Je devrais essayer de faire court (Sébastien sait pourquoi — lol), mais j’ai pris plein de photos et j’ai des tas de choses à dire, alors voilà. Je vous résume l’affaire : Le Bel Ordinaire, c’est le lieu de Sébastien, dont il rêvait depuis longtemps. Il l’a mitonné, organisé, peaufiné, chiné, imaginé au petit poil. C’est grand, c’est haut de plafond, c’est joliment meublé et décoré dans un style brocante Fifties-cantine scolaire (Sébastien n’est-il pas coauteur de Cantines, ouvrage mémorable dont j’avais réalisé l’antistylisme en 2006 ?) et avec ce sens de la déco humble qui caractérise le bonhomme.
Les cartes de visite sont aussi à son image, le gars Seb n’étant jamais avare d’un affreux jeu de mots (et on en redemande).
C’est plein d’étagères pour y déposer un magnifique choix de produits où notre amphitryon a mis tout son cœur. Vous y trouverez la pasta Fabbri de Florence, le meilleur piment d’Espelette (celui de Christian Aguerre, pardi), les confiotes du Château à Vincennes, du ketchup au chipotle (miam !), du saint-nectaire fermier, du saucisson du mont Gerbier-de-Jonc et la meilleure des harissas.
Ces étagères, c’est aussi pour ranger une très belle collection de bouteilles d’un bon naturel et raisonnablement tarifées. C’est aussi plein de tables et de chaises, avec une longue table d’hôtes au milieu. Avant de vous attabler, vous allez choisir votre quille, soit dans les rayons, soit au frigo. Et vous pouvez repartir avec l’un ou l’autre, ou tout un tas, de ces excellents produits d’épicerie fine amoureusement sélectionnés. Vous pouvez enfin ouvrir le pot de harissa à table et le manger entièrement avec vos doigts, par exemple.
Une visite au Bel Ordinaire donne l’occasion d’admirer Sébastien sous tous ses aspects. Ici en mode bistrotier parisien fier de son œuvre ; il ne lui manque plus que le vieux berger allemand étalé sur le pavé.
Ou alors en mode Vatel quand une livraison de queues de langouste tarde à se manifester. Il est alors urgent de planquer tous les objets tranchants, des lames de cuisine aux couteaux à beurre.
Mais les langoustes, ça va, ça vient. On se régalera d’autre chose ce jour-là. L’équipe de cuisine assure : Nicolas, assisté de Marin, sait faire à manger. L’expression est forte. Je ne l’emploie pas pour n’importe qui. Il fait de la vraie cuisine, de vrais plats, du vrai miam. « On a même fait de la piémontaise ! » s’exclame le patron, extasié. Continuez comme ça, faites même du bœuf miroton, du riz Condé, des lucullus, c’est jamais moi qui vous en empêcherai ; mais en attendant, on choisira avec appétit ce qu’il y a à la carte.
Celle-ci est divisée en cinq catégories : vert, mer, chair et desserts, plus une série d’en-cas. Les quatre premières sont de vrais mets en mode entrée, plat, dessert. La cinquième est plutôt du genre sur le pouce, tapas et zakouskis. Et tout est très bon, mitonné, bien relevé, à base de beaux produits dont quelques-uns vous contemplent du haut des étagères. Voilà, c’est ainsi que fonctionne Le Bel Ordinaire, un lieu polyvalent et inspirant d’usage extrêmement facile et même réjouissant par sa simplicité. Vous pouvez y aller sans hésiter, même par temps de canicule (comme à l’heure où j’écris), parce que la clim’ fonctionne, en plus.
Pourrais-je résumer ce lieu en une phrase ? C’est une espèce de quadrature du cercle, parce que c’est apparemment fondé sur une formule qu’on croit trouver partout, mais ça ne ressemble à rien de connu.
Le Bel Ordinaire – épicerie, cave, table. 54, rue de Paradis, 75010 Paris. Tél. 01 46 27 46 67. Métro Poissonnière. Ouvert du mardi au samedi de 11 heures à 23 heures. Fermé dimanche et lundi.
À la petite cuillère
Textes et photos : Sophie Brissaud