Avec la triple crise (économique, sociale et sanitaire) que le pays connaît actuellement, le coût de la vie a beaucoup augmenté ; dont les prix des loyers et des denrées alimentaires. « Les prix des produits ont incroyablement grimpé », confirme Azzam el Merhebi – chef libanais qui a tenu un restaurant en Italie pendant 11 ans, et a ouvert Bavaglino à Beyrouth en 2018. Joint par téléphone, il s’est confié pour F&S sur la situation : « On a encore des clients, heureusement ; mais ça n’a rien à voir avec ce qu’on a connu avant… Non seulement les gens ont peur du coronavirus, ce qui fait qu’ils sortent moins ; mais en plus, la crise économique que le pays connaît a réduit leur pouvoir d’achat. » Ce qui a entraîné un changement drastique du mode de consommation : « Avant, les couples qui venaient dîner commandaient un peu de tout ; des antipasti, un plat de pâtes, deux pizzas, deux desserts ; maintenant, pour pouvoir continuer à aller au restaurant, ils consomment beaucoup moins. Certains ne prennent qu’une pizza pour deux, et peut-être un verre de vin en accompagnement. »
Parmi ses clients du moment, le chef Azzam voit revenir les habitants du quartier ; mais aussi des touristes et expatriés, qui n’ont pas pu rentrer à temps dans leur pays respectif avant la mise en place du confinement (et de la fermeture de l’unique aéroport du pays, ndlr). « Ils viennent pour déjeuner ou dîner, achètent une pizza, la mangent sur l’escalier Saint Nicolas qui conduit au restaurant ; puis repartent. » Au final, cette réouverture s’inscrit en dents de scie ; « le 4 mai, j’ai fait trois tables de deux personnes, plusieurs commandes à emporter, et quatre livraisons. Et depuis, c’est à peu près la même chose. On est très loin de nos chiffres habituels… »
En ce qui concerne les mesures d’hygiène imposées par le gouvernement, seule la vente de plats chauds est autorisée. « Du coup, j’ai dû supprimer de ma carte les entrées et les desserts froids », explique le chef ; qui se concentre désormais essentiellement sur les pizzas. Il doit aussi fermer son restaurant plus tôt que de coutume (le couvre-feu étant désormais fixé à 19 heures) ; et ne peut accueillir que 2 personnes par table. « Nous avons le droit de recevoir 20 clients au maximum », précise-t-il ; en sachant que Bavaglino a une capacité d’accueil de 70 couverts.
Du côté de l’équipe, les choses se sont également restreintes ; habituellement épaulé de trois personnes en cuisine, le chef est maintenant seul, ou aidé d’un commis, selon. « En salle, j’ai le manager et 2 serveuses ; l’une vient le matin, l’autre l’après-midi. Voilà comment on a réparti les choses pour pouvoir garder tout le monde. Comme je ne veux pas perdre mon équipe, je les fais travailler à mi-temps. » Entre l’équipe à payer, le loyer (que la dévaluation de la livre a fait augmenter), et le prix des ingrédients qui a augmenté aussi, les profits sont actuellement inexistants. « Je réussis à tenir pied, ce qui est déjà bien ; surtout quand on sait que 860 restaurants ont fermé à Beyrouth cette année… Mais je ne gagne rien », dit le chef. « Le cours du dollar me mange toute la marge. Et je ne peux pas répercuter cela sur ma carte ; sinon, les clients, qui eux-mêmes souffrent financièrement, ne viendraient plus. »
En plus de ce manque à gagner, le chef s’inquiète aussi de la raréfaction de certains ingrédients. « Beaucoup de nos produits sont directement importés d’Italie ; l’aéroport étant toujours fermé, il y a donc des produits que nous n’avons plus ; comme la truffe, la mozzarella fraîche, etcetera. Alors je m’en passe ; je préfère encore manquer, que de faire un compromis sur la qualité. » En attendant un hypothétique retour à la normale, le chef Azzam tient bon ; et espère passer le mois. En juin, il saura s’il peut continuer l’aventure Bavaglino…
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Un bon regard sur d'autres lieux que la France ou l'Europe proche
Montre que la crise et les réponses y sont différentes
Bien attirant en tous cas (quand nous pourrons reprendre le ciel)