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EXTRAITS
Meilleur Ouvrier de France et chef boulanger de la Société des Bains de Mer à Monaco, Thomas Subrin a fait coup double cette année. Une consécration dans une jeune carrière démarrée à 18 ans.
À la roulette du Casino, Thomas Subrin peut jouer sans problème les chiffres de l’année 2019. Et s’il ne vide pas la banque, il aura quand même fait coup double cette année. Décrochant d’un côté le poste de chef boulanger du pôle sucré de la Société des Bains de Mer pour fournir tous les établissements du groupe. Et de l’autre, le titre de Meilleur Ouvrier de France (MOF) catégorie boulangerie.
Pour un garçon qui a façonné, réfléchi voire même rêvé des pains et des viennoiseries plus de la moitié de sa vie, c’est un accomplissement. Depuis l’adolescence, il vit boulangerie du matin au soir. Le reste du temps? « Je dors » lance-t-il, dans un sourire, embrayant sur les vertus d’un croissant bien cuit ou d’un pain suffisamment bien levé. Son métier, il le raconte avec une passion communicative. Sans quitter sa veste au col bleu blanc rouge. Privilège réservé aux MOF.
Ils sont deux cette année à avoir ce trophée, véritable Oscar de la profession. « Le soir même où j’ai eu le résultat, j’ai reçu une vingtaine de sollicitations pour travailler dans le monde entier », raconte-t-il. « J’ai travaillé depuis toujours pour ça, je n’ai pas changé, mais professionnellement, le regard des gens change. Leur vision est différente. »
Dans son laboratoire situé sous le One Monte-Carlo, le titre ne change guère les rapports parmi la vingtaine de personnes que le trentenaire dirige dans cette brigade particulière. « En boulangerie on est très fraternels, on devient vite une famille dans un laboratoire, de par le rythme soutenu, les liens se créent rapidement. »
Lui, a déjà passé plus de la moitié de sa vie dans un fournil. Et pourtant ce n’était pas une vocation maturée dès l’enfance. Lyonnais d’origine, il a grandi dans le Beaujolais, avec un père viticulteur. Et a surpris ses parents quand au sortir du collège, il préfère la farine à la vigne. « À vrai dire, je ne sais pas ce qui m’a attiré vers la boulangerie, j’avais un oncle boulanger mais je ne l’ai pas connu. »
Sa vocation, il la façonne en apprenant. BEP, CAP, Bac Pro au lycée Hôtelier François Rabelais à Lyon. Les diplômes posent les bases. Les stages lui apprennent la réalité du métier et les nuits blanches passées derrière le four.
À 18 ans, tout juste majeur, il accepte une première mission au Bénin. Un ami ouvre une boutique à Cotonou et lui demande son expertise pour piloter l’installation d’une boulangerie dans ce pays d’Afrique de l’Ouest. Quatre mois sur place. Une plongée dans le grand bain pour recruter et former de la main-d’œuvre, établir la carte, choisir les produits.
« Ça m’a beaucoup appris humainement plus que professionnellement. Du haut de mes 18 ans, j’ai vu la vie en pleine face. La pauvreté, les maladies, des habitants avec un pouvoir d’achat inexistant. Je suis ressorti différent et j’y pense toujours », retient-il.
De retour à Lyon, il est ouvrier dans plusieurs maisons, apprend le rythme, confirme sa technique avec un brevet de maîtrise « pour aller dans le vif du sujet ». Son parcours montre déjà la volonté d’être expert dans son domaine et de prendre les rênes d’une équipe. Ce qui le pousse à répondre à une petite annonce en 2007, après deux saisons en station de ski, pour un poste à Monaco.
Alors qu’il empoche en groupe, cette année-là, le titre de champion de France de boulangerie, il débarque en mai dans les cuisines de l’hôtel Métropole. « J’ai fait le choix de découvrir l’hôtellerie, alors que je n’avais travaillé que chez des artisans. Je découvre aussi Monaco, que je ne connaissais pas du tout, ça m’a sorti de ma campagne du Beaujolais », plaisante-t-il.
Il restera huit ans et demi, responsable de la boulangerie du palace, dans l’ombre du chef Joël Robuchon. Il apprend, dans ses pas, la rigueur. « J’ai eu la chance de voyager plusieurs fois avec lui dans ses nombreux restaurants dans le monde. Par exemple, à Las Vegas où j’ai mis en place des produits servis dans ses établissements. Observer la rigueur qu’il y a dans une cuisine étoilée m’a beaucoup inspiré, je dois dire. »
C’est cette rigueur qu’il a choisi d’appliquer dans le pôle sucré de la SBM où le chef Joannès – lui aussi meilleur ouvrier de France – lui a demandé de faire tourner la boulangerie. « Il m’a proposé cette place avant les résultats du concours. J’ai accepté avec plaisir, il m’a fait confiance et je ne regrette pas, c’est un superbe projet. »
Et quand il parle technique, là encore la rigueur prime tant la boulangerie est une science exacte pour produire chaque jour des centaines de viennoiseries et de pains de toutes tailles.
« Le procédé est plus important que la recette. Les doses, les températures, il faut tout maîtriser pour assurer la fermentation de la pâte, qu’on ne contrôle jamais à 100%. Mais ce n’est pas simplement de l’eau et de la farine. »
À voir les petits bijoux qu’il sort du four, proposés dans tous les établissements de la SBM, on comprend la dose de virtuosité qu’il faut pour réussir un croissant moelleux et croustillant ou un pain. Un travail digne d’un meilleur ouvrier de France. Qui pourrait l’emmener vers d’autres projets? « Chaque chose en son temps, des projets j’en ai et j’espère avoir un jour un établissement à mon nom, car c’est toujours gratifiant de travailler pour soi. »
Ce n’est pas l’armée… mais c’est tout comme. La préparation d’un concours de meilleur ouvrier de France exige un mental et une technicité d’un champion olympique. Après une première tentative loupée, « où je n’étais clairement pas prêt » assure-t-il, « cette fois j’ai tout donné ». Le mental de la gagne, après une déconvenue professionnelle dans une entreprise monégasque qui a fermé ses portes.
« Je me suis défoulé dans la préparation de ce concours, un ami boulanger ainsi que le CFA (Centre de formation d’apprentis) de Carros ont mis à disposition des laboratoires, pour que la nuit je puisse travailler mes recettes. »
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« On l’appelle le paradis, il s’agit de la première pression du jus de raisin pas encore fermenté. Ce n’est pas encore du vin et c’est très fort olfactivement. Je l’avais récupéré dans le vignoble de mon père et congelé pour le concours. Quand je me suis mis à le travailler, ça a parfumé toute la cuisine. »
Un détail qui a séduit le jury? « Il faut surtout beaucoup de mental, être prêt. S’il y a une erreur que le jury décèle, il faut savoir rebondir. » Cette fois a été la bonne. Le 13 mai, il reçoit sa distinction à la Sorbonne avant une réception à l’Élysée.
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