Le « mangeur français » – Les Français vont de plus en plus au restaurant, la vente au comptoir s’envole

 Comme toujours les analyses du marché de la restauration par Bernard Boutboul fin connaisseur du secteur ( GIRA Conseil ) sont très instructives pour tous les acteurs de l’univers de la nourriture, hors domicile et toute la communauté qui suit F&S. Les habitudes des Français changent, le temps passé à table àadégringolé, par contre la vente au comptoir s’envole… Suivez son constat sur le terrain.

Retrouvez ci-dessous son analyse postée sur son compte Facebook.

Quelles sont les spécificités du « mangeur » français ?

Le modèle alimentaire français reste (encore) centré sur 3 repas, même si le petit déjeuner reste (encore) faible. Les Français « se posent » pour manger, de préférence pas seuls, avec un temps moyen à table de 31 mn contre 1h30 dans les années 70. Le temps du repas semble aujourd’hui se stabiliser. Peut-être a-t-on atteint une limite incompressible…contrairement aux américains qui sont descendus à 19 mn !!

Le Français est surtout un mangeur paradoxal : il mène une double vie alimentaire. En effet ses pratiques sont très différentes à la maison et hors domicile. Chez lui, il fait (dit faire) attention à ce qu’il mange. Le restaurant reste au contraire un lieu de plaisir où le tandem gras- sucré est roi dans les statistiques de vente.

Où et comment mange-t-on, en dehors de chez soi ?

La C.A.H.D (Consommation Alimentaire Hors Domicile) se répartit en cinq segments pour un chiffre d’affaires global de près de 90 milliards d’euros en 2017. 
On distingue classiquement la restauration commerciale, qui regroupe les chaînes et les indépendants, La restauration collective avec ses 3 segments ; santé, enseignement et entreprise. A côté, s’ajoutent la restauration hôtelière, avec des caractéristiques propres (petits déjeuners, déjeuners, dîners toute l’année…) et la restauration automatique qui émerge depuis 5 ans : il s’agit de produits ou plats préparés (salades, box, pizza…) en distributeurs dans les usines, les hôpitaux, les campus et même en hôtellerie. Enfin, les C.A.A ( Circuits Alimentaires Alternatifs) sont loin d’être négligeables et progressent très vite. Ils regroupent tous les commerces qui proposent une forme de restauration (traiteurs, boulangeries, grandes, moyennes surfaces et commerces de proximité, stations-services, cinémas, …) Ils pesaient 15% du chiffre d’affaires global restauration France en 2017 et leur poids a encore fortement progressé en 2018. Sans parler de la V.A.C (Vente au comptoir) dont le chiffre d’affaires et la croissance seront surprenants dans les chiffres que consolide Gira, à paraître dans notre étude qui sortira en mai prochain

Pour la majorité des Français la priorité reste (encore) le prix. Dans 75% des repas que les français prennent hors de leur domicile, le ticket moyen est inférieur à 11€ TTC/BC. A l’opposé les repas « haut de gamme », plus de 33€ TTC/BC de dépense moyenne représentent 2,7% des repas.

Si l’on regarde maintenant comment les produits sont distribués aux consommateurs, deux grands modèles ressortent : la vente au comptoir et le service à table. Une petite révolution s’est opérée dans les années 2010 : la vente au comptoir a détrôné le service à table, au pays de la gastronomie ce n’est pas anodin. Une évolution des modèles se dessine…

Quelles sont les évolutions récentes des différentes formes de restauration?

Globalement le nombre de repas pris hors domicile augmente partout en France . Mais les Français ont des attentes de plus en plus marquées. Ils sont pressés mais beaucoup moins que nos voisins européens, il savent de moins en moins cuisiner et ceux qui savent encore, prennent de moins en moins le temps de se mettre aux fourneaux. Ils sont à la recherche de qualité, de gout, d’expériences nouvelles et d’informations sur le contenu de leur assiette. En conséquence les formes de restauration évoluent.

La restauration distribuée au comptoir ou en libre service se développe mais surtout monte en gamme. A l’opposé la gastronomie se réinvente, donnant naissance à la bistronomie, petites tables ouvertes par de jeunes chefs, plus abordables et qui s’affranchissent des codes classiques : cartes plus courtes et à rotation rapide, pas de nappe, vaisselle simple et on ouvre les cuisines pour tout montrer. Entre les deux, les brasseries traditionnelles, si elles n’ont pas su évoluer, sont dans une impasse.

La restauration collective est impactée par ricochet : les clients sont en attente de qualité et de diversification dans les menus. Ils veulent qu’elle se rapproche de la restauration commerciale mais en gardant les prix bas pratiqués aujourd’hui.
On note toutefois une vraie différence des attentes entre les repas du midi, rapides et fonctionnels pour lesquels on fait attention à son budget, et les repas du soir ou du we, où l’on se fait plaisir dans une ambiance conviviale ou le partage prend une place de plus en plus importante.De ce fait, avoir la même carte midi et soir avec le même mode de distribution a de moins en moins de sens.

Scandales alimentaires récents, crise économique, attentats, manifestations… la période est difficile pour les restaurateurs, comment gèrent-ils ? 
Quelles sont les perspectives pour l’avenir ?

Les scandales alimentaires ont évidemment touché le milieu avec en conséquence des attentes fortes en termes de traçabilité et de qualité. Les consommateurs sont, pour la plupart, prêts à payer un peu plus pour manger mieux et être informés. La labellisation des restaurants est à priori une bonne idée. Plusieurs régions ont mis en place « produits d’ici cuisinés ici » pour mettre en avant les produits locaux travaillés sur place. Malheureusement ces labels restent trop confidentiels souffrant d’un déficit de communication. Au niveau national on a beaucoup parlé du fait maison. Il s’ajoute en fait à des labels existants comme maîtres restaurateurs, restaurant de qualité, ou collège culinaire de France 
Le client est finalement perdu par cette accumulation mal expliquée.

Le marché de la restauration hors domicile est très porteur aussi bien le midi que le soir, la semaine que le week end et il va l’être de plus en plus dans les années à venir malgré les perturbations énoncées précédemment.

La remise en cause du modèle économique en faisant de la restauration autrement pour des consommateurs qui ont changé me semble être la voie à emprunter.

 

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