donckele

Shooter un service, c’est pénétrer au cœur d’une intimité. On a beau tenter la discrétion, espérer se faire oublier, après un temps à observer et apprivoiser les présences, on n’en reste pas moins là, avec son boitier, ses clics et ses optiques, à bousculer parfois quelque peu les espaces quitte à finir à demi étalée sur le passe pour capter les nervures d’une jeune pousse en transparence.

Shooter un service est un jeu d’équilibriste, un risque pris, de part et d’autre, et je suis chaque fois et toujours extrêmement touchée, reconnaissante et honorée d’être reçue dans ces cuisines. Mais quand il s’agit de chefs que je ne connais pas, voire n’ai même jamais croisés, ou si peu, ou de si loin, dans l’anonymat des flashes de photos officielles, cela revêt une saveur toute particulière, comme une timidité inquiète mêlée d’excitation.

Tartelette haricots verts, amande et tonka

Courgettes boules collection au chèvre truffé

La semaine passée, me voilà donc sauter dans un train pour rejoindre Saint-Tropez et les cuisines du sublime Cheval Blanc.

J’y suis accueillie par le sourire de deux Arnaud, dont les yeux trahissent l’amitié qui les lie. Attablés pour quelques minutes d’interview croisée, il semblerait qu’une quatrième présence nous ait rejoint, tant la tendresse et le respect entre eux sont palpables. Beaucoup d’admiration, également, pour leur travail respectif, dans une bienveillance enveloppante qui saurait émouvoir aux larmes.

Fleur de courgette croustillante, sous l’olivier de Provence

Je ne vous conterai ici leur parcours, ni même leur distinctions, mais plutôt la naissance de ce quatre mains, qui, m’expliquent-ils de concert, n’en est pas vraiment une, sinon juste une simple évidence.
Ces deux-là se connaissent de longue date, et de rencontres de chefs en cérémonies diverses, ils ont su tisser des liens qui n’ont fait que se renforcer au fil du temps, de leurs échanges, partages, et surtout de leurs affinités. Pourtant d’un bout à l’autre de la France, et aux antipodes dans leur signature culinaire, ils se sont retrouvés en totale adéquation sur l’essentiel, qu’ils nomment ici en deux mots : les sauces.

Ci dessous, Florent Magnini, chef pâtissier également en charge des amuse-bouche

Arnaud Donckele me présente alors son convive comme le plus grand saucier de l’hexagone, selon lui et à cette heure, offrant « la plus belle représentation contemporaine de la sauce via son histoire française ». La recherche de la profondeur, de la vélocité, l’acidité donnée par les vins… Arnaud Lallement, touché, poursuit par une métaphore se référant à sa région viticole : il se définit comme faisant du parcellaire, là où Arnaud Donckele serait un assembleur, tel un parfumeur ou artisan du Cognac.
Le champenois s’avoue admiratif de cette capacité à réunir autant de saveurs diverses au cœur d’une même assiette, sur le fil d’un équilibre incroyable dont son hôte seul détient le secret, là où lui- même se dit ne savoir travailler que dans la trilogie.
Pour autant tout deux se rejoignent sur cette sauce, cet indispensable qui enveloppe, dans une sensualité émouvante, révèle et aboutit chaque plat. Qu’elles comptent 14 ou 3 ingrédients, leurs cuisines ne sont pas en quête de performance sinon de profondeur, de corps, d’intensité, avec la sauce comme finition, lien, et surtout comme ADN de cette gastronomie française.

Sériole et chair d’esquinado, sauce corail et bouillon de cigales de mer au romarin

Si leur passion est débordante et contagieuse, la sincérité de leur fraternité l’est tout autant. Défenseurs mutuels et protecteurs l’un envers l’autre, ils sont heureux d’être de cette génération de chefs qui semblent retrouver bienveillance, respect et cohésion, dont l’image emblématique pourrait être le couronnement étoilé de Christophe Bacquié, il y a deux ans, littéralement porté aux nues par ses confrères.

Mais leur force est sans doute l’incroyable humilité dont ils font preuve, honorant leurs titres en remerciant leur chance de travailler dans de si belles maisons, qu’ils s’attachent à me définir « de famille », entourés d’équipes sans lesquelles ils ne seraient rien. Binômes précieux, formés par Thierry Di Tullio et Arnaud Donckele à la Vague d’Or, et Arnaud Lallement et sa femme, Magali, à l’Assiette Champenoise, ils partagent douleurs, efforts, doutes et joies, dans cette quête permanente à offrir du bonheur et chercher l’affection en retour.

Cyril Bourbonois, second d’Arnaud Lallement

J’avoue. Ces deux-là sont désarmants. Et leur émotion à me parler des yeux qui pétillent, des larmes de leurs clients, touchés par leur cuisine, ou des efforts qu’ils peuvent faire pour venir la découvrir, d’un aller-retour de New York ou d’années d’attente pour s’offrir une soirée d’exception, comme étant les plus belles des récompenses à leur investissement et à leur engagement, m’a cueillie, intimement.

Anguille fumée, jus de cresson

Tomate confite 12 heures, servie avec une eau de tomates

Eau de tomate

Bertrand Noeureuil, futur chef adjoint au Cheval Blanc Paris

Pâte Zitone fourrée de truffe noire et foie gras

Homard bleu, oignons, paprika

Turbot cuit aux morilles des pins et palourdes

Lapereau au fenouil, à l’absinthe et au lard paysan

Feuille-à-feuille aux fruits rouges

Mignardises autour de la vanille de Tabaa et cédrat

L’ASSIETTE CHAMPENOISE – Relais & Châteaux à Tinqueux 

LA VAGUE D’OR – LE CHEVAL BLANC – Saint-Tropez

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