Linotte mélodieuse, mésange boréale, hirondelle rousseline ou encore martin-pêcheur d’Europe… Ces oiseaux font partie des espèces menacées placées sur la liste rouge de l’Union internationale de la protection de la nature (UICN). Vingt d’entre elles, qu’Allain Bougrain-Dubourg, président de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO), qualifie d’« agonisantes », continuent pourtant d’être chassés chaque année.
« La tourterelle des bois a perdu 80 % de sa population mais on continue d’en tuer 100 000, est-ce acceptable ? » a-t-il questionné lundi sur BFM, alors que le gouvernement venait d’annoncer la baisse du prix du permis de chasse et une nouvelle gestion des espèces chassables.
Si ces spécimens menacés restent dans le viseur des chasseurs, c’est parce que la liste rouge de l’UICN n’est pas une réglementation. « Il s’agit d’un outil scientifique permettant de connaître l’état de conservation des espèces », explique Florian Kirchner, écologue et chargé du programme « espèces » à l’UICN France. Les oiseaux qui sont signalés sur cette liste comme étant « en danger » ou « vulnérables » ne sont donc pas légalement interdits à la chasse.
Encadrer une chasse modérée
Ce choix politique favorable aux chasseurs porte préjudice à certaines espèces, selon Florian Kirchner. « La tourterelle des bois est menacée en France et en Europe. Le conseil de l’Europe avait soumis une proposition pour interdire sa chasse mais la France s’y est opposée », regrette-t-il. Pour l’écologue, les spécimens menacés ne devraient pas faire partie des 64 espèces d’oiseaux chassables. Il envisage toutefois une exception pour ceux qui sont menacés mais pas en voie d’extinction. Ils pourraient alors faire l’objet d’une chasse « modérée »
Cette logique va dans le sens de la nouvelle gestion « adaptative » de la chasse dont le principe a été retenu dans le plan biodiversité présenté en juillet par le ministre démissionnaire Nicolas Hulot. Elle consiste à collecter des données sur l’état de conservation des espèces et sur les prélèvements des chasseurs (le nombre d’animaux qu’ils tuent pendant la saison de chasse). « C’est une bonne idée puisque cette gestion permet d’ajuster les autorisations de chasse en fonction de l’état de chaque espèce, année après année », remarque Florian Kirchner. Un conseil scientifique doit être mis en place prochainement pour éclairer les décisions pour chaque espèce.
L’écologue souligne toutefois un bémol dans la mise en œuvre de cette pratique adaptative. « Dans les décisions, c’est le lobbying du monde de la chasse qui l’emportera », anticipe-t-il. Dominique Aribert, directrice du pôle conservation de la nature à la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO), critique quant à elle la base « fragmentaire » sur laquelle se fonde cette pratique. « Pour être fiable et efficace, la gestion adaptative suppose que les chasseurs rendent compte de leurs prélèvements. Or, ils ne le font pas, ce qui faussera nos connaissances sur l’état de conservation des espèces. Cela nous empêchera de savoir précisément lesquelles doivent être signalées comme menacées », tance-t-elle.
Moratoire sur la chasse de certaines espèces
En attendant que ce dispositif soit opérationnel, le gouvernement a défini un moratoire sur certains spécimens pour la période de chasse 2018-2019. Ainsi, la chasse à la barge à queue noire a été suspendue pour une année supplémentaire. Idem pour le courlis cendré. Mais pour cet oiseau, le moratoire n’est effectif qu’au-dessus des espaces terrestres. Un non-sens pour Dominique Aribert qui rappelle que « la majorité des courlis cendrés sont chassés au-dessus du domaine maritime ».
La France a donc encore des efforts à faire sur la conservation des espèces, selon les défenseurs de la nature. Surtout en comparaison avec ses voisins européens : « En France, on chasse 64 espèces différentes d’oiseaux » alors que, dans « le reste de l’Europe, la moyenne est de 14 espèces », a rappelé ce matin Allain Bougrain-Dubourg, président de la LPO.