La scène se déroule au mois de septembre, quelques semaines seulement après que Gwendal Poullennec , le directeur du Guide Michelin de passage dans la région a demandé à accompagner le chef Olivier Nasti lors d’une de ses sorties en observation sur les hauteurs du Lac Blanc. Un saut dans l’univers du chef Olivier Nasti et une expérience riche en découvertes dans un cadre absolument sublime que nous avons pu parcourir aux côtés du chef et que nous tenions à partager avec vous !
Retour sur une matinée d’observation sur les hauteurs du Lac Blanc aux côté du chef Olivier Nasti !
Quelques minutes plus tard, nous arrivons. Nous sortirons discrètement de la voiture pour ne pas alerter les animaux interdiction de parler puis nous remontrons les pistes de ski jusqu’aux hauteurs du lac blanc. Aux cotés d’Olivier Nasti et toujours au même niveau que son maître, Ô-Brion flaire une piste. Il s’agit probablement de celle du grand cerf que le chef a repéré quelques jours plus tôt.
Nous sommes en pleine période du brame du cerf, le cri que pousse l’animal pour attirer les femelles et qui manque de chance pour lui dévoile sa position. Nous entendrons à plusieurs reprises le brame sans toutefois pouvoir voir le cerf. Le brame se déroule courant du mois de septembre.
Au milieu des pistes, nous prenons le temps d’observer le lever de soleil dans un calme presque absolu nous faisant entrer en communion avec notre environnement. Nos sens s’ouvrent et nous commençons à prêter une attention toute particulière à chaque bruit qui nous entoure, à chacune des sensations que nous percevons. L’excitation de cet instant est décuplée, le stress monte dans l’attente de voir les premiers animaux et de l’autre coté, la vue, mais aussi l’air frais, humide et parfumé par la flore environnante vient nous apaiser lors de notre avancée.
Il ne se passera que quelques secondes avant que le chef attire notre attention. « Regardez là-bas » – toute une famille de chamois traverse la piste, il y en a au-moins 6, peut-être plus ! La scène est hors du temps. Un chamois s’arrête un instant pour observer les alentours et attendre le petit dernier, mais il ne nous verra pas.
Le principe de base est d’approcher tout doucement de sa proie de sorte que l’animal ne soit pas inquiété puis de prendre le temps avec une paire de jumelles de l’observer et pour savoir si s’agit d’un mâle, d’une femelle et d’estimer son âge. En général, l’observation dure 10-20 minutes permettant ainsi au chasseur de faire le bon choix, car il faut rappeler que les chasseurs ont des quotas imposés à respecter permettant une régulation logique de la population de gibier.
Quand un animal est mal chassé, il est stressé et sa chaire devient fiévreuse et rigide. Olivier Nasti nous expliquera que les chasseurs d’aujourd’hui prêtent une attention particulière à prélever l’animal dans de bonnes conditions connaissant les standards qualitatifs et de respect de l’animal imposés par le chef.
Nous continuons la progression sur de petits sentiers forestiers en faisant attention à chacun de nos pas alors que le chef, habitué des lieux observe les alentours à la recherche d’un mouvement ou d’un bruit susceptible de dévoiler la position d’une proie.
Nous voici dissimulés derrière des arbustes à observer plus d’une vingtaine de chamois ne se doutant pas de notre présence. Vous pouvez en apercevoir quelques-uns en file indienne au centre de la photo.
Nous traversons un champs de myrtilles des Vosges. Nous pouvons maintenant parler, les animaux sont loins. Sur le chemin nous posons quelques questions au chef.
L’objectif d’un chef n’est-il aujourd’hui pas un peu paradoxal entre le fait de vouloir être reconnu par un guide ou un classement alors que le réel objectif est en fait de trouver et de partager son propre style ?
C’est un peu la logique dans laquelle nous étions ils y a 5-6 ans. Nous avions 7 entreprises plus de 200 employés et nous étions concentrés sur l’atteinte d’un objectif. J’avais ainsi atteint ma propre ambition, 2* au Guide Michelin, 4 toques au Gault&Millau, le MOF… Au Final, je me suis posé les bonnes questions et je vous assure que je n’aurais aujourd’hui plus l’envie d’adhérer à cette vision de la profession.
Que pensez-vous des jeunes chefs d’aujourd’hui ?
Il y a 30 ans, les chefs ont découvert qu’ils pouvaient sortir de leur cuisine pour faire du business, mais de nos jours, la cuisine demande tellement de concentration, on ne laisse plus passer aucune erreur et les chefs se recentrent de plus en plus sur leur cuisine et souvent dans de petites structures pour être au plus proche de leur personnel.
Quel regard portez-vous sur la gestion du personnel ?
Au-delà du manque de personnel, nous faisons face à des situations de plus en plus difficiles. Récemment, le sous-chef d’un ami a annoncé son départ dans les 3 semaines, en pleine saison et après 12 ans de collaboration, car il allait reprendre la cuisine d’un restaurant concurrent. Ce type de comportement est en quelque sorte un grave manque de respect. J’ai personnellement également vécu cette situation de même que de nombreux autres chefs que je connais…
Une oxalis…
En voiture, Ô-Brion, un peu fatigué observe la route.
Le chef, armé de ses ciseaux et de son panier en osier arpente les abords de la clairière à la recherche des plantes et herbes qu’il utilisera dans sa cuisine. Il recherche principalement du genièvre et de la bruyère de callune.
Retour à 9h15 de notre périple aura duré un peu moins de 3 heures. En cuisine, on vient voir la récolte du chef.
Copyright Food&Sens / Guillaume Erblang