La pêche électrique était théoriquement interdite depuis 1998. Sous la pression du lobbying néerlandais, la Commission européenne a proposé de créer en 2006 un régime de dérogation, contre l’avis de son propre organe scientifique, adopté très rapidement. Depuis 2007, ce régime autorisait les États membres à avoir recours la pêche électrique à hauteur de 5 % d’un segment de leur flotte de pêche. Jusqu’à aujourd’hui, seuls les bateaux de pêche néerlandais la pratiquaient dans les eaux européennes.
L’association Bloom a déposé une plainte le 2 octobre 2017 à l’encontre des Pays-Bas pour avoir attribué illégalement près de 70 dérogations aux chalutiers néerlandais. L’association réclame également le remboursement des 21,5 millions d’euros de subventions ayant servi à soutenir le développement de la pêche électrique.
« C’est la victoire de David contre Goliath, du Parlement et des 500 millions de citoyens qu’il représente face aux États membres et aux lobbyistes de la pêche industrielle » s’est félicité l’eurodéputé socialiste Éric Andrieu, qu fait partie des députés européens ayant adopté formellement l’accord obtenu entre les trois institutions européennes que sont le Parlement européen, le Conseil européen et la Commission européenne, lors d’une réunion en trilogue. Cet accord prévoit qu’aucune nouvelle dérogation ne puisse plus être accordée à aucun pays membre.
Que va-t-il se passer d’ici 2021 ? Les navires qui bénéficient actuellement de la dérogation pourront continuer à pratiquer la pêche électrique jusqu’à la date effective de l’interdiction. Cependant, « entre la parution du règlement au Journal officiel dans quelques semaines et le 1er juillet 2021, le nombre de chalutiers autorisés à poursuivre la pêche électrique sera drastiquement revu à la baisse, passant de 84 chalutiers néerlandais à une dizaine. Chaque État membre pourra décider d’interdire la pêche électrique dans sa bande côtière de 12 milles nautiques, soit 22,2 km « .
Une proposition de loi allant dans ce sens a été déposée en France sur le motif suivant : » L’effondrement croissant des stocks de poissons au niveau mondial a et continuera à avoir un impact notoire sur nos sociétés, il est urgent d’agir en conséquence. » L’Article L.922-4 proposé semble aller dans ce sens de cette prise de conscience : » La pêche au chalut associée au courant électrique impulsionnel est interdite jusqu’à la limite de la mer territoriale. «
Une avancée majeure, il y avait urgence sociale et écologique.
Les conséquences de la pêche électrique : » C’est un filet assez lourd trainé à une certaine vitesse au fond de l’eau par un bateau. Physiquement et mécaniquement, il y a un impact sur les habitats marins « . À ces filets, les pêcheurs y ont ajouté des électrodes qui vont fonctionner comme un taser. » C’est le même type de courant électrique. Il va provoquer des contractions incontrôlées chez le poisson et vont le faire se soulever très facilement » précise-t-il. Ces impulsions électriques ne sont pas anodines, elles sont même très dangereuses et normalement interdites au même titre que le poison ou les explosifs. » C’est un courant intense. Utiliser de l’électricité pour capturer du poisson dans de l’eau, ça peut être dangereux. Il y a des impacts sur la survie et l’éclosion des œufs, sur la reproduction des individus matures. On a aussi des impacts physiques sur les poissons, il y a 50 à 60 % des cabillauds qui ont la colonne vertébrale fracturée par le courant électrique. Ce n’est pas un petit courant qui va juste stimuler les réflexes du poisson comme le font croire les industriels qui l’utilisent. «
La pêche électrique provoque également de graves disparités socio-économiques. C’est une méthode de pêche extrêmement efficace. Les pêcheurs néerlandais y ayant recours ont vu une augmentation de 1000 ou 2000 % de leur chiffre d’affaires. Une méthode certes efficace, pratiquée au détriment de l’intérêt général. » Les artisans français, belges, néerlandais, allemands, eux subissent la pêche électrique là où elle est pratiquée : il n’y a plus rien dans l’eau. Il n’y a même plus de vers dans le sédiment pour nourrir le poisson. Ces artisans mettent la clef sous la porte ».