Lyon pleure une de ses figures emblématiques. Renée Richard, surnommée la “reine du Saint-Marcellin”, s’est éteinte ce dimanche 19 janvier 2025, à l’âge de 74 ans, après une lutte courageuse contre la maladie. Fille de la célèbre Mère Richard, elle a porté haut les couleurs de la gastronomie lyonnaise et de l’entreprise familiale, ancrée dans les mythiques Halles Paul Bocuse. Avec son départ, c’est un pan de la mémoire culinaire lyonnaise qui s’efface, mais un héritage indélébile qui demeure.
Une vocation née d’un détour inattendu
Renée Richard ne se destinait pas à suivre les traces de sa mère. Étudiante en droit, elle ambitionnait de devenir clerc de notaire. Mais, à la demande de sa mère, elle accepta de l’aider temporairement à la boutique familiale. Ce qui ne devait être qu’une courte parenthèse s’est transformé en une vie entière dédiée au fromage. “Je n’ai jamais regretté le notariat,” confiait-elle, le regard pétillant. “J’ai trouvé dans le fromage une richesse humaine et gastronomique inégalée.”
Cette transition inattendue a permis à Renée d’apprendre, dans l’ombre de sa mère, l’art de sélectionner les meilleurs producteurs de la région, d’affiner les fromages avec soin et de sublimer le Saint-Marcellin, ce trésor crémeux devenu indissociable du nom “Mère Richard”. Paul Bocuse, premier chef à intégrer ce fromage sur la carte de son restaurant, a contribué à hisser cette spécialité au rang de symbole gastronomique.
Une présence incontournable aux Halles Paul Bocuse
Renée Richard, tablier immaculé et sourire éclatant, incarnait l’âme des Halles Paul Bocuse. Chaque matin, dès l’aube, elle prenait place derrière son comptoir pour accueillir une clientèle aussi diverse qu’enthousiaste. “Elle avait toujours un mot gentil, une attention sincère pour chacun,” se remémorent ses fidèles clients.
Les Halles étaient bien plus qu’un lieu de commerce pour Renée : elles étaient une scène où elle jouait un rôle central, celui d’une ambassadrice discrète mais déterminée de la gastronomie lyonnaise. Des visiteurs anonymes aux grandes personnalités, tous partageaient l’émerveillement devant ses fromages. Elle recevait aussi bien les chefs étoilés que des figures internationales, comme le Prince de Galles – aujourd’hui Roi Charles III – ou encore lors de dîners d’État honorant des chefs d’État tels que Xi Jinping.
Un engagement au-delà du commerce
Renée Richard n’était pas seulement une fromagère. Elle était une figure de bienveillance et de générosité. Que ce soit pour soutenir des actions caritatives ou simplement pour prodiguer un conseil chaleureux, elle incarnait l’humanité au service de l’excellence. Ses amis et collègues saluent sa simplicité, sa douceur et son dévouement sans faille.
Sa capacité à s’adapter à toutes les situations – des réceptions dans les salons feutrés de l’Hôtel de Ville aux événements plus modestes – témoignait de sa polyvalence. Pourtant, Renée restait fidèle à ses racines, arborant avec fierté son tablier dans les allées des Halles. “Elle n’avait pas besoin d’en faire trop. Sa présence et son sourire suffisaient,” note un collègue des Halles.
L’héritage d’une dynastie culinaire
Avec le décès de sa mère en 2014, Renée Richard avait pris les rênes de l’entreprise familiale avec courage et ambition. Sans jamais chercher à se comparer à la légendaire Mère Richard, elle avait su imposer son propre style, alliant respect des traditions et ouverture sur le monde. “On ne disait pas ‘la Mère Richard’ pour elle, on disait simplement Renée, et cela voulait tout dire,” soulignent ses proches.
Son attachement viscéral à Lyon et à ses traditions transparaissait dans chaque fromage qu’elle sélectionnait, dans chaque geste du quotidien. Pour Renée, le fromage n’était pas un simple produit : c’était un ambassadeur de l’histoire et de l’identité lyonnaises. Sous sa houlette, le Saint-Marcellin a continué de briller, devenant un emblème non seulement local, mais aussi national.
Un départ empreint de discrétion
Ces derniers mois, affaiblie par son traitement, Renée Richard s’était peu à peu retirée de la vie publique. Fidèle à elle-même, elle est partie avec la même discrétion qui caractérisait son humilité. “Renée a marqué les Halles de son empreinte. Sans elle, les fromages vont perdre leur âme,” confie Françoise Petit, journaliste gastronomique.
Adieu à une ambassadrice du goût
Renée Richard laisse derrière elle un héritage riche et inspirant. Son sourire, sa simplicité et sa passion pour le fromage resteront gravés dans la mémoire collective de Lyon. Plus qu’une simple commerçante, elle a incarné une manière de vivre et de penser la gastronomie, où l’excellence s’allie à la chaleur humaine.
Adieu, chère Renée. Dans les allées des Halles Paul Bocuse, ton souvenir continuera de flotter comme un parfum de Saint-Marcellin bien affiné.