C’est une histoire qui en dit long sur l’époque et sur la manière dont la restauration française redéfinit parfois brutalement les contours de l’hospitalité !
Le 19 octobre dernier, un père de famille s’est vu réclamer 65,90 euros pour que son fils de 13 mois puisse s’asseoir sur une chaise haute aux Grands Buffets de Narbonne, l’un des établissements les plus fréquentés de France !
Refusant de payer ce qu’il considère comme une absurdité, le client a finalement dîné avec son enfant sur les genoux. Le tout, sous le regard étonné d’une salle comble et d’un journaliste de Midi Libre.
Depuis, le débat s’enflamme : faut-il vraiment payer plein tarif pour un nourrisson qui ne mangera pas ?
Louis Privat, président-fondateur du restaurant, assume sans détour.
« Nos clients savent qu’il n’y a plus de menu enfant, ni de gratuité pour les moins de six ans. Ils doivent cocher une case pour réserver. Nous ne sommes pas les seuls à avoir cette politique »,
déclare-t-il.
Le message est clair : ici, pas d’exception, pas de demi-mesure et encore moins de demi-portion !
Depuis le 1er octobre 2025, les Grands Buffets ont fait évoluer leur modèle vers une offre unique à 65,90 euros par convive, sans réduction d’âge. L’établissement justifie ce choix par une « montée en gamme » : un buffet désormais qualifié de « gastronomique », un service théâtral, une expérience calibrée pour durer trois heures.
Dans ce cadre, explique la direction, un bébé n’a pas forcément sa place.
Le site officiel du restaurant recommande d’ailleurs aux parents « de réserver cette expérience unique pour plus tard, pour le plus grand plaisir de tous ».
En d’autres termes, la maison se veut sans concession : pas de poussette, pas de bagage, pas de gratuité. Une posture que ses partisans saluent au nom de la cohérence d’un concept, mais que ses détracteurs jugent incompatible avec la vocation même de la gastronomie française celle de faire table ouverte.
L’affaire dépasse le simple fait divers. Elle interroge la frontière évolutive entre modèle économique et valeur d’accueil. Peut-on prôner la convivialité et refuser un enfant ?
Dans le cas des Grands Buffets, l’argument avancé est celui de la logistique : un établissement de plus de 350 000 couverts par an, où la circulation incessante des clients et des serveurs rend difficile la présence de poussettes et de très jeunes enfants.
Mais cette rationalité économique heurte un imaginaire collectif : celui d’une France où le repas reste un rite social et familial, où l’on apprend la vie autour d’une table.
Ce n’est pas tant le prix de la chaise haute qui choque que le symbole : une porte qui se ferme au nom d’une expérience jugée trop longue, trop exigeante, trop adulte.
En maintenant sa ligne, Louis Privat sait qu’il divise. Mais il assume, convaincu qu’une marque forte se construit sur la cohérence, pas sur le compromis.
Guillaume Erblang