L’offre de vins rosés a explosé, surfant sur une soif de fraîcheur et voulant suivre l’épopée provençale sur sa couleur fétiche. Pour le chef ou le sommelier c’est l’opportunité de continuer à vendre du vin en période estivale, le rosé se prêtant facilement au seau à glace. Souvent, par facilité ou par réflexe, on se contente d’ajouter à la carte des vins des rosés proposés par des producteurs déjà présents dans la sélection maison. Or la couleur rosée peut être aussi l’occasion de se différencier, de sortir des sentiers battus, de surprendre sa clientèle, se renouveler, d’animer ses ventes. Voici trois flacons pour trois « catégories » de tables ou de cuisine, histoire de ne pas s’endormir sur ses rosés !
Pour une table gastronomique à tendance nature
Cuvée Thyrsus, 95/100, le sans soufre du Domaine La Bégude
Voilà un 100% mourvèdre, élevé 8 mois en amphore de terre cuite, issu d’une parcelle exposée nord-ouest, à quasiment 400 mètres au-dessus de la Méditerranée. Comme sur l’ensemble de ce vaste vignoble cultivé en biodynamie, la combinaison altitude, présence marine et cépage adapté (on dit du mourvèdre qu’il a besoin de voir la mer) donne un résultat à l’identité terroir bien marquée. La robe groseille soutenue, le bouquet de cerise confite et de garrigue, la structure harmonieuse et charnue, la finale sur la menthe sauvage et le piment de Cayenne imposent gourmandise et franchise. Même s’il est en IGP Méditerranée, c’est toute la vigueur et le caractère de Bandol que l’on retrouve dans ce flacon. Labellisé Vin Méthode Nature, donc sans intrants, ce vin permet un story-telling bien argumenté.
On va pouvoir le servir en dessous de dix degrés comme à température de la cave jusqu’à la fin de l’automne.
Pour un esprit-guinguette chic chic chic
Cuvée Art de Vivre en bouteille céramique, 94/100, Vignobles Gérard Bertrand
On mange d’abord avec les yeux ! Mais pas question de transiger sur la qualité alors misez sur ce rosé reloocké cette année : c’est le flacon parfait avec sa teinte poudrée, son touché terre cuite sensuel, son côté ré-emploi évident, voilà déjà trois arguments ultra-tendance. Sa présence sur table va attiser la curiosité et ouvrir le dialogue entre convives et équipe. La dégustation nous révèle un jus délicat au bouquet floral enchanteur : grenache, cinsault et syrah exhalent parfums de rose et de chèvrefeuille, le palais est en cohérence avec arômes Mara des bois puis une très fine saveur de zeste d’agrume en finale pour mettre les papilles en appétit. Un AOC Languedoc beau dehors et bon dedans.
Pour table branchée, un no-low qui pétille
Cuvée So Jennie, 0% par So Jennie Paris
Voilà bien un ovni qui est passé sous les radars de la presse nationale mais pas des dégustateurs internationaux. Distingué par le Concours Mondial de Bruxelles, cette bulle décroche une des rares médailles d’or de l’édition 2025. Quand on connait la rigueur des dégustations à l’aveugle de ce concours, il faut s’attarder sur cette bouteille élégante qui n’est pas conçue par un vigneron mais une créatrice d’évènements nationaux et internationaux que rien n’arrête : Jennie Kergoat-Ruelland, ne trouvait pas de sans alcool à son goût (et je la comprends) susceptible d’être servie à tous les publics. Il lui a fallu des mois de recherches et de collaborations pour élaborer cette fine bulle à partir de moût de cabernet-sauvignon qui a déjà séduit de très grandes tables. Noté au-delà de 90/100 par le jury du Concours Mondial de Bruxelles.
Pour rappel, mon barème de notation :
De 99 à 95 : vin exceptionnel
Vin doté d’une très forte personnalité où se détachent l’élégance, l’équilibre, la complexité et la puissance. Ces vins émergent souvent dans les grands millésimes.
De 94 à 91 : très bon vin
Vin dont la personnalité affirmée repose sur une adéquation parfaite entre son terroir, son encépagement, sa technique de vinification, son millésime et le vigneron qui l’a produit
Par Sylvie Tonnaire, journaliste, dégustatrice et critique en vins